tag:blogger.com,1999:blog-41416179589640064482024-03-06T02:33:54.784+01:00IFMA – ALFARABIInstitut de Formation sur le Monde Arabe — Bordeaux, FranceElisehttp://www.blogger.com/profile/12479339448491129264noreply@blogger.comBlogger117125tag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-43004839229633313562013-10-02T14:59:00.001+02:002013-10-02T14:59:36.423+02:00Youssef Abdelké<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjJPZhzIr7cFGcWFsTxpa5CTRGPjnX99V7JTTjy3YVCejzDr1dYPYijhGZ1hcXhA4XE_Xi8X815V1dGjhFfW8a_fWNqKBKS3Pj08e9Xb4EjihyphenhyphenJL-jHI2LAMD1qrql1gKECDQ3St_K-fQ8/s1600/abdel2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjJPZhzIr7cFGcWFsTxpa5CTRGPjnX99V7JTTjy3YVCejzDr1dYPYijhGZ1hcXhA4XE_Xi8X815V1dGjhFfW8a_fWNqKBKS3Pj08e9Xb4EjihyphenhyphenJL-jHI2LAMD1qrql1gKECDQ3St_K-fQ8/s320/abdel2.jpg" width="298" /></a></div>
<br />
<br />
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Un
entretien avec Youssef Abdelké<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<h2>
<span style="font-size: small;">Par Yves
Gonzalez-Quijano</span></h2>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Il y a
moins d’un mois, les autorités syriennes relâchaient le peintre Youssef Abdelké
après une détention de 36 jours, qui a suscité les protestations des milieux
culturels syriens et arabes. Déjà emprisonné entre 1978 et 1980, l’artiste
s’était rendu par la suite en France avant de rentrer dans son pays après une
absence d’un quart de siècle, pour y poursuivre son œuvre artistique, celle
d’un des plus importants artistes syriens et arabes, ainsi que son combat au
sein de la gauche syrienne. Nous l’avons rencontré à Beyrouth, lors de sa
première sortie du territoire syrien après sa détention. Propos sur sa
détention, sur l’art, et sur le conflit qui ensanglante la Syrie.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Bienvenue à
Beyrouth ! C’est sans doute la première fois que vous quittez la Syrie après la
prison et depuis votre retour d’exil.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Cela fait
des années qu’il m’est interdit de quitter le pays. C’est mon premier voyage
après être resté des années durant, de gré ou de force, en Syrie. La dernière
fois que je suis venu à Beyrouth, c’était il y a trois ans et demi.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Pensez-vous
que les protestations contre votre arrestation, de la part des « modérés » et
de tous ceux qui admirent votre expérience politique et culturelle, ont joué un
rôle dans votre libération ? Étiez-vous au courant de ces protestations à
l’intérieur de la prison ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Pour
commencer, je veux remercier tous les amis, et tous les autres, journalistes ou
non. Une telle solidarité à mon égard, c’est vraiment une manifestation
d’humanité. Il n’y a rien qui puisse abattre un prisonnier plus que le fait de
se sentir abandonné, de penser que personne ne s’interroge à son sujet. Savoir
que quelqu’un, qu’une voix parle de celui qui est détenu donne une capacité
extraordinaire à supporter la détention. Alors que dire lorsqu’il s’agit d’une
véritable campagne, d’un grand nombre d’amis qui se sentent concernés. En
prison, je ne l’ai su qu’à travers une remarque d’un des gardiens qui m’a
dit : « Il y a une chaîne qui parle de toi, tu es au courant ? – Non.
– On réglera tout ça plus tard ! » a-t-il répondu d’un ton menaçant.
Bien entendu, je ne l’ai pas revu ensuite et on n’a rien réglé du tout !
(Rire.) J’ai compris à ce moment-là qu’il se passait quelque chose à l’extérieur.
À part cela, les prisonniers sont totalement coupés du monde extérieur. La
seule occasion pour eux de recevoir des informations, c’est quand arrive un
nouveau prisonnier. Mais ceux qui entrent ne sont pas toujours véritablement
préoccupés par la situation politique, ils ont leurs propres soucis, leurs
propres problèmes. Mais c’est le seul moyen de rester en contact avec ce qui se
passe à l’extérieur.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Est-ce
qu’il y a une différence entre cette prison et celle que vous avez connue
autrefois ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Une très
grande différence ! Les méthodes de torture qui existaient avant, je
trouve aujourd’hui qu’elles étaient bien moins dures. Ils mettaient le
prisonnier dans un pneu et le frappaient à coups de gourdin sur les pieds ou
sur le dos. Ça me paraît bien gentil par rapport à ce qui se passe
maintenant ! Aujourd’hui, ils tirent le prisonnier de la cellule et quand
il revient on dirait qu’il est resté enfermé avec une bête féroce ! Il est
en sang, il a des zébrures rouges et bleues imprimées sur sa peau, déjà
infectées parfois. On n’arrive pas à comprendre comment ils sont arrivés à un
tel résultat aussi vite, c’est une violence totalement déchaînée. Comme si la
violence qu’il y a aujourd’hui à l’extérieur se répercutait à l’intérieur de la
prison. Mais pire que la torture encore, c’est le fait pour le prisonnier de se
sentir humilié, d’être dépouillé de toute humanité et toute dignité. Un être
humilié qui ne peut pas se défendre devant des gens qui ressemblent à des
machines aveugles ! Pas de soins, pas de médicaments. La nourriture est
exécrable : chaque jour, des olives le matin, du borghol le soir. Il y a
32 ou 33 ans, quand j’étais prisonnier, on nous apportait du thé : un rêve
aujourd’hui ! En plus, tout le monde est entassé dans la même cellule. Une
cellule de <st1:metricconverter productid="6 m" w:st="on">6 m</st1:metricconverter>
sur 8 peut contenir jusqu’à 120 prisonniers. Il fait tellement chaud, il y a u<br />
ne telle humidité qu’on est obligé de se déshabiller. Parfois, on n’a pas le
droit de dormir ou de parler. Parfois, c’est un peu moins terrible, comme la
cellule où j’ai passé la plus grande partie de ma détention : <st1:metricconverter productid="3,5 m│tres" w:st="on">3,5 mètres</st1:metricconverter> sur 5, nous
étions 20, on pouvait dormir ou se laver, et en général nous étions mieux
traités.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Avez-vous
été torturé ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Non, je
n’ai pas été maltraité non plus. Mais la torture est une pratique quotidienne
dans toutes les prisons.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Quelle
accusation a-t-elle été portée contre vous ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Je ne sais
pas. Durant le premier interrogatoire, ils m’ont posé des questions à propos
d’une réunion avec des amis. Ils m’ont demandé si j’avais parlé de
politique. J’ai répondu que oui. Le second interrogatoire a été plus
long : ma vie, mes études, mes voyages, ma famille, quelques questions
politiques, mais sans accusation particulière. L’interrogatoire s’est terminé
sans accusation et le juge a ordonné ma mise en liberté en quelques minutes.
Pourquoi mettent-ils en prison quelqu’un un jour, une semaine, un mois, cinq,
je n’en sais rien ! Il s’agit d’appareils [de répression] qui pensent
différemment de nous. C’est une équation à plusieurs inconnues : l’un est
torturé, l’autre non ; l’un est libéré, l’autre, non. Parfois on n’arrive
pas à comprendre les véritables raisons des traitements qui sont infligés dans
la prison. Quelqu’un peut-il expliquer pourquoi les autorités mettent en prison
des hommes politiques et des juristes tels que le docteur Abdel-Aziz
al-Khayyer, l’avocat Khalil Maatouk, Adnan al-Debs ou encore Ali al-Chihabi…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Comment
avez-vous vécu l’expérience de la prison en tant qu’artiste ? <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Comment
vous représentiez-vous la scène ? Est-ce que vous pensiez aux œuvres que
vous dessineriez une fois que vous seriez dehors ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">En prison,
c’est tellement différent qu’on ne pense pas à ces choses-là ! Bien sûr
j’ai pensé à des tableaux mais ce qui occupe tout l’esprit, c’est de se
retrouver prisonnier de quatre murs sans la moindre issue ! On pense sans
cesse aux petites choses de la prison : comment manger, dormir, se laver,
boire, des choses qui mobilisent tout ton temps… Avec en plus les rêves…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Vous voulez
dire les cauchemars ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Non, les
rêves ! Des rêves différents. Un des moyens de se protéger pour le
prisonnier, c’est de continuer à rêver à toutes sortes de projets, à des
rencontres avec des amis, à des promenades dans des lieux sans murs. Rêver
c’est une façon de se protéger pour le prisonnier, de garder une sorte
d’équilibre. Mais travailler, réfléchir à des vraies questions artistiques,
c’est possible seulement une fois sorti de prison. Bien entendu, l’artiste
emmagasine des idées, des sentiments, des sensations, qui ressortent avec le
temps. Jusqu’à présent je n’ai encore rien fait mais j’ai toutes sortes de
projets. J’ai aussi le sentiment que ce sur quoi je travaillais ces derniers
temps n’est pas encore achevé. Du coup, il est encore trop tôt pour que je
commence quelque chose de nouveau.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Dans vos
dessins, vous vouliez montrer la violence, comme une manière de la refuser.
Après la violence de la prison et tout ce que vous voyez aujourd’hui en dehors
de la prison, est-ce qu’on peut imaginer que cela va modifier votre
style ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Je pense
que la violence de la prison fait partie de la violence de la société et de la
vie politique. Ce qui me m’angoisse vraiment, et c’était l’axe de mon travail
ces derniers temps, c’est l’idée de la mort, la mort comme perte que rien ne
pourra remplacer au niveau individuel.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">On dirait
que vos précédentes œuvres représentaient déjà les massacres avant qu’ils
n’aient eu lieu. Maintenant que tout cela est arrivé, que dessiner ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Qu’une
personne perde la vie à cause d’un slogan, qu’il s’agisse d’un défenseur de
régime ou d’un opposant, c’est une chose insupportable ! L’idée qu’un
homme vienne à mourir, c’est une perte épouvantable au point de vue humain et
c’est ce qui se passe pour des dizaines de milliers de Syriens. C’est ce qui
leur arrive, à eux, à leurs parents, à leurs enfants, à ceux qu’ils aiment, à
leurs amis… Pour moi la mort est une chose insupportable, c’est à cela que je
pense pour l’essentiel ces temps-ci. C’est une idée qu’il est difficile
d’exprimer rationnellement. Je ne peux pas supporter que quelqu’un meure parce
qu’il a dit quelque chose ou qu’il a manifesté ou qu’il a fait quelque chose
sur le plan politique. Rien ne mérite un tel châtiment. C’est une question
existentielle, au plus profond de moi, qui me bouleverse totalement, et qui va
bien au-delà de l’univers de la politique. Je pars du principe que les gens ne
méritent pas un tel destin. Tout peut être réparé sauf la mort. Si on se met à
la place des mères qui ont perdu leurs enfants, qu’est-ce qu’elles peuvent bien
ressentir ? C’est un véritable vol de leur vie, une blessure ouverte avec
laquelle elles vivront jusqu’au jour de leur mort.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Cela veut
dire que vous dessinez la mort pour la refuser, comme vous le faites avec la
violence ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Voilà un
moment que je travaille sur cette question. Je pense qu’aucun travail
artistique, qu’il s’agisse de littérature, de musique ou de quoi que ce soit
d’autre, n’a de poids face à l’idée de la mort, même si les créateurs
travaillent pour s’en approcher, parce qu’il y a dans la mort une violence qui
va au-delà du pouvoir des artistes, au-delà des limites humaines de
l’expression. Ils s’efforcent d’y arriver, sans savoir jusqu’à quel point ils y
parviennent ou non, c’est le temps qui le dira. C’est vraiment quelque chose de
difficile.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Vous avez
certainement déjà commencé à penser à ce nouveau projet, vous avez imaginé des
choses qui commencent à s’accumuler dans votre tête. Pouvez-vous nous en dire
davantage sur ce nouveau projet artistique ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Dans mes
dessins au charbon sur feuille, il y avait quelque chose qui s’approchait déjà
de cela, en rapport avec ce que signifie la mort, avec sa symbolique, par
exemple lorsque je dessine un oiseau mort ou un couteau fiché dans une table à
côté d’un oiseau. Mais ce que je fais à présent est vraiment très différent de
ce sur quoi j’ai travaillé durant les dix années passées. Je travaille sur des
gens, sur des personnages. Je sens quelque chose de fort en moi-même, je ne
saurais pas l’expliquer, quelque chose qui me pousse à dessiner non pas la
symbolique de la mort, ni même les gens « ordinaires », « stylisés
». Je veux dessiner des gens qui ressemblent aux vendeurs de foul, au loueur de
bicyclettes du quartier. Ce sont des gens faits de chair et de sang. Parler de
la mort de façon générale, c’est insupportable par rapport à la violence de la
mort, à sa totale injustice. Il faut vraiment montrer que les morts, les
victimes, les martyrs, ce sont les gens du quartier, les voisins. Il faut
absolument qu’ils soient vraiment présents, ce n’est pas juste une envie comme
ça…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Dans votre
célèbre portrait, intitulé « Le martyr », on a l’impression que vous avez
dessiné la mort elle-même, et pas simplement son action sur les vivants. C’est
cela que vous recherchez, l’effet de la mort ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Je ne veux
pas dessiner la mort elle-même. C’est difficile de parler de la mort comme
d’une idée philosophique parce que c’est également quelque chose qu’on ressent
physiquement, qui touche profondément, qui peut bouleverser, dominer toute
autre pensée en un instant…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Mais vous
avez déjà représenté la mort, cette chose qui arrive, directement dans des
œuvres comme « Le moineau » ou encore « Le martyr », ou dans ces dessins de
bras arrachés. Pourquoi représentez-vous les choses comme elles sont, juste en
vous plaçant à leur niveau ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Je crois
qu’il est difficile de répondre à cette question, parce qu’il y a des
motivations qu’il est difficile de saisir. La mort est tellement dure,
immédiate, qu’il est difficile d’en parler d’une manière symbolique ou
générale, cela n’est pas à la hauteur de ce qui vous pousse à le faire. Il se
passe des choses comme on n’en a pas vu depuis des siècles. Il y a longtemps
qu’on n’avait pas vu des foules aussi nombreuses protester, autant de
manifestants dans les rues, dans les villes, dans les villages. Il s’agit d’un
événement qui est peut-être en train d’ouvrir une nouvelle époque, de permettre
des relations différentes entre les citoyens et le pouvoir, qui va peut-être
redessiner la géopolitique de la région, pas seulement en Syrie mais dans toute
la région, un vrai tournant dans l’histoire moderne pour ce pays et sa région.
Cela va se payer au prix fort.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Avant de
passer aux sujets politiques, on peut dire que, dans votre art, il y a une
représentation traditionnelle de la mort, en noir et blanc. Dès lors que la
mort n’est plus celle d’avant, peut-on s’en tenir au noir et blanc ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">L’univers
du dessin et celui des couleurs, ce sont deux choses à la fois différentes et
totalement liées. Il faut savoir ce que l’on a envie de faire, et ce dont on
est capable. Le noir et le blanc, ce sont mes outils en tant que dessinateur,
c’est avec eux que se joue le combat entre traits et surface, un combat et en
même temps une harmonie. C’est très différent des outils du coloriste qui
associe les couleurs chaudes et froides. De ce point de vue, il n’y a pas de
rapport entre le blanc le noir et les sujets traités. Le blanc et le noir,
comme les couleurs, peuvent permettre de traiter les sujets les plus légers ou
les plus dramatiques.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Pendant
votre détention, on a pu suivre les réactions et les prises de position des uns
et des autres : certains réclamaient votre liberté, d’autres se
réjouissaient de voir ce qui vous arrivait. Vous êtes à la fois rejeté par le
pouvoir et par une porte bonne partie des franges de l’opposition. C’est un peu
paradoxal de voir Youssef Abdelké, l’homme de gauche, apparaître aujourd’hui
comme un « modéré ». Qu’est-ce que vous pensez de cette « modération » ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Je ne suis
pas d’accord avec cette idée de modération. Permettez-moi de vous dire que la
politique n’est plus rien quand elle est dominée par la haine, les sentiments,
les instincts, l’esprit de vengeance. Rien ne demande autant de réflexion,
d’analyse objective que la politique ! La question de la liberté l’emporte
sur toutes les divergences politiques et par conséquent celui qui donne plus
d’importance à des divergences politiques qu’à la question de la liberté commet
une faute politique contre lui-même et par rapport à son combat politique. Il y
a deux oppositions en Syrie. Je comprends qu’il y ait des divergences
politiques mais pas qu’il y ait un tel affrontement sur les questions qui nous
réunissent tous.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Il y a plus
que deux oppositions…<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Globalement,
il y a une opposition qui a un agenda extérieur et qui s’efforce de provoquer
une intervention militaire étrangère parce qu’elle pense que cette intervention
réglera les choses à son avantage. Et il y a une opposition intérieure qui veut
un changement total, accompli par les Syriens eux-mêmes et pour eux. Elle
refuse toute intervention [extérieure] parce que cette intervention, c’est le
premier pas vers l’occupation et la division du pays en « comtés »
confessionnels, une chose dont l’administration américaine n’a pas caché
qu’elle œuvrait à sa réalisation. Une autre chose, c’est cette malheureuse
tendance à l’émiettement dans les cercles de l’opposition. Il y a un nombre
incalculable de conflits, entre partis, confessions, clans, personnes… Les
financements étrangers y jouent un grand rôle. Cet éparpillement de
l’opposition, et en particulier l’opposition extérieure, n’est pas à la
hauteurs des souffrances du peuple syrien. Quand on regarde les hommes
politiques, on dirait qu’il n’y en a pas un seul qui ait de l’envergure,
quelqu’un qui aurait le sens de l’intérêt collectif et qui répondrait aux
espoirs du peuple syrien et à ses sacrifices héroïques. A côté de tout cela,
qu’Untel ou Untel soit emprisonné, cela n’a vraiment qu’une importance
secondaire.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Vous avez
payé, pour l’opposition, le prix de vos déclarations contre l’utilisation des
armes. Où entraînent-elles la Syrie, ces armes ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">J’ai dit ce
que j’avais à dire sur la question des armes à la fin de l’année 2011. J’ai dit
alors, en gros, que cela revenait à voler la révolution syrienne, que c’était
la conduire vers des horizons qui n’avaient rien à voir avec la révolution.
Aujourd’hui même un aveugle peut se rendre compte que les armes et les
financements de l’étranger ont conduit la révolution syrienne à des objectifs
qui n’ont rien à voir avec elle, à des hypothèses qui n’ont rien à voir avec
les aspirations du peuple syrien. Une bonne partie de ceux qui participent à
l’opposition armée, on ne sait rien de ce qui les anime, on ne sait pas jusqu’à
quel point ils dépendent de l’étranger, quels sont leurs objectifs. Beaucoup
d’entre eux ont toutes les qualités, sauf celle d’être les défenseurs du peuple
syrien, de ses choix et de son avenir. Les armes ont détourné la révolution
syrienne de ses objectifs initiaux, la liberté, la dignité, la démocratie, la
justice, un gouvernement de la société civile (al-dawla al-madaniyya). Peu à
peu, elles lui ont fait perdre son soutien populaire. Toute révolution qui ne
présente pas un modèle moral supérieur à celui du régime contre lequel elle se
révolte perd son sens et son soutien auprès de la population.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;"><br />
Il y a une autre chose qui apparaît aujourd’hui dans la situation en Syrie,
c’est que l’absence d’une direction, de dirigeants, tellement vantée par nombre
de journalistes et de commentateurs comme un signe de « démocratie »,
et bien ce n’est pas vrai ! Une révolution qui ne possède pas une vision
claire de sa tactique et de ses objectifs stratégiques ne peut pas réussir.
Voilà le résultat de ces groupes armés qui pullulent, de ces chefs
innombrables, des armes et des financements qu’ils ont reçus. Voilà ce qui a
conduit la lutte à cette situation pitoyable. Une situation où les groupes
armés sont tellement éparpillés qu’ils ne sont capables de rien, et encore
moins de faire quelque chose en faveur du peuple syrien et du changement.
Aujourd’hui il y a des groupes avec des motivations idéologiques et politiques
si différentes qu’ils sont parfois capables de se battre les uns contre les
autres ! Tout comme il y a des parties qui sont bien davantage liées à
leurs intérêts extérieurs qu’à ceux du peuple syrien. De ce point de vue, les
armes n’ont pas aidé le peuple syrien à se rapprocher de ses objectifs. Tout ce
qu’elles ont fait, c’est rendre plus lourd le coût humain et matériel de la
révolution.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;"><br />
On pourrait se demander : est-ce que l’action pacifique aurait permis au
peuple syrien d’arriver à ses objectifs ? Je pense que c’était impossible
au regard de la violence bestiale par laquelle on a répondu aux manifestations
pacifiques. Mais il faut tout de même se demander aussi : est-ce que les
armes ont permis à la révolution d’atteindre ses objectifs ? La réponse est
un non sans appel. Le sang syrien coule aujourd’hui à flots, le pays s’enfonce
toujours davantage dans la violence et le confessionnalisme, et on ne voit pas
de lumière au bout du tunnel.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Et après
tout cela, comment voyez-vous l’évolution de la lutte ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Un an après
le déclenchement de la révolution, les forces locales n’étaient plus
essentielles, elles n’avaient plus leur mot à dire dans les combats. Les forces
internationales avaient la haute main sur le cours des opérations. Les forces
locales, qu’il s’agisse des forces du régime ou des forces de l’opposition
gardent une certaine marge de manœuvre mais l’essentiel de la décision se fait
à l’étranger. Dès lors, aucune force internationale n’accepte la défaite de son
allié local. S’il est affaibli par une défaite sur le terrain, la partie
étrangère le renforce. C’est ainsi qu’on peut comprendre l’insistance
américaine pour déclencher une frappe à cause de l’utilisation de l’arme
chimique, pourtant utilisée à quatre reprises auparavant comme le reconnaissent
les Américains eux-mêmes. Ils ne se sont mis en ordre de bataille que lorsque
l’équilibre des forces militaires a été modifié sur le terrain.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;"><br />
Malheureusement ce qui est appelé à durer, c’est la violence et la destruction
qui finiront par provoquer la division du pays, sauf en cas d’accord politique
au niveau international, avec sa traduction au niveau intérieur, sa mise en
œuvre par les parties locales. Le problème c’est que les parties locales
continuent à croire qu’elles peuvent l’emporter et que la « victoire » réclame
un peu de patience. Mais il n’y aura ni vainqueur ni vaincu, tout le monde sera
perdant. Nous sommes dans un trou noir, sans solution visible.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Les
conflits entre intellectuels ont été tout aussi violents, et même parfois
davantage, que les combats sur le terrain. A votre avis, c’est quelque chose de
normal ou bien s’agit-il d’une évolution injustifiable ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;">Ce qui se
passe en Syrie est exceptionnel à tous points de vue. Les oppositions violentes
ou politiques se reflètent naturellement au sein des intellectuels. Peut-être
que cela se voit particulièrement à cause de la place qu’ils occupent, à cause
des médias. Les divisions sont parfaitement naturelles dans une situation aussi
exceptionnelle. La révolution syrienne a été pour tous un examen, une véritable
épreuve pour savoir vraiment ce qu’ils pensaient, pour révéler leurs véritables
aspirations au changement, même si le « changement » suscite la peur chez
beaucoup de gens, intellectuels ou non. Ce que je veux dire, c’est que le
régime ce n’est pas simplement l’institution militaire, les services de
renseignements, un gouvernement, des batteries de missiles, des avions, etc. Le
régime possède une base populaire que l’opposition a méprisée. Je crois qu’il
aurait fallu la gagner à soi. Mais cela n’a pas été fait et en fin de compte
cela a nui à la révolution car cela a réduit sa base populaire.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 14pt;"><br />
Les circonstances exceptionnelles que traverse la Syrie ont fait surgir une
foule d’analystes, de sociologues, de politologues et de stratèges en tous
genres. Des gens qui n’avaient jamais rien montré de toute leur vie, dont on
n’avait jamais entendu parler, qui n’avaient aucun rôle politique et qui ont
tout à coup obtenu des positions importantes. Les financements étrangers ont
joué un rôle important dans la visibilité de ces gens-là, de ces personnes
marginales jusque-là dans la vie politique, et cela pour des raisons qui ont
quelque chose à voir avec cette énorme éponge qu’on appelle les médias et qui a
besoin de ces gens-là : ceux qui financent ont besoin de personnes pour
les représenter.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-88235199940398590062012-03-07T19:06:00.000+01:002012-03-07T19:06:05.544+01:00Le « Printemps arabe » et l’Occident : sept leçons de l’histoire<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEghVAPxI_dR8cdkc5b8-LyzsNlj5TAoYImEW0qB4TzJxGfIcGw0nPWp4pXQPz_qklPEkXctQuIP06Qr4R2gOYRgjmG3_SYrKZidn3XRWY75KIoc_jKEezN3K7vv_MPl2cRCBkFrl0y2JRQ/s1600/409122_369942606355068_114760155206649_1716422_2113338649_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="298" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEghVAPxI_dR8cdkc5b8-LyzsNlj5TAoYImEW0qB4TzJxGfIcGw0nPWp4pXQPz_qklPEkXctQuIP06Qr4R2gOYRgjmG3_SYrKZidn3XRWY75KIoc_jKEezN3K7vv_MPl2cRCBkFrl0y2JRQ/s400/409122_369942606355068_114760155206649_1716422_2113338649_n.jpg" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le « Printemps arabe » et l’Occident : sept leçons de l’histoire<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Seumas Milne<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce n’est pas sans une vraie raison que, plus que dans toute autre partie de l’ancien monde colonisé, le Moyen-Orient n’a jamais été complètement décolonisé. Recouvrant la plus grande partie des réserves de pétrole mondiales, le monde arabe a été la cible d’ingérences et d’interventions continuelles depuis qu’il est devenu officiellement indépendant.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Découpé en États artificiels après la Première Guerre mondiale, il a été bombardé et occupé - par les USA, Israël, la Grande-Bretagne et la France - et verrouillé par des bases US et des tyrannies soutenues par l’Occident. Comme la blogueuse palestinienne Lina Al-Sharif l’exprimait sur Twitter le Jour de l’armistice cette année, « ici, la Première Guerre mondiale n’a jamais pris fin parce que nous, au Moyen-Orient, nous en vivons toujours les conséquences ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les insurrections arabes qui ont éclaté en Tunisie il y a un an ont porté sur la corruption, la pauvreté et le manque de liberté, plutôt que sur la domination occidentale ou l’occupation israélienne. Mais du fait qu’elles aient été lancées contre des dictatures soutenues par l’Occident, elles constituent une menace immédiate pour l’ordre stratégique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Depuis la chute d’Hosni Moubarak en Égypte, les puissances occidentales, avec leurs alliés du Golfe, ne cessent de contre-attaquer, pour acheter, écraser ou détourner les révolutions arabes. Et elles ont acquis une très grande expérience pour ce faire : chaque foyer d’insurrection arabe, de l’Égypte au Yémen, a vécu pendant des décennies sous la domination impérialiste. Tous les principaux États de l’OTAN qui ont bombardé la Libye par exemple (les USA, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie) ont eu, de mémoire d’homme, des troupes qui ont occupé le pays.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Si les révolutions arabes prennent en main leur avenir, alors, il leur faudra garder un œil sur leur passé récent. Voici sept leçons de l’histoire du Moyen-Orient entremêlée avec celle de l’Occident, avec la gracieuse permission de Pathé News pour utiliser leurs archives, et la voix de l’ère coloniale de la perfide Albion.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">1 - L’Occident n’a jamais renoncé à contrôler le Moyen-Orient, quels que soient ses revers<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Revenons à cette dernière fois où les États arabes ont commencé à se sortir de l’orbite occidentale, dans les années mille-neuf-cent-cinquante, sous l’influence du panarabisme de Nasser. En juillet 1958, des officiers radicaux de l’armée nationaliste iraquienne ont renversé un régime corrompu et répressif, soutenu par l’Occident (ça vous rappelle quelque chose ?), cantonné dans les garnisons des forces britanniques.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’éviction de la monarchie docile iraquienne a semé la panique chez Pathé. L’Iraq, richesse pétrolière, était devenu le « site à risque numéro un », alertait Pathé dans sa première de ses dépêches sur l’évènement. Malgré le « patriotisme » du roi Faycal, « ancien élève d’Harrow » - et dont « personne ne peut douter » nous assure la voix off - les évènements se sont précipités, « pour le malheur de la politique occidentale ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais dans les quelques jours qui ont suivi - comparés avec les deux mois qu’il a fallu pour intervenir en Libye cette année -, la Grande-Bretagne et les USA ont envoyé des milliers de soldats en Jordanie et au Liban pour empêcher que deux autres régimes alliés d’être contaminés par la révolte nassérienne. Ou, comme le dit Pathé News dans son article suivant, pour « arrêter la gangrène ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ils n’avaient aucune intention de laisser l’Iraq révolutionnaire laissé à lui-même. Moins de cinq ans plus tard, en février 1963, les renseignements états-uniens et britanniques soutenaient le coup d’État sanglant qui porta les baasistes de Saddam Hussein au pouvoir.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Revenons directement à 2003, quand les USA et la Grande-Bretagne envahirent et occupèrent le pays tout entier. L’Iraq revenait finalement sous le total contrôle occidental - au prix de massacres sauvages et de destructions. C’est la force de la résistance iraquienne qui, au bout du compte, a conduit au retrait américain de cette semaine - mais même après ce retrait, 16 000 agents de sécurité, formateurs et autres vont rester sous le commandement US. En Iraq, comme dans le reste de la région, ils ne partent jamais, à moins d’y être contraints.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">2 - On peut compter sur les puissances impérialistes pour se leurrer toutes seules sur la pensée réelle des Arabes<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le présentateur de Pathé News - et les occupants colonialistes de l’époque - ont-ils cru vraiment à la sincérité « des milliers d’Arabes » figés qui acclamaient le dictateur fasciste Mussolini sur son parcours dans les rues de Tripoli, dans la colonie italienne de Libye en 1937 ? Vous ne devinez donc rien à voir leurs visages apeurés ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Rien dans ce film d’actualité ne laisse soupçonner qu’un tiers de la population de Libye est mort sous la brutalité du joug colonial italien, ni l’existence du mouvement de résistance héroïque libyen dirigé par Omar Mukhtar, pendu dans un camp de concentration italien. Mais le « masque de l’impérialisme » porté par Mussolini comme le décrit la voix off est le même que celui des politiciens britanniques de l’époque<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Et la dépêche de Pathé sur la visite de la Reine dans la colonie britannique d’Aden (aujourd’hui intégrée au Yémen), quelques années plus tard, est étrangement semblable, avec « des milliers de loyaux sujets l’acclamant », supposés accueillir « leur propre Souveraine » que l’on décrit allégrement comme un « exemple remarquable du développement colonial ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Si remarquable en réalité qu’à peine dix ans plus tard, les mouvements de libération du Sud Yémen contraignaient les troupes britanniques à évacuer le dernier bastion de l’Empire, mais après avoir frappé, torturé et assassiné sur leur chemin tout en traversant le district Crater d’Aden : un ex-membre de l’escouade britannique a expliqué dans un documentaire sur la BBD en 2004, qu’il ne pouvait pas donner plus de détails, de crainte d’être poursuivi pour crimes de guerre.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais il est beaucoup plus facile de voir les choses à travers la propagande d’époques et de régions autres que les nôtres - surtout quand cette propagande a le caractère grotesque de celle dans les années cinquante d’un Harry Enfield ou d’un Cholmondley Warner .<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il est bien connu que les néocons s’attendaient à ce que ce ne soit qu’une promenade en Iraq et la couverture états-unienne et britannique de l’invasion a toujours montré les Iraquiens jetant des fleurs aux troupes d’invasion, alors que la résistance armée était en pleine mobilisation. Et les reportages télévisés britannique montrant les troupes britanniques « protégeant la population locale » contre les Taliban en Afghanistan peuvent de façon frappante rappeler les actualités des années cinquante à Aden et Suez.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Même durant les insurrections de cette année, en Égypte et en Libye, les médias occidentaux n’ont souvent vu que ce qu’ils voulaient voir dans la foule place Tahrir ou à Benghazi ; surpris seulement, disaient-ils, de voir les islamistes contrôler la situation ou gagner les élections. Quoiqu’il puisse arriver ensuite, il est probable qu’ils ne l’obtiendront pas.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">3 - Les grandes puissances sont parfaitement rodées pour magnifier les régimes alliés afin de préserver leur flot de pétrole<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quand il s’agit des autocraties réactionnaires du Golfe, pour être juste, on ne les considère pas comme vraiment gênantes. Mais avant que la vague d’anti-impérialisme des années cinquante ne touche un bon nombre d’entre elles, Britanniques, Français et Américains ont travaillé dur pour déguiser ces régimes de larbins de l’époque en démocraties constitutionnelles pleines d’avenir.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Parfois, ces efforts se sont avérés vains, et ce reportage houleux sur la « première tentative importante de démocratie » en Libye sous le règne du roi fantoche Idris ne fait rien pour le cacher.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La fraude éhontée des élections de 1952 au détriment de l’opposition islamique a déclenché des émeutes et tous les partis politiques ont été interdits. Puis Idris a été renversé par Kadhafi qui a nationalisé le pétrole et fermé la base américaine de Wheelus - sauf qu’aujourd’hui le drapeau du roi flotte à nouveau à Tripoli grâce à l’OTAN, tandis que les compagnies pétrolières occidentales attendent d’engranger leurs profits.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les élections ont été truquées et des milliers de prisonniers politiques torturés dans les années cinquante en Iraq. Mais à en croire les officiels britanniques - incrustés en tant que « conseillers » à Bagdad et présents dans leur base militaire de Habbaniya - et les actualités présentées dans les cinémas britanniques à l’époque, l’Iraq de Faycal était une démocratie bienveillante et dynamique. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sous le regard vigilant des ambassadeurs états-unien et britannique, et de « Mr Gibson » de la British Iraq Petroleum Company, nous voyons le Premier ministre iraquien, Nuri Said, inaugurant le champ pétrolier de Zubair, près de Basra, en 1952, pour, disait-il, ouvrir « des écoles et des hôpitaux » grâce au « travail commun de l’Orient et de l’Occident ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En réalité, ce ne sera possible que lorsque le pétrole aura été nationalisé, et six ans plus tard, Said était assassiné dans les rues de Bagdad alors qu’il tentait de s’échapper sous un déguisement de femme. Un demi-siècle plus tard, les Britanniques reprenaient le contrôle de Basra, alors qu’aujourd’hui les Iraquiens se battent pour empêcher une nouvelle saisie de leur pétrole dans un pays dévasté que les politiciens britanniques s’entêtent à qualifier de démocratie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour tout « printemps arabe », abandonner l’autodétermination pour adopter l’Occident peut évidemment conduire à une telle évolution, et les régimes dévoués qui ne sont jamais sortis de l’orbite de l’Occident, comme l’État policier corrompu de Jordanie, ont toujours été salués comme des îlots de bonne gouvernance et de « modération ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">4 - Les peuples du Moyen-Orient n’oublient pas leur histoire, même si c’est le cas des USA et de l’Europe<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le fossé pourrait difficilement être plus large. Quand l’ancien ministre de l’Information de Nasser et journaliste chevronné, Mohamed Heikal, a prévenu récemment que les insurrections arabes allaient être utilisées pour imposer un nouvel « accord Sykes-Picot » - le dépeçage et le partage, pendant de la Première Guerre mondiale, de l’Orient arabe entre les Britanniques et la France -, les Arabes et d’autres au Moyen-Orient savaient exactement ce qu’il voulait dire.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sykes-Picot a façonné la région tout entière et ses relations avec l’Occident. Mais pour la plupart des non-initiés de Grande-Bretagne et de France, Sykes-Picot aurait tout aussi bien pu, à l’époque, être une obscure marque de râpe à fromage électrique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il en va de même pendant plus d’un siècle d’ingérence anglo-améracine, d’occupation et de subversion antidémocratique contre l’Iran. La presse britannique a exprimé sa perplexité devant l’hostilité iranienne aux Britanniques quand leur ambassade à Téhéran a été saccagée par des manifestants le mois dernier. Mais quand vous connaissez le dossier historique, qu’y a-t-il de si surprenant ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le cynisme orwellien du rôle de la Grande-Bretagne est très bien saisi dans le reportage de Pathé sur le renversement en 1953 du dirigeant iranien démocratiquement élu, Mohammed Mossadegh, après qu’il ait nationalisé le pétrole iranien.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les manifestants pro-Mossadegh y sont présentés comme des gens violents, destructeurs, alors que le coup d’État fomenté par la CIA et le MI6 qui l’a évincé est accueilli comme « un coup de théâtre » populaire. Les actualités accusent Mossadegh, qui avait été élu, de « quasi-dictateur » ; à son procès pour trahison qui s’en est suivi, celui-ci exprimera l’espoir que son propre sort serve d’exemple pour « briser les chaînes de la servitude coloniale ». Quant au véritable dictateur, le Shah, soutenu par l’Occident, et dont l’autocratie violente a pavé le chemin de la Révolution iranienne et de la République islamique 26 ans plus tard, il est salué comme le souverain du peuple.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Aussi, quand les politiciens occidentaux s’insurgent contre l’autoritarisme iranien ou se revendiquent comme les champions des droits démocratiques, tout en continuant de collaborer avec une kyrielle de dictatures dans le Golfe, il n’y en a pas beaucoup au Moyen-Orient qui les prennent au sérieux.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">5 - L’Occident a toujours présenté les Arabes qui persistent à vouloir prendre leurs affaires en main comme des fanatiques<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le soulèvement révolutionnaire qui a débuté en décembre dernier à Sidi Bouzid est loin d’être le premier contre le règne oppressif en Tunisie. Dans les années cinquante, le mouvement contre le joug colonial français a naturellement été dénoncé par les gouvernements colonialistes et leurs partisans comme « extrémiste » et « terroriste ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pathé News n’a certainement pas soutenu leur campagne pour l’indépendance. En 1952, Pathé a condamné une attaque contre un bureau de police comme étant une « explosion de l’agitation nationaliste » à travers l’Afrique du Nord. Et alors que la police coloniale disait procéder à « une recherche vigoureuse des terroristes » - même si les hommes déconcertés qui étaient extirpés de leurs maisons au bout du fusil ressemblaient plus aux « suspects habituels » du capitaine Renault à Casablanca -, le présentateur de Pathé se plaignait que, « une fois de plus, les fanatiques avaient bougé et fait empirer les choses ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il voulait parler des nationalistes tunisiens, évidemment, et non du régime de l’occupation française. Le nationalisme arabe a depuis été éclipsé par la montée des mouvements islamistes qui, à leur tour, ont été rejetés comme « fanatiques », tant par l’Occident que par certains anciens nationalistes. Alors que les élections font monter les partis islamistes au pouvoir, l’un après l’autre, dans le monde arabe, les USA et leurs allies tentent de les apprivoiser, sur le terrain de la politique étrangère et économique, pas sur les interprétations de la charia. Ceux qui succomberont seront des « modérés », les autres resteront des « fanatiques ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">6 - Une intervention militaire étrangère au Moyen-Orient apporte la mort, la destruction et divise pour mieux régner<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Est-il nécessaire de se plonger dans les archives pour analyser cela. L’expérience de la dernière décennie est suffisamment explicite. Qu’il s’agisse d’une invasion à grande échelle et d’une occupation, comme en Iraq où des centaines de milliers de personnes ont été tuées, ou qu’il s’agisse de bombardements aériens pour changer le régime en brandissant le drapeau de la « protection des civils », comme en Libye où des dizaines de milliers de personnes ont été tuées, le coût humain et social est toujours catastrophique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Et ceci a été vrai tout au long de l’histoire maléfique de l’implication occidentale au Moyen-Orient. Dans le film muet de Pathé sur la dévastation de Damas par les forces coloniales françaises lors de la révolte syrienne de 1925, ce pourrait tout aussi bien être Falluja en 2004 ou Syrte cet automne, si vous enlevez les fez et les casques coloniaux.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Trente ans plus tard et pour Port-Saïd, ce fut la même chose lors de l’invasion anglo-française de l’Égypte en 1956, date à laquelle les USA ont supplanté les anciens États coloniaux européens en tant que puissance dominante dans la région.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce reportage sur les troupes britanniques attaquant Suez, troupes d’invasion occupant et détruisant encore et toujours une ville arabe, pourrait tout aussi bien montrer Basra ou Beyrouth ; c’est devenu une spécificité tellement routinière du monde d’aujourd’hui, et en lien constant avec l’ère coloniale.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ainsi en va-t-il de la tactique impériale classique qui utilise les diversités ethniques et religieuses pour renforcer l’occupation étrangère : que ce soit les Américains en Iraq, les Français dans la Syrie ou le Liban colonisés, ou les Britanniques quasiment partout où ils vont. Les archives Pathé sont pleines de films d’actualités où l’on voit les troupes britanniques que l’on prétend acclamées comme « gardiennes de la paix », au milieu de populations hostiles, de Chypre à la Palestine, pour mieux en garder le contrôle.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Et maintenant, le sectarisme religieux et les divisions ethniques, exacerbés sous l’occupation US-britannique de l’Iraq, sont mobilisés par les alliés de l’Occident dans le Golf pour contrer ou détourner les défis du réveil arabe : avec l’écrasement du soulèvement au Bahreïn, l’isolement des troubles chiites en Arabie saoudite et le conflit de plus en plus sectaire en Syrie - où une intervention étrangère ne ferait que plus de morts et enlèverait aux Syriens le contrôle de leur propre pays.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">7 - La couverture par l’Occident de la colonisation de la Palestine bloque en permanence toute relation normale avec le monde arabe<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Israël n’aurait pu être créé sans le joug impérial de trente ans de la Grande-Bretagne sur la Palestine et sans son parrainage de la colonisation juive européenne à grande échelle sous couvert de la déclaration Balfour en 1917. Manifestement, une Palestine indépendante, avec une écrasante majorité arabe palestinienne, ne l’aurait jamais accepté.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cette réalité est prouvée dans ce film de Pathé News à l’époque de la révolte arabe contre le mandat britannique à la fin des années trente, montrant des soldats britanniques capturant des « terroristes » palestiniens à Naplouse et Tulkarem, en Cisjordanie occupée, tout comme le fait leur successeur israélien aujourd’hui.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ces troupes sont là pour assurer la sécurité des colons juifs, déclare le présentateur dans le film, avec le ton essoufflé des voix off des années trente -, « des troupes britanniques, toujours vigilantes, toujours protectrices ». Cette relation va s’effondrer quand la Grande-Bretagne va limiter l’immigration juive vers la Palestine, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le réflexe colonial des Britanniques, en Palestine ou ailleurs, est toujours de se présenter comme les « gardiens de la loi et de l’ordre » contre les « menaces de rébellion » et comme les « maîtres de la situation », comme dans ces actualités délirantes de 1938 filmées à Jérusalem.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais le lien crucial d’origine entre la puissance impériale occidentale et le projet sioniste est devenu une alliance stratégique permanente après l’implantation d’Israël, tout au long des expulsions et dépossessions des Palestiniens, des multiples guerres, des 44 années d’occupation militaire et de la colonisation illégale toujours en cours de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le caractère inconditionnel de cette alliance, qui reste le pivot de la politique US au Moyen-Orient, est l’une des raisons qui font que les gouvernements arabes démocratiquement élus constatent probablement qu’il est plus difficile pour eux de jouer les dupes du pouvoir américain que ce ne le fut pour les monarchies dictatoriales de Moubarak et du Golfe. Comme la Grande-Bretagne avant eux, les USA pourraient bien avoir quelque difficulté à rester les « maîtres de la situation » au Moyen-Orient. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-71071866664593838772012-03-05T20:40:00.000+01:002012-03-05T20:40:11.785+01:00Au Liban, le double exil des Palestiniens<div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;"><br />
</span></b></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjrX89miZCOkmjW7EWwAF5raweOCx0UxhhOudCSvZiy_99gAAlN1i-MCh4UGH0iahH58lOBRKmNUVI2sugukNYwKM2pW3aVVBAZO_ZeeWre_S2AfHHMSIYfby8IOTvxCyihMBPiTlwYwIY/s1600/nahr-el-bared.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="298" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjrX89miZCOkmjW7EWwAF5raweOCx0UxhhOudCSvZiy_99gAAlN1i-MCh4UGH0iahH58lOBRKmNUVI2sugukNYwKM2pW3aVVBAZO_ZeeWre_S2AfHHMSIYfby8IOTvxCyihMBPiTlwYwIY/s400/nahr-el-bared.jpg" width="400" /></a></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;"><br />
</span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Au Liban, le double exil des Palestiniens<o:p></o:p></span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par Marina Da Silva<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A la suite des affrontements provoqués en 2007 par des islamistes infiltrés, le camp palestinien de Nahr Al-Bared, au Liban, a été détruit. Depuis, les habitants tentent de revenir. Mais la reconstruction réveille bien des craintes : chez les Palestiniens, la peur d’un contrôle et d’une répression accrus, et pour les autorités, celle de l’installation définitive des réfugiés.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« La situation à Nahr Al-Bared est un désastre. » Combien de fois avons-nous entendu ce constat sans appel ? Il nous a fallu huit jours pour obtenir l’autorisation d’entrer — et encore : sous escorte militaire — dans ce camp palestinien, à seize kilomètres au nord de Tripoli, où le groupe Fatah Al-Islam et l’armée libanaise s’étaient opposés du 20 mai au 2 septembre 2007 (1). A l’issue des combats, le saccage s’est poursuivi. Le vieux camp a été détruit à 95 %, et les alentours dévastés. Parqués dans une zone d’attente effroyable, close à tous les regards, les deux tiers de ses trente mille réfugiés y sont revenus.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Nahr Al-Bared était le second camp palestinien du Liban en nombre d’habitants. C’était aussi l’un des plus paisibles et des moins enclavés. Edifié en 1949 sur une surface d’à peine 0,2 kilomètre carré, d’abord avec des tentes, ensuite avec des constructions en dur enchevêtrées, il est bordé au nord-ouest par la mer, « celle des pauvres », comme l’appelaient ses habitants parce qu’elle ramenait avec elle toute la pollution de la ville industrielle. Sa population ne cessant d’augmenter, le camp a mordu sur deux communes voisines, Bhanine et Muhmarra, sur une surface trois à quatre fois plus vaste mais moins peuplée, communément appelée « le nouveau camp ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« C’était un véritable pôle d’activité, le seul camp où l’on trouvait nombre de bijouteries, raconte Hodda, qui venait régulièrement y travailler avec l’association de femmes Najdeh. Les Libanais aussi venaient y faire leurs courses, acheter parfois des marchandises de contrebande en provenance de Syrie. » C’est désormais du passé. Les habitants se sentent trahis : « Ils ont évacué le camp à la demande de l’armée et des organisations palestiniennes, mais, pour eux, la reddition de quelque quatre cents djihadistes ne peut justifier la destruction à une telle échelle. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La première vague de réfugiés à revenir, en octobre 2007, a subi un choc terrible : « Le camp a été rasé au bulldozer. Nos maisons ont été saccagées, pillées, nos lieux de culte profanés. Nous avions tout laissé. Je n’ai même plus une seule photo. On a tout perdu ! Même notre mémoire », se lamente Abou Ghassan, rencontré au camp de Chatila, à Beyrouth, où se sont installées deux cents familles. Mais une grande partie des habitants, près de huit mille personnes, s’est retrouvée à Badaoui, un autre camp palestinien qui jouxte Tripoli et qui a vu sa population doubler en 2007.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il a fallu plus d’une année pour résoudre, grâce à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) et à l’ensemble des organisations palestiniennes du camp, les problèmes posés par l’accueil de ces réfugiés. Deux écoles supplémentaires en préfabriqué ont été ouvertes. Quelques familles dorment encore dans des garages transformés en habitations, mais le plus grand dénuement se trouve du côté du « nouveau camp ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« On ne peut rentrer ni sortir sans montrer un permis attribué pour une journée, trois semaines ou de manière permanente, et qui peut être retiré à tout moment. Il arrive aussi qu’on passe la journée en détention sans motif », témoigne Khaled. Tout le secteur est devenu zone militaire, interdite aux étrangers. Seuls les Palestiniens qui y habitaient ou travaillaient et le personnel de l’UNRWA ou d’organisations non gouvernementales (ONG) peuvent y pénétrer.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le vieux camp, les travaux viennent à peine de commencer. « Il a fallu plus d’un an et demi pour déminer le terrain, alors qu’après la guerre israélienne de 2006, les gens sont immédiatement rentrés chez eux, malgré les milliers de bombes à fragmentation déversées sur le Sud », précise Khaled. Dans le nouveau camp, les familles vivent au milieu des ruines et des gravats. Elles reconstruisent leurs maisons éventrées à mains nues. Des couloirs de préfabriqués délabrés servent d’abris provisoires. Quelques petits commerces ont rouvert, mais rares sont les clients à franchir les barrages de l’armée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’accès à la propriété refusé par la loi<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« Il y aura, pour les Palestiniens, un avant et un après-Nahr Al-Bared », dit M. Ali Hassan. Ils avaient longtemps pensé que leur avenir se jouerait autour de Aïn El-Heloueh, le grand camp de Saïda qui a toujours focalisé l’attention. La présence des groupes djihadistes y est ancienne (2), les incidents fréquents. Mais les organisations palestiniennes y demeurent assez fortes pour maintenir la sécurité. Et surtout, « les extrémistes sont pour la plupart eux-mêmes issus du camp. Ils y ont leurs familles et ne sont pas prêts à l’embrasement. A Nahr Al-Bared, ils s’y sont introduits à partir de 2006 et, pour la plupart, ils n’étaient pas palestiniens, mais libanais, saoudiens, yéménites, irakiens, etc. D’où venaient-ils ? Quels intérêts servaient-ils ? » Des interrogations majeures (3), mais qui finissent par occulter la question essentielle : celle des droits des réfugiés palestiniens au Liban.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« Le refus de leur installation définitive (tawtin) est affirmé aussi bien dans la Constitution que rappelé dans les accords de Taëf (4). Mais ce refus sert de couverture à des traitements discriminatoires », résume ainsi Sari Hanafi, professeur de sociologie à l’université américaine de Beyrouth (5). A ses yeux, la récente modification de la loi sur le travail constitue une amélioration, car elle permet aux Palestiniens d’exercer un certain nombre d’activités jusqu’ici interdites — les professions libérales leur restant cependant fermées. Mais la loi leur interdisant l’accès à la propriété, promulguée en 2001, est, rappelle-t-il, toujours en vigueur et a constitué l’un des principaux obstacles à la reconstruction de Nahr Al-Bared, pour laquelle l’Etat a dû racheter le terrain.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Membre de la commission de reconstruction de Nahr Al-Bared, Sari Hanafi note : « Plusieurs camps palestiniens ont été détruits au Liban, mais c’est la première fois que l’un d’entre eux est reconstruit. C’est un projet pilote, tout à fait inhabituel, mené en coordination avec les réfugiés, les organisations palestiniennes, le Comité de dialogue libano-palestinien (6), les autorités libanaises et l’UNRWA. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour cette dernière, il s’agit du plus important chantier de son histoire, où elle joue sa crédibilité. M. Salvatore Lombardo en est le responsable depuis deux ans et il s’y consacre corps et âme. « Nous ne pouvons pas échouer sans provoquer de grandes désillusions et des bouleversements sociaux qui pourraient avoir des conséquences sur la stabilité du Liban nord. J’espère que les Libanais ne vont pas faire preuve de cécité politique. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Un an et demi a été nécessaire pour élaborer les plans : « Il fallait d’abord reconstituer chaque lieu, chaque rue, s’entendre sur leur localisation, leur surface, puis leur transformation, obtenir l’accord des familles. Vous imaginez les ressources qu’il faut déployer ! » Les architectes ont tenu compte du tissu sociologique de Nahr Al-Bared, organisé, comme dans la plupart des camps, à partir des relations de voisinage établies dans les lieux d’origine en Palestine avant 1948. Des groupes de réflexion ont été mis en place avec les habitants, dont une grande partie proviennent des villages de Safouri et Safsaf, en Galilée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La situation s’est compliquée lorsqu’il a fallu soumettre le plan directeur au gouvernement, qui y a apporté un certain nombre de restrictions : pas plus de quatre étages pour les immeubles (la norme habituelle pour les camps), avec des possibilités de balcon ou de terrasse seulement pour les troisième et quatrième étages, de façon à en interdire l’accès à partir de la rue en cas de troubles. Aucune construction en sous-sol. Des routes plus larges : au moins quatre mètres et demi, une dimension qui permet le passage d’un char. Au final, une perte évaluée à au moins 15 % de la surface d’occupation pour chaque famille.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Enfin approuvé, le plan directeur doit encore être exécuté. Il a été découpé en huit zones de reconstruction (nommées packages), chacune devant à son tour être validée par le ministère de l’urbanisme.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">D’autres obstacles ont surgi, comme la découverte, début 2009, des vestiges archéologiques d’Orthosia (7), qui ont bloqué les travaux durant de longs mois et contraint l’UNRWA à indemniser le département des antiquités. Le général Michel Aoun, dirigeant chrétien du Courant patriotique libre (CPL), en a profité pour demander un moratoire, entretenant ainsi le blocage. La crainte de l’installation des Palestiniens (8), qui viendrait altérer l’équilibre confessionnel du Liban et serait perçue comme un renoncement au droit au retour des réfugiés, est partagée par l’ensemble des partis politiques libanais.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La somme nécessaire à la reconstruction du vieux camp a été évaluée à 328 millions de dollars. Un tiers seulement, soit 119 millions de dollars, a été versé, et il manque encore 46 millions pour finaliser les packages 3 et 4, soit seulement la moitié du vieux camp. L’agence ne manque pas de communiquer sur l’avancée des travaux afin de convaincre les donateurs (jusqu’à présent essentiellement la Commission européenne, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite), qui s’étaient pourtant engagés dès la fin des affrontements et lors de la conférence de Vienne de juin 2008 (9).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quant au nouveau camp, sa réhabilitation est laissée à la charge de ses habitants, l’agence n’étant pas mandatée pour le reconstruire. Elle a tout juste un budget d’aide d’urgence pour le faire fonctionner.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« Il reste environ trois cents unités en préfabriqué. L’UNRWA a offert à la population de les fermer, notamment cet été où il a fait 45 °C, mais les gens refusent de s’éloigner, car ils sont trop inquiets et veulent marquer par leur présence leur détermination à rentrer chez eux. » Les familles hébergées hors du camp reçoivent une aide au logement. D’abord de 200 dollars, elle a été ramenée à 150 dollars à l’automne 2009. Tandis que le taux moyen des loyers dans la région est passé de 75 à 250 dollars.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Check-points et barbelés<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour les organisations palestiniennes, la reconstruction du camp fait consensus. « Nous avons perdu la bataille de Nahr Al-Bared, reconnaît M. Jemal Chehabi, responsable politique du Hamas au Liban nord. Nous n’avons pas pu empêcher sa destruction et sommes maintenant responsables de sa reconstruction. » Quant au représentant du Fatah à Badaoui, M. Abou Jihad Fayad, il considère que « Nahr Al-Bared était un accident dont ont été victimes aussi bien les Palestiniens que l’armée », mais rappelle : « Les gens attendent avant tout de rentrer en Palestine. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est le premier dossier sur lequel le Fatah et Hamas coopèrent, un pas important que souligne M. Abdallah Abdallah, nouvel ambassadeur de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Beyrouth : « Nous travaillons à la création d’une délégation unifiée. Nous ne voulons pas que ce dossier soit traité sous un angle uniquement sécuritaire, mais que l’on prenne en compte nos droits politiques et que l’on améliore la situation humanitaire. Nous voulons déconstruire les clichés qui collent à l’image des camps. Nous y avons besoin de sécurité, les autorités libanaises aussi. Nous devons travailler ensemble. Les traitements discriminatoires peuvent conduire à l’explosion (10). Pour nous, l’important est de garder le contact avec la population et la confiance en notre propre force. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Responsable du dossier pour l’OLP et directeur du Haut Comité pour Nahr Al-Bared, M. Marwan Abdel-Al, connaît bien le camp, où il a passé les trois mois du siège. Selon lui, les différents obstacles à la reconstruction ont été franchis, mais demeure le problème de la liberté d’accès : « Les check-points arbitraires, les barbelés, le contrôle des déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du camp avec des permis imposés à tous les résidents ne peuvent être maintenus. » « En février 2009, ajoute-t-il, le ministère de la défense avait tenté d’installer une base navale au bord du vieux camp. Il y a finalement renoncé, mais nous sommes inquiets d’un projet de poste de police à l’intérieur du camp. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cinq millions de dollars seraient en effet réservés à la sécurité dans le camp, jusqu’alors prise en charge par les organisations palestiniennes, selon une disposition du document de Vienne.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce dispositif effraie la population, qui y voit une menace pour tout le Liban. « Ce sera, se désole Oum Tarek, comme un test pour étendre le contrôle de l’armée aux autres camps de réfugiés. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">P.-S.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(1) Les affrontements se sont soldés par la mort de quarante-sept civils et de cent soixante-trois militaires, celle de deux cent vingt membres du groupe et l’arrestation d’une centaine d’autres, toujours en attente de jugement, tandis que quelques-uns parvenaient à s’enfuir.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(2) Cf. Bernard Rougier, Le Jihad au quotidien, Presses universitaires de France (PUF), Paris, 2004.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(3) Lire Fidaa Itani, « Enquête sur l’implantation d’Al-Qaida au Liban », et Vicken Cheterian, « Désarroi des militants au Liban », Le Monde diplomatique, février et décembre 2008.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(4) Accords signés le 22 octobre 1989, qui mirent fin à la guerre civile.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(5) State of Exception and Resistance in the Arab World, Centre for Arab Unity Studies, Beyrouth, 2010.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(6) Etabli en 2005 pour tenter de recréer des ponts entre les deux parties.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(7) Antique cité de la Phénicie hellénistique et romaine que l’on situe sur la rive gauche du fleuve Nahr Al-Bared.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(8) Le refus de leur implantation a été rappelé par le président Michel Sleimane lors de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) du 26 septembre 2010.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(9) Initiative des gouvernements libanais et autrichien, de la Ligue arabe et de l’Union européenne (UE) avec la participation de plusieurs pays du monde arabe, de l’Europe, des Etats-Unis, de la Chine, du Japon et des représentants des institutions financières impliquées dans la coopération et le soutien aux réfugiés palestiniens. Le document de Vienne prévoit aussi de renforcer la sécurité à l’intérieur du camp.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(10) Sur la situation dans l’ensemble des camps du Liban, cf. aussi le rapport de l’International Crisis Group (ICG), « Nurturing instability : Lebanon’s Palestinian refugee camps », février 2009.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-36191589280987656062012-03-05T20:38:00.000+01:002012-03-05T20:38:51.391+01:00Le cheminement d’une idée<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifWJOUcNaR-LbND_up8Ns_g2afwbasu1wrTb5DfNPwW6lAAeyw5bcnwjfGUxsdZnoz06KmZJjHAYvsHEfOMZMvXKaT-p-DJRVI31jYE13x634PoxudScJDsky5pc4y9ELIpJKJ9ODZda8/s1600/Farah+alhattab+0.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifWJOUcNaR-LbND_up8Ns_g2afwbasu1wrTb5DfNPwW6lAAeyw5bcnwjfGUxsdZnoz06KmZJjHAYvsHEfOMZMvXKaT-p-DJRVI31jYE13x634PoxudScJDsky5pc4y9ELIpJKJ9ODZda8/s400/Farah+alhattab+0.jpg" width="266" /></a></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;"><br />
</span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Le cheminement d’une idée<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par Alain Gresh<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ils étaient des sionistes convaincus et « la question de savoir s’il existait ou non une nation juive ne se posait même pas. Non seulement elle existait, mais elle avait le droit de retourner en Palestine et de devenir un exemple de justice pour le monde (1) ». Pourtant, pour le philosophe Martin Buber (1878-1965) comme pour le rabbin Judah Magnes (1877-1948), premier président de l’université hébraïque de Jérusalem, devenir un « exemple de justice » ne pouvait s’accommoder de l’oppression des autochtones. Comme d’autres immigrants, ils avaient découvert avec surprise que la Palestine n’était pas une « terre sans peuple » et ils se devaient donc d’inventer une formule de coexistence entre Juifs et Arabes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Posture essentiellement morale, leur binationalisme trouva un relais politique avec Hachomer Hatzaïr (la Jeune Garde), une organisation puissante qui l’intégra à son programme dès 1929. Récusant l’idée de l’édification d’un centre spirituel juif en Palestine, elle cherchait à répondre à la « question juive » par la création d’un Etat. Pétris de marxisme, ses dirigeants étaient convaincus que seuls les exploiteurs et les riches arabes s’opposaient au projet sioniste. Loin d’être marginaux, les partisans du binationalisme recueillaient 40 % des voix juives en 1944. Mais Hachomer Hatzaïr, comme les autres organisations sionistes de gauche, était incapable de résoudre la contradiction entre son discours et sa pratique nationaliste qui aboutissait, sous le mot d’ordre de « travail juif », à l’expulsion des agriculteurs arabes de leurs terres. Et elle ne trouva donc dans l’entre-deux-guerres aucun interlocuteur arabe influent pour accepter la légitimité de l’installation juive en Palestine.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Au début de l’année 1947, le Royaume-Uni décida d’abandonner le mandat qu’il avait reçu de la Société des nations (SDN) pour la Palestine, et le problème fut porté devant la toute jeune Organisation des Nations unies. Une commission fut créée pour étudier les différentes options. Boycottée par les organisations arabes, elle auditionna les mouvements sionistes. Hachomer Hatzaïr comme Buber déposèrent en faveur d’un Etat binational, mais la majorité des membres de la commission, à l’exception de l’Inde, de l’Iran et de la Yougoslavie, rejetèrent cette option. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale vota le partage de la Palestine en deux Etats et une zone sous contrôle international autour de Jérusalem, le tout intégré dans une union économique qui devait couvrir la monnaie, les transports, les douanes, etc.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A l’époque, la majorité des organisations palestiniennes ne rejetaient pas seulement le principe du partage, mais aussi l’octroi de droits politiques aux immigrants venus d’Europe. Seule la Ligue de libération nationale, mouvement communiste, préconisa la création d’un Etat qui garantirait l’égalité de tous ses citoyens, y compris juifs. Oublié pendant deux décennies, ce projet devait renaître après la guerre israélo-arabe de 1967, porté cette fois-ci par le Fatah de Yasser Arafat, auréolé de l’action des fedayins menée à partir de la Jordanie. Le 1er janvier 1969, son comité central proclamait qu’il ne luttait pas « contre les Juifs en tant que communauté ethnique et religieuse », mais « contre Israël, expression d’une colonisation basée sur un système théocratique raciste et expansionniste, expression du sionisme et du colonialisme.(…) Le Fatah proclame solennellement que l’objectif final de sa lutte est la restauration de l’Etat palestinien indépendant et démocratique dont tous les citoyens, quelle que soit leur confession, jouiront de droits égaux (2) ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est un tournant majeur, qui marque l’acceptation par les Palestiniens, non pas de la légitimité du projet sioniste, mais du fait accompli, à savoir la présence sur la terre de Palestine de plusieurs millions de Juifs, dont le Fatah constate qu’il est absurde et injuste de penser qu’ils rentreront « chez eux », ou qu’ils pourraient connaître le sort des pieds-noirs d’Algérie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le cinquième Conseil national palestinien de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se tient en janvier-février 1969 et élit Yasser Arafat à la présidence de son comité exécutif. Une résolution confirme que l’objectif de l’OLP est d’« édifier une société libre et démocratique en Palestine, pour tous les Palestiniens, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs (3) »…<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En 1970, les Editions de Minuit, à Paris, reprennent un certain nombre de textes du Fatah dans un ouvrage intitulé La Révolution palestinienne et les juifs, dont le retentissement facilitera la reconnaissance en Europe de la légitimité des aspirations palestiniennes : « La nouveauté, peut-on y lire, c’est que des Arabes non juifs exilés, expulsés de leurs maisons et chassés de leur patrie par les juifs installés en Palestine puissent encore (…) en appeler à un Etat groupant les ex-victimes et leurs ex-agresseurs et persécuteurs. Cette idée est révolutionnaire… »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Révolutionnaire, cette proposition l’est incontestablement. Mais elle était aussi ambiguë : quel type d’Etat serait créé ? Quelle Constitution garantirait les droits de tous ses citoyens ? Quel statut aura la culture juive ? D’autre part, en acceptant l’irréversibilité de la présence juive en Palestine, le Fatah soulevait une difficulté qu’il ne sera jamais capable de surmonter : la création d’un Etat unique suppose le concours d’une partie des juifs israéliens. Or, malgré des discussions entamées avec des petits groupes antisionistes, le Fatah n’arrivera pas à construire des ponts avec des secteurs significatifs de la population israélienne.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cette carence majeure provoquera l’abandon du projet d’Etat démocratique qui, paradoxalement, en reconnaissant le caractère irréversible de la présence juive, préparera les Palestiniens à l’idée du partage. La reconnaissance internationale de l’aspiration palestinienne, notamment après la guerre d’octobre 1973, la position des soutiens de l’OLP — notamment de l’Union soviétique, qui acceptait, comme l’immense majorité des Etats, la légitimité d’Israël —, le peu d’écho du projet d’Etat unique dans la société israélienne vont amener graduellement l’organisation d’Arafat à accepter l’idée de deux Etats vivant côte à côte. Les accords d’Oslo, en 1993, apparaîtront comme un chemin vers cet objectif entériné par les pays occidentaux, par l’Europe d’abord, puis par les Etats-Unis. En 2003, une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU confirme ce consensus. Finalement, même si c’est du bout des lèvres, le premier ministre Benyamin Netanyahou s’y ralliera le 14 juin 2009.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pirouette de l’histoire : c’est au moment où, sur le terrain, le partage en deux Etats semble relever d’un pari impossible qu’il suscite l’adhésion unanime de la « communauté internationale ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span lang="EN-GB" style="font-family: Arial; mso-ansi-language: EN-GB;">(1) Susan Lee Hattis, The Bi-National Idea in Palestine During Mandatory Times,Shikmona, Tel-Aviv, 1970, p. 25.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(2) Cité dans Les Palestiniens et la crise israélo-arabe, Editions sociales, Paris, 1974.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(3) Cité dans International Documents for Palestine 1969, Institute of Palestine Studies, Beyrouth, 1970.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-4352895805384411282012-03-04T00:44:00.000+01:002012-03-04T00:44:07.125+01:00Retour au pays<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgXsotY48p49luSgrrTHwoMGTx82SW0Mc8WsU_GbxYBkYFDEkpQUm8Q8BmuT2vb5E0fZ-MoIthKeG1-3SW-eIofD8k6Ya4kc9yW12KwCb3_TrIM7XslRlRNJlgK_WtzeTemLdHuC-OH-jg/s1600/edwardSaid_bw.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgXsotY48p49luSgrrTHwoMGTx82SW0Mc8WsU_GbxYBkYFDEkpQUm8Q8BmuT2vb5E0fZ-MoIthKeG1-3SW-eIofD8k6Ya4kc9yW12KwCb3_TrIM7XslRlRNJlgK_WtzeTemLdHuC-OH-jg/s400/edwardSaid_bw.jpg" width="396" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Retour au pays<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par Edward Saïd<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le vendredi 12 juin [1993], vers 19 h 45, notre vol Air-France atterrissait à l’aéroport de Tel-Aviv-Ben-Gourion. Je suis né à Talbiya, Jérusalem-Ouest, en novembre 1935, et je n’y étais jamais revenu, pour une série de raisons tant politiques que personnelles, depuis la fin de l’année 1947, à la veille de la chute de Talbiya aux mains des forces juives.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A la vérité, j’ai une fois passé quelques jours en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, il y a de cela 26 ans ; mais la Palestine que j’ai quittée à 12 ans et l’Israël où nous venions d’atterrir étaient désormais deux lieux différents.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La Palestine arabe fut détruite en 1948 et son peuple, à l’exception de 120 000 de ses membres, expulsé dans un terrifiant exode de masse. Un Etat juif nouveau vit le jour, Israël. Une transformation virtuelle du Moyen-Orient à coups de bouleversements politiques, de guerres, de mutations sociales et de déplacements majeurs de populations commençait. Puis en juin 1967, Israël occupa les 22 % restant du territoire palestinien en envahissant la Cisjordanie et Gaza, respectivement placées depuis 1948 sous contrôles jordanien et égyptien. Durant toute cette période, et bien que venu aux Etats-Unis en tant qu’écolier en 1951 et y vivant depuis comme professeur et écrivain, je demeurai lié au monde arabe où l’idée même d’Israël relevait de l’anathème. La plupart des membres de ma famille, avaient quitté la Palestine au début de 1948 et s’étaient installés en tant que réfugiés à Beyrouth, à Amman et au Caire. J’avais moi-même, depuis 1967, régulièrement visité le monde arabe. J’étais également très impliqué politiquement dans la lutte pour les droits politiques palestiniens.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quarante-cinq ans de ma vie s’étaient écoulés, et voici qu’enfin je revenais, accompagné de mes enfants, Wadie et Najla, âgés de 20 et 18 ans, - jamais venus, eux, dans une quelconque partie de la Terre sainte - et de mon épouse.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce texte traduit de l’anglais, a paru dans The observer du 1" novembre 1992. Nous en publierons la suite et la fin dans notre prochain numéro.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">D’origine libanaise, Mariam qui, en revanche, avait déjà visité Jérusalem-Est au début des années 60, alors que la ville était sous juridiction jordanienne.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« Une minute s’il vous plaît ». La jeune fonctionnaire des services d’immigration prit mon passeport américain et se dirigea vers un bureau proche, laissant les trois autres passeports sur le comptoir. Nous étions tous les quatre extrêmement nerveux. Allaient-ils nous refouler ? Allaient-ils nous faire poireauter là, tout particulièrement moi, et fouiller de fond en comble nos bagages ? Allaient-ils - c’était mon cauchemar - me conduire en prison ? Membre du Conseil national palestinien entre 1977 et 1991, institution qualifiée d’organisation ennemie par Israël, j’avais également joué un rôle public dans la défense des droits palestiniens en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Je connaissais personnellement Yasser Arafat, dont j’étais grossièrement supposé être la « créature ». J’avais même été occasionnellement présenté comme un complice des terroristes par les propagandistes haineux du lobby israélien aux Etats-Unis.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Nous avions planifié ce voyage quatre ans plus tôt, mais un communiqué du bureau du Premier ministre Yitzhak Shamir annonça que nous ne serions pas autorisés à entrer en Israël. Cette fois nous étions venus sans nous renseigner au préalable, mais nous avions néanmoins averti Muhammad Miari, un ami palestinien membre de la Knesset. La fonctionnaire revint dix minutes plus tard. Poussant vers nous les quatre passeports, elle nous dit avec une certaine indifférence : « OK, vous pouvez y aller ». Aucune question. Nous nous dirigeâmes vers la seconde station où une autre jeune femme était postée à une barrière de sécurité. Le scénario se répéta de façon absolument identique sauf que cette fois le visage familier de Miari. Entré dans la zone de contrôle grâce à son statut de parlementaire, nous accueillit.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce qui immédiatement m’étonna chez Muhammad. Et finalement chez tous les Palestiniens d’Israël, fut la facilité, le manque d’affectation, la désinvolture avec lesquelles ils s’adressaient aux Israéliens, civils et fonctionnaires, indistinctement. Je m’attendais à un certain malaise ou même à une certaine crainte, comme cela se constate habituellement entre les membres des groupes dominés et ceux des groupes dominants. Mais là, c’était pratiquement en permanence que ces Palestiniens abordaient les Israéliens avec désinvolture et même, d’une certaine façon, avec assurance. Je le fis remarquer plus tard à des amis et je reçus invariablement la même réponse, à savoir que « nous sommes dans notre patrie aussi » et que « contrairement à eux, nous parlons arabe et hébreu, alors pourquoi être mal à l’aise ? ». L’ignorance israélienne des Palestiniens est par contre évidente sur les panneaux routiers qui sont tous, bien entendu, en hébreu, certains avec des indications en anglais. Seuls quelques rares panneaux sont en arabe. Bientôt nous fûmes dehors, mais sans mes valises, apparemment « égarées ». « Pas d’inquiétude », me dit avec deux clins d’œil et un sourire, l’employé d’El Al préposé aux bagages égarés, « ils referont surface dans quarante-huit heures ». Ce qu’ils firent, avec leur contenu passablement mélangé. Ce fut là toute l’épreuve.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">J’appartiens à une génération qui a grandi dans un monde arabe déniant toute reconnaissance de la réalité d’un Etat juif. Cet étrange postulat rendit possible une politique d’ignorance, et fit naître une sorte de vide qui érigea lui-même les remparts qui l’encerclaient, permettant aux dirigeants, tant israéliens qu’arabes, de se sortir de quasiment toutes les situations sous couvert des besoins de sécurité. Jusqu’en 1967, le monde arabe, dont le million de Palestiniens éparpillés dans les exils, oublia jusqu’à l’existence de ses concitoyens demeurés en 1948 en Palestine ; jusqu’en 1967, il était quasiment impossible d’user du terme « Israël » dans un texte en arabe ; jusqu’à notre visite, des Etats - telle la Jordanie dont les dirigeants avaient régulièrement rencontré « secrètement » les dirigeants israéliens - , interdisaient l’entrée de leur territoire à tout citoyen, de quelque nationalité qu’il fut, dont le passeport portait un cachet des fonctionnaires israéliens des frontières.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Tout cela était supposé saper la légitimité d’Israël et la détermination des Israéliens. Ainsi, si nous ne prenions pas acte de la présence d’Israël, celui-ci « s’en irait ». Ce que, bien entendu, Israël ne fit pas. Toutefois, de nombreux Palestiniens - même ceux à qui leur nationalité ou l’immunité parfois attachée à leurs fonctions rendaient la chose possible - mirent longtemps à faire ce voyage de retour, à franchir la barrière et à affronter la dure réalité.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Miari, sa femme et sa fille, ainsi que Rashid Khalidi, un ami palestinien américain qui passait l’été à Jérusalem, nous conduisirent, dans un crépuscule hâtif, vers cette cité extraordinaire. A notre arrivée un ciel parsemé d’étoiles brillantes et parcouru de vents froids, enveloppait les hauteurs de la ville ; et comme nous traversions l’élégante enceinte de pierre de taille de l’American Colony Hôtel, je me rendis compte que j’essayais de freiner le torrent de souvenirs, d’attentes et d’impressions confuses qui m’avaient submergé. Timidement au début, avec plus d’assurance par la suite, je ne cessais de me répéter en mon for intérieur que j’avais le droit d’être là, qu’ici j’étais né, que toutes mes jeunes années avaient laissé leurs traces dans ma ville natale. J’ai été baptisé dans la Cathédrale anglicane Saint-Georges, édifiée en 1899. A quelques dizaines de mètres de notre hôtel se trouvait l’école, qu’à l’instar de centaines de garçons de ma famille, j’avais fréquentée. Ma famille, dont la propriété se trouvait à un peu plus d’un kilomètre de là, était alliée à tout un réseau de familles palestiniennes et était aussi palestinienne qu’on pouvait l’être. Qu’en restait-il aujourd’hui ? Je ne cessais de me le demander. Que pouvait-on retrouver grâce à sa mémoire, que pouvait-on vivre durant une visite de dix jours et malgré les antagonismes extrêmes que j’avais vécus tout au long de ces quarante-cinq ans ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce premier soir nous prîmes un fort agréable dîner avec les Miari et Rashid dans le jardin de l’hôtel, et nous commençâmes à faire nos plans pour le lendemain. J’avais projeté que ce séjour aurait deux aspects, l’un personnel - je voulais revoir et montrer à Mariam et aux enfants la Palestine dans laquelle j’avais grandi mais qui était devenue Israël -, l’autre politique et actuel : je tenais à voir où se trouvaient les Palestiniens, ce qu’ils étaient à Gaza et en Cisjordanie et quels étaient ces lieux que nous revendiquions en tant que peuple pour y exercer notre souveraineté et établir notre Etat.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais Israël fit irruption dans ces deux objectifs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ma Palestine était devenue un Etat juif, où les Palestiniens qui étaient restés totalisaient 850 000 personnes, soit 18,5 % de la population majoritairement juive. La Cisjordanie et Gaza, où vivent près de deux millions de Palestiniens, étaient des territoires placés sous occupation militaire, gérés par les soldats, les colons et les fonctionnaires coloniaux.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les distances dont je gardais le souvenir ne correspondaient plus du tout à celles que nous parcourions maintenant. Jéricho et Jérusalem, par exemple, étaient bien plus proches que je ne l’avais supposé. Ma grand-mère avait l’habitude de passer ses hivers à Jéricho, qui à l’époque - et à en juger par la manière qu’avait cette sainte femme de faire méticuleusement et laborieusement ses bagages de nombreux jours avant son départ - semblait être un autre pays. Et voilà que je réalisai, lorsque nous traversâmes Jéricho, ville poussiéreuse et sans grand attrait, sur notre chemin vers Tibériade, plus au Nord, que les deux villes étaient séparées par un trajet d’une demi-heure... Saint-Jean-D’acre en revanche, était bien plus éloignée que dans mes souvenirs, et Haïfa, où l’un de mes oncles vivait sur le mont Carmel qui surplombe la ville, m’apparut comme un pays étranger. De vieux souvenirs de certaines régions comme la Galilée étaient comme recouverts dans mon esprit par des impressions visuelles plus récentes : photographies, scènes de films, publicités pour Israël et images surgies de flots de prose. Cette visite devait servir à se débarrasser d’années de négligence et de connaissances assemblées dans le désordre ; j’allais voir pour la première fois en quatre décades et demie de quoi il retournait.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Jérusalem était le centre de toute l’histoire. Le Saint-Sépulcre, ce centre des centres, était exactement comme je m’en souvenais, un lieu étranger, réduit et sans charme, bondé de touristes grotesques, entre deux âges, tournant en rond dans ce lieu délabré et mal éclairé où coptes, grecs, arméniens et autres membres d’autres rites chrétiens cultivaient chacun son peu attrayant jardin, en s’affrontant parfois ouvertement. Je me souviens qu’enfant, en ces mêmes lieux, mon père me portait sur ses épaules, et que je me demandais qui pouvaient bien être tous ces étrangers barbus et s’il était possible que ce fût là le lieu où le Christ vécut ses dernières heures. Najla et Wadie semblaient perplexes et mal à l’aise devant l’incongruité des lieux. Tous les quatre nous nous frayâmes un chemin vers un office grec orthodoxe où les marmonnements incompréhensibles, les chants et les bousculades furent de peu d’apaisement pour nos cœurs irrités. Tous les groupes organisés étaient conduits par des guides israéliens, ce que nous constatâmes également sur le site de la splendide mosquée du Rocher, l’un des lieux les plus saints de l’islam. Un ami m’expliquera plus tard que tous les guides palestiniens étaient au chômage depuis que les forces d’occupation israéliennes contrôlaient les sites et formaient les guides. Après tout, c’est en passant par Israël que la quasi-totalité des groupes<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">de touristes venaient en Cisjordanie et à Jérusalem. Pour moi c’était comme un signe intime d’inquiétude : mon grand-père paternel avait pendant un certain temps travaillé comme guide et, enfant, mon père avait, à l’entrée du Saint-Sépulcre, vendu des couronnes d’épines aux touristes. Ces associations de ma mémoire venaient de prendre fin. Néanmoins, à quelque distance de là, sous un renfoncement dans les remparts de la ville, nous tombâmes sur Zalamito, la célèbre pâtisserie dont la spécialité, la mtabaga, était un des gâteaux favoris de ma famille. Un vieux boulanger à l’allure de sage était là alimentant son four, mais cette silhouette quasiment antique donnait l’impression d’une survivance précaire. Et cet après-midi, comme nous nous dirigions en taxi de la vieille-ville vers Jérusalem-Ouest, je ressentis pour la première fois ce mélange étrange d’allégresse et de deuil. J’avais le sentiment de visiter des lieux familiers mais sans savoir s’ils étaient situés en Israël ou dans la Palestine de mes souvenirs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Là s’élevaient quatre nouveaux quartiers arabes prospères datant quasiment de la période du Mandat (1918-1948) : Baqaa-la-haute, Baqaa-la-basse, Talbiya et Qatamon. Je me souviens que les dernières semaines de l’automne 1947 je devais traverser trois des zones de sécurité, instituées par les Britanniques, pour rejoindre l’école Saint-Georges. En décembre 1947 mes parents, mes sœurs et moi nous partîmes pour l’Egypte. Ma tante Nabiha et quatre de ses cinq enfants restèrent sur place et affrontèrent de graves difficultés. Ils habitaient une zone peuplée de familles palestiniennes non préparées, désarmées, et en février Talbiya tomba aux mains de la Haganah. Aujourd’hui, alors que nous tournons à la recherche de ma maison, je ne vois aucun Arabe, mais les belles demeures anciennes de pierre portent toujours leur identité. Mes souvenirs de la maison elle-même demeuraient assez précis : deux étages ; une entrée par une terrasse ; un balcon en façade ; un palmier et un imposant conifère entre lesquels on passait lorsqu’on montait le petit escalier d’accès ; une place, vide à l’époque, utilisée pour garer les voitures et sur laquelle donnait la chambre où j’étais né, le tout faisant face à l’hôtel King-David et au bâtiment du YMCA.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je ne me souvenais pas contre des noms des rues de l’époque (il s’avère qu’elles n’en avaient point), mais je m’étais muni d’un plan détaillé dessiné de mémoire par mon cousin Youssef qui vit au Canada et qu’il m’envoya avant mon départ en y joignant une copie de notre titre de propriété de la maison. Il y a quelques années, j’avais appris que Martin Buber avait occupé un temps notre maison après 1948, mais qu’il était décédé dans une autre demeure. Personne ne semblait savoir ce qu’il était advenu de notre maison après le milieu des années 60.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">George Khodr, un vieux gentleman, ami de mon père et comptable dans l’entreprise familiale - la Palestine Educationnal Company -, nous servait de guide.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">J’avais un souvenir très net des établissements de mon père, dont une merveilleuse librairie (Abba Eban en était un client régulier). Ils longeaient une extension des remparts entre la Porte de Jaffa et la Nouvelle Porte. Tout avait disparu, comme je m’en aperçus lorsque nous dépassâmes les remparts ; à la place du centre commercial animé se dressait maintenant un gigantesque chantier de construction. La famille Khodr avait également habité Talbiya, et George commença par nous emmener vers sa maison pour s’orienter à partir de là. Malgré la flore méditerranéenne Ion se serait cru dans une banlieue chic de Zurich, tant Talbiya affichait sa nouvelle personnalité européenne. Et pendant que nous marchions à travers les rues, George commença à énumérer les noms des villas et de leurs propriétaires d’origine - Kittané, Tannous, David, Haramy, Salameh - comme s’il convoquait tristement un passé enfoui, rappelant du même coup à Mariam les noms de ces mêmes familles de réfugiés qui apparurent à Beyrouth au début des années 50.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il nous fallut près de deux heures pour retrouver la maison et je dois rendre hommage au plan dressé par mon cousin car c’est uniquement en le suivant à la lettre que nous réussîmes à la localiser. Avant d’y arriver j’hésitais pendant près d’une demi-heure devant la villa au style indiscutablement arabe d’Yitzhak Sha-mir, et dont les contours m’étaient apparus étrangement familiers. Mais j’abandonnais cette piste et acquérais la certitude d’être devant ma maison quelque cinquante mètres plus loin, dans la rue Nahum Sokolow. Là s’élevait notre maison, je le sus soudain, qui de sa masse toujours imposante dominait la place sablonneuse maintenant transformée en un petit parc élégant et quasiment manucuré. Ma fille me raconta par la suite que, en utilisant avec une excitation de maniaque son appareil photo, j’avais pris 26 photos du lieu. Ironie des ironies, une plaque était apposée à l’entrée de la maison. Elle portait la mention « International Christian Embassy ». Retrouver sa maison familiale occupée non point par une famille juive mais par un groupe fondamentaliste chrétien d’extrême droite, militant activement pour le sionisme, dirigé par rien moins qu’un Boer d’Afrique du Sud - entretenant, qui plus est, des liens peu ragoûtants avec les Contras -, fut un rude coup pour l’enfant de parents chrétiens que je suis. La colère et la mélancolie m’envahirent. Aussi, lorsqu’une Américaine les mains pleines de linge à laver sortit de la maison et demanda si elle pouvait faire quelque chose pour nous, je ne parvins qu’à lâcher un instinctif : « Non merci ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Plus que tout ce fut la maison dans laquelle je n’entrais pas, dans laquelle je ne pouvais pas entrer, qui symbolisa l’inquiétante irrévocabilité d’une histoire qui me regardait de la pénombre de ses fenêtres, à travers un immense abîme que je me trouvais dans l’incapacité de franchir. La Palestine telle que je la connaissais n’était plus, et me revint immédiatement à l’esprit ma dernière rencontre avec mon père, quelques jours avant sa mort à Beyrouth. Je devais repartir pour reprendre mon travail à New York, et j’étais venu lui faire mes adieux. Atteint d’un cancer, il gisait dans son lit, tantôt plongé dans le coma, tantôt en émergeant, et après que je l’eusse embrassé, il retourna son visage contre le mur et sembla tomber dans un sommeil soudain. C’était en janvier 1971.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En juin 1992, exactement quatre jours après avoir retrouvé ma maison à Jérusalem, j’emmenais ma famille visiter la vieille « école de l’évêque » comme on la qualifiait en arabe. Là je montrais à mon fils Wadie le nom de son grand-père, qui est également le sien, sur le tableau de la première équipe de cricket entre 1906 et 1911. Dans la salle de réunion où se tenaient les prières du matin un employé septuagénaire nous demanda timidement si nous désirions regarder les vieilles photographies de l’école. Il nous en ramena quatre de la cave - une photo de classe de 1942, le personnel enseignant en 1927, etc. - et nous dit que l’on était sur le point de les jeter. L’une d’elles attira mon attention. Un travail d’une grande beauté plastique. Elle était signée « K. Raad » du nom du plus célèbre des photographes palestiniens - Raad, un jeune homme nerveux et doué qui, je m’en souviens, nous alignait et réalignait pour les photos de groupe à l’occasion des mariages et des confirmations. Sur l’une des photos que le vieil homme nous montra je vis assis à même le sol un jeune garçon tenant un ballon de football. Il y avait une date : « 1906 ». Cet adolescent était mon père à l’âge de 13 ou 14 ans. Cette coïncidence cruelle était de trop pour moi : l’histoire de ma famille qui reprenait vie à travers cette étonnante sérénité de l’image de mon père adolescent, tel que je ne l’ai jamais connu, et les images qui me revenaient de la maison silencieuse de Talbiya, avec son lamentable destin désormais hypothéqué entre des mains « chrétiennes ». Ce monde semblait condamné à n’être plus que débris, lambeaux occasionnels de la mémoire et de la mélancolie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je crois que c’est à cet instant seulement que j’ai compris pourquoi j’avais abandonné la politique active, démissionnant un an plus tôt du Conseil national palestinien ; et pourquoi j’avais eu le sentiment qu’il me fallait revenir en Palestine tout de suite. En septembre de l’année dernière, j’avais appris brutalement que je souffrais d’une insidieuse et chronique maladie du sang. J’avais alors pris conscience pour la première fois dans ma vie que j’étais mortel, ce que j’avais jusque-là délibérément ignoré. N’était-ce pas ce diagnostic qui m’avait fait ressentir le besoin de venir confronter ma propre mort (prévisible) avec ma propre famille, ici, à la source, en Palestine ? Alors les souvenirs de récits antérieurs qui commençaient et se terminaient à Jérusalem me semblèrent être, d’une part les compagnons appropriés de ma vie qui refluait ; et d’autre part, comme les rappels concrets que moi aussi, tout comme ils avaient commencé et s’étaient terminés, je passerais ainsi que mes enfants, eux qui pouvaient enfin voir pour la première fois la lignée continue des générations de notre famille, ainsi que les lieux auxquels nous appartenions et dont nous avions été bannis.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je ne savais pas alors pourquoi la suite de notre séjour fut dominée par des réminiscences ayant trait à la famille de ma mère, originaire de Safad et de Nazareth. Rétrospectivement je me dis que je devais y trouver quelque équilibre face à l’austérité du milieu familial de mon père. Ma mère venait d’une famille peu touchée par la tendance « classe moyenne », et plutôt excentrique et inspirée en comparaison de la Jérusalem anglicane, formaliste et mortuaire dont mon père était issu. (Jusqu’à sa mort, Nabiha la sœur de mon père appelait sa meilleure amie « Madame Marmura » qui lui rendait du « Madame Said », alors qu’elles étaient les meilleures amies depuis plus de cinquante ans.)<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En route vers Safad puis Nazareth, nous traversâmes Beisan. J’avais encore le souvenir d’un village arabe ensommeillé : c’est devenu une ville sans attraits et exclusivement juive - Beit Shean -, avec ses rangées d’appartements anonymes alignés des deux cotés de la route. La différence frappante entre ces douces collines arrondies et plutôt arides, avec leurs petites bandes de verdure, leurs roches grises, leur terre brune, et ces blocs uniformes d’immeubles érigés partout par les Israéliens donnait l’impression que plutôt que d’incompatibilité il y avait là comme une inimitié, comme si cette terre qu’ils s’étaient appropriée devait être mise au pas, et réduite en esclavage.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Puis sur le chemin de Tibériade je me rendis compte que tout au long de la côte, de Jérusalem vers Haïfa puis Saint-Jean-D’acre, pratiquement tout espace ouvert, du terrain de foot au verger ou au parc de loisirs, était entouré de fils barbelés. Cette sorte d’obsession de la clôture s’intégrait étroitement avec les nombreuses prisons que je vis, telle celle de Telamund, tout au long de la route vers Haïfa, avec leurs prisonniers, des Palestiniens en majorité, et leurs rangées de fils barbelés qui semblaient sans fin - une, deux, trois quatre rangées.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Un autre contraste me frappa particulièrement dans des sites tel Tibériade : le soudain étalage hautain des hôtels de luxe, des tours en copropriété et autres bâtisses du même genre, lançant le message : « Vacances Coûteuses ». Nous nous arrêtâmes pour un café au Moriah Plaza, lieu dans le style Miami Beach, où, dans cette enclave exclusivement juive, un jeune Palestinien avec lequel nous avions rendez-vous m’impressionna par son aisance. C’était la première fois que nous nous trouvions en pareil endroit, et nous eûmes tendance presque instinctivement à souligner notre coté américain, nous protégeant par l’usage de l’anglais, et ainsi de suite. Mais pas Muhammad, qui de toutes les façons ne parlait pas anglais, et qui s’adressait à nous avec insistance en arabe, d’une voix suffisamment haute pour qu’elle fût entendue, et qui, avec le même aplomb, s’adressait en hébreu à la jolie serveuse israélienne.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Après Tibériade nous nous arrêtâmes à Tabgha, un village minuscule à l’extrême nord du lac et que je n’avais pas revu depuis 1945. Ce village disposait d’une plage singulièrement paisible, belle sans prétention, qui était associée dans ma mémoire au maïs grillé que des marchands ambulants vendaient là. Aujourd’hui on y trouve une église allemande prétentieuse qui gâche la vue. Et comme nous repartions rapidement je remarquai pour la première fois que Tabgha était quasiment accolé à Capharnaùm où avait eu lieu le miracle de la multiplication des pains. Nous avions l’habitude de descendre vers Tabgha en venant de Safad où vivait mon oncle maternel, Munir, et où avec un plaisir extrême nous effectuions des séjours l’été. Mon oncle, médecin réputé, s’était réfugié avec sa femme en Jordanie, où ils sont morts il y a une quinzaine d’années. Accrochée aux rebords d’une façade montagneuse, Safad aujourd’hui est totalement nettoyée de ses habitants arabes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mélange de colonies religieuses ou artistiques, elle s’est étendue en différents agglomérats dans toutes les directions, de sorte à m’empêcher absolument de deviner où se dressait la demeure de mon oncle Munir, visitée pour la dernière fois en 1945. Nous rencontrâmes un vieil homme qui ressemblait à un arabe, marchant péniblement sur la route, mais, a) il ne savait pas où se trouvait le « centre de la ville » - c’était là mon seul et vague point de repère -, b) il s’avéra être marocain et, malgré son hébreu tout à fait courant, préféra nous parler en arabe. Puis, soudain, après un tournant j’aperçus le long et sinueux escalier qu’enfants nous montions et descendions et qui nous menait de la maison familiale vers celle de Jamilé - je n’ai jamais su que son prénom -, qui nous faisait jouer avec des cartes postales aux couleurs criardes et une minuscule lanterne magique. Ce fut un extraordinaire sentiment que de gravir ces escaliers bordés désormais de boutiques vendant des objets pieux judaïques et de voir soudain apparaître, en haut, la demeure de mon oncle avec son balcon étrangement élevé, ses arches de style ottoman et ses escaliers raides accolés à ses murs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Comme Safad a changé ! De l’autre côté de la rue un groupe de membres de la secte hassidique des Loubavitch faisaient exactement ce qu’ils font à New York, vendant leur littérature, cherchant à convertir de nouveaux membres, se tenant à distance des autres. La circulation est interdite dans les rues nouvellement pavées de la ville et occupées par une foule de touristes, de soldats, de marchands vaquant entre les cafés, les magasins d’électronique et autres.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Comme à Talbiya, un sentiment de mélancolie m’envahit bientôt, et cette même sensation d’une histoire achevée, rangée, continuant désormais ailleurs. La demeure de mon oncle était désignée « Siège de la municipalité » par une plaque ; mais il suffisait de regarder à travers l’une de ses fenêtres les moins sales pour immédiatement constater que non seulement elle n’était pas utilisée mais que, avec ses chaises et ses tables éparpillées en pagaille, elle semblait figée dans le temps, comme la Satis House de Miss Davisham.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Étrangement, c’est Nazareth qui, avec éclat, me ramena vers la vie. De tous les lieux palestiniens visités ce fut le plus riche en signes et le plus vague en termes de souvenirs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mon grand-père maternel Shukri Musa-Bishouty, mort à la fin des années 20, est enterré à Nazareth où il a fondé et bâti l’église anglicane, et élevé une nichée d’enfants étonnamment doués : ma mère Hilda et quatre garçons qui devinrent médecin, avocat, physicien et banquier, tous charmants, tous faciles à vivre, tous musiciens, en somme - malgré ou peut-être à cause de l’implacable fondamentalisme baptiste de leur père - tous très différents de la grisaille de l’anglicanisme victorien, tel celui de la famille de Théobald Pontifex dans The way of ail Flesh, caractéristique à mes yeux de la famille de mon père. Ce qui traverse également la famille Musa-Bishouty est cette composante libanaise qui nous rattache à la malice byzantine et à la pulsion hédoniste de cette terre donquichottesque, avec son mélange confus d’intelligence et d’inconscience sanguinaire.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Nazareth aujourd’hui est en réalité constituée de deux villes : la bruyante médina arabe où avaient prospéré les Musa ; et l’autre, Nazareth-la-haute, la ville nouvelle juive élevée de manière ostentatoire sur la crête des collines qui commandent la ville basse arabe.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour Mariam et moi, Nazareth fut le seul lieu où rapidement nous nous sentîmes chez nous, tel un Beyrouth ou un Amman à petite échelle, le seul site palestinien d’avant 1948 qui n’avait pas été totalement violé ou disloqué par l’histoire ultérieure. Nous fûmes accueillis et guidés par de proches amis de la famille (tel le célèbre romancier Emile Habibi), et ce répit nous a permis de commencer par une sorte d’exploration nonchalante des lieux avant de nous lancer dans la véritable visite de la ville. Lorsque nous débouchâmes sur la place principale j’associai presque instinctivement le puits de la Vierge à la maison toute proche où ma mère était née et avait grandi. Rien n’avait changé. Mon oncle Emile, qui vit aujourd’hui à Athènes et qui quitta Nazareth il y a une cinquantaine d’années, m’avait fourni suffisamment d’indications pour localiser la maison en prenant pour repères le puits et le séminaire moscovite, une imposante bâtisse carrée qui servait maintenant de quartier général pour la police. Contrairement à Jérusalem, Nazareth demeurait la ville qu’elle fut en 1948.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Etrange à quel point, et bien que la maison des Musa ait été détruite et l’église baptiste complètement rebâtie, j’ai eu un sentiment de vie à Nazareth, et considérablement moins de regrets qu’à Jérusalem. La nouvelle église baptiste, possède désormais une façade malséante conçue sous la forme d’une succession d’alvéoles de ruche. Ainsi qu’une voix américaine amicale me le précisa au téléphone, la tombe de mon grand-père avait été déplacée de l’église et ses restes enterrés dans un cimetière proche. « Nous avons très bien fait les choses », m’assura-t-il en précisant que toutes les formalités nécessaires avaient été effectuées avec les inspecteurs israéliens de la santé. Et il ajouta presque en s’excusant : « Tout ce que nous avons trouvé dans le cercueil, ce furent quelques os et une bible. » Je m’empêchais de lui demander s’il s’attendait à trouver autre chose.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une semaine plus tard, à Amman, un journaliste américain m’interrogeait sur mon séjour et, non sans une certaine réticence, je me fendis d’une description sommaire. « Ce n’est pas pour rabaisser l’expérience que vous venez de vivre, Mr le Professeur, mais si je rendais visite aujourd’hui la ville du New Jersey où j’ai moi-même grandi, les changements seraient similaires à ceux que vous décrivez. ». Peut-être, mais j’en doute - le New Jersey n’ayant pas disparu il y a quarante-cinq ans ni été remplacé par un nouveau pays quasiment européen. De plus, mon interlocuteur américain ne semblait pas être retourné dans sa ville pour y constater les changements. Je l’avais fait et j’en étais tout bouleversé.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-60045180483474034802012-03-04T00:42:00.000+01:002012-03-04T00:42:42.920+01:00Les dix stratégies de manipulation de masses<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjTtPDxpqKzFL8rJw_RLiX1_a3WLK2tXKtO9iSLR-OvYGuvmLdU1vTTyN7e4M3-4SrzRjXcD8UrM_dx1TlfEIBLhF__BSmwIQ-Yicy0vCLNqar9VBXaHmJ49HbBz2Pf4oveY9OrxsdEUo/s1600/254147_218061431547764_100000317273012_724795_7732556_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="245" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjjTtPDxpqKzFL8rJw_RLiX1_a3WLK2tXKtO9iSLR-OvYGuvmLdU1vTTyN7e4M3-4SrzRjXcD8UrM_dx1TlfEIBLhF__BSmwIQ-Yicy0vCLNqar9VBXaHmJ49HbBz2Pf4oveY9OrxsdEUo/s400/254147_218061431547764_100000317273012_724795_7732556_n.jpg" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Les dix stratégies de manipulation de masses<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Noam Chomsky<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le linguiste nord-américain Noam Chomsky a élaboré une liste des « Dix Stratégies de Manipulation » à travers les média. Nous la reproduisons ici. Elle détaille l’éventail, depuis la stratégie de la distraction, en passant par la stratégie de la dégradation jusqu’à maintenir le public dans l’ignorance et la médiocrité.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">1/ La stratégie de la distraction<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser ; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple : laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">3/ La stratégie de la dégradation<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">4/ La stratégie du différé<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celle d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">9/ Remplacer la révolte par la culpabilité<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution !…<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-87296408129981740402012-03-04T00:41:00.000+01:002012-03-04T00:41:20.680+01:00La Qatar et l’Arabie au secours de la liberté !<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYA_hFH2XiZX8CokwdePL1Kc5-c0_z63aSKEPjb0wzAUhkuOaqLCvsLtr3cKe01XgwPD1aza7YE31RJ4OoBW4Lsr47AO4-mNZeYZHAq73rBrNmVVnfcWiLLZM3FMjGXV4Y7uxumwqulRU/s1600/mana+neyestani+03.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="311" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYA_hFH2XiZX8CokwdePL1Kc5-c0_z63aSKEPjb0wzAUhkuOaqLCvsLtr3cKe01XgwPD1aza7YE31RJ4OoBW4Lsr47AO4-mNZeYZHAq73rBrNmVVnfcWiLLZM3FMjGXV4Y7uxumwqulRU/s400/mana+neyestani+03.jpg" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">La Qatar et l’Arabie au secours de la liberté !<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Kharroubi Habib<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le Qatar et l’Arabie Saoudite ont pour mission, sous couvert d’appui aux révoltes populaires arabes, d’activer une recomposition politique régionale au profit des intérêts de l’Amérique et d’Israël.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le comportement de la Ligue arabe dans la crise syrienne est absolument confondant. En apparence, cette organisation donne l’impression d’agir à l’unisson de ses Etats membres. En réalité, ceux-ci sont totalement divisés sur la question et la solution de sortie de crise à préconiser.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est un secret de Polichinelle que le plan endossé par cette organisation prévoyant le départ de Bachar el-Assad dans les deux mois et son remplacement par le vice-président Farouk El-Charah, qui se chargerait de mettre en place un gouvernement d’union nationale destiné à organiser des élections législatives et présidentielles, qu’elle a transmis à l’ONU, est contesté et rejeté de partout. Par des Etats membres de la Ligue arabe autres que le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats du Golfe. Mais aussi et à la fois par le régime de Damas et les oppositions qui mènent la révolte contre lui. Ce plan ne peut dans ces conditions être présenté comme celui de la Ligue arabe, ainsi que le font les puissances occidentales qui s’en prévalent pour tenter de forcer la main aux membres du Conseil de sécurité et obtenir de celui-ci le feu vert à l’intervention internationale. Le scénario de ce plan est l’œuvre du Qatar, appuyé en sous-main par l’Arabie Saoudite. Il est pratiquement à l’identique de celui que ces deux Etats ont mis en œuvre dans la crise yéménite.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’activisme de ces deux monarchies, aux régimes encore plus obscurantistes et antidémocratiques que celui de Damas, doit interpeller les consciences dans le monde arabe. L’Arabie Saoudite et le Qatar prétendent défendre le peuple syrien contre l’oppression dont il est victime de la part d’El-Assad et de son régime. En vérité, ils poursuivent un tout autre but que la protection de ce peuple ou la démocratisation de la Syrie. Le Qatar et l’Arabie Saoudite sont parties prenantes d’une stratégie dont les concepteurs ne sont ni à Doha ni à Riyad, mais à Washington et Tel-Aviv.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Que l’on se comprenne : il ne s’agit pas en disant cela de défendre le régime syrien. Celui-ci a perdu toute légitimité et rien ne doit être fait ou soutenu qui va dans le sens de son maintien au pouvoir. Il s’agit tout simplement de faire voir une évidence qui est que le Qatar et l’Arabie Saoudite roulent pour des intérêts autres que ceux du monde arabe dans les crises qui le secouent. Les deux monarchies sont dans le camp américano-israélien et œuvrent à faire aboutir ses dessins géopolitiques pour le Moyen-Orient. Il n’y a que les naïfs et totalement aveugles d’entre les citoyens arabes pour croire que le Qatar et l’Arabie Saoudite se sont convertis à la libération des peuples et à l’avènement de la démocratie dans le monde arabe.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le Qatar et l’Arabie Saoudite ont pour mission, sous couvert d’appui aux révoltes populaires arabes, d’activer une recomposition politique régionale au profit des intérêts de l’Amérique et d’Israël. Le régime d’El-Assad a la tare d’être vomi par son peuple. Il aurait été néanmoins épargné, comme le sont ceux du Qatar et de l’Arabie Saoudite, s’il avait fait choix de renoncer à ses alliances politico-militaires dans la région avec des Etats et des organisations dont l’Amérique et Israël veulent la destruction.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Riyad et Doha se sont totalement investis dans cette destruction programmée. Ce qui leur vaut la compréhension et la protection de leurs maîtres à penser et le statut de régimes intouchables, même quand la situation des peuples qatari et saoudien est aussi condamnable que l’est celle des Syriens. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-34518928087348602952012-02-29T19:26:00.000+01:002012-02-29T19:26:00.220+01:00Dialogue des civilisations<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhEUWP-S8beUCgPREya2L7FNov6m2dy75tJP71xc0oZImMjILw0pJRoVz6rkluYN_V7fF93tjC2N0jFKgFsAjYsgIlXqUHlbWZ7r3zDBq_AYzO90-88SJyPjVmzofJclJYGmHQhfqju-jw/s1600/DSCN0934.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhEUWP-S8beUCgPREya2L7FNov6m2dy75tJP71xc0oZImMjILw0pJRoVz6rkluYN_V7fF93tjC2N0jFKgFsAjYsgIlXqUHlbWZ7r3zDBq_AYzO90-88SJyPjVmzofJclJYGmHQhfqju-jw/s400/DSCN0934.JPG" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Dialogue des civilisations<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mohammed Abed El Jabri<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">Les règles du dialogue rochdien<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
Ibn Rochd, qui connaissait parfaitement la loi musulmane et la philosophie grecque et à qui n’échappait pas les circonstances politiques qui avaient motivé la condamnation d’al-Ghazali, procéda résolument à l’éclaircissement du rapport entre la religion et la philosophie. Il chercha à déterminer, en sa qualité de jurisconsulte, la position de la Loi islamique envers les " sciences anciennes " d’une part, et d’autre part à rétablir le rapport entre la religion et la philosophie et à " ôter la confusion " du discours d’Aristote et de ses traducteurs. Il s’agissait de redéfinir le rapport entre le " moi " islamique et " l’autre " philosophique. Ibn Rochd consacra à ce projet plusieurs ouvrages dont le fameux " Tahafut al-tahafut " (l’incohérence de l’incohérence), dont le propos était d’opérer la négation de la négation, et de réaliser le dépassement d’un discours fallacieux qui désigne comme contradictoires, antagonistes, des choses qui ne se distinguent que par ce qu’elles marquent leur différence.<br />
<br />
Pour mieux percevoir l’importance de ce dépassement rochdien et souligner son indéniable actualité, tâchons de relever les principes épistémologiques sur lesquels s’appuie notre philosophie. Ces principes ont une valeur universelle. Ils peuvent être investis par tous les ensembles culturels qui souffrent de l’emprise de rapport d’adversité et d’hostilité, comme c’est aujourd’hui le cas de l’Europe et du monde arabe, pour rétablir leurs liens :<br />
<br />
<i>Comprendre l’autre dans son propre système de référence :</i><br />
<br />
Le premier peut être traduit dans notre langage d’aujourd’hui par la nécessité de comprendre " l’autre " dans son propre système de référence, nécessité qui s’exprime chez Ibn Rochd par l’application d’une méthode axiomatique dans l’interprétation du discours philosophique des anciens. S’adressant à al-Ghazali qui veut à tout prix montrer " l’incohérence " du discours des philosophes, Ibn Rochd écrit : " il est recommandé à tous ceux qui ont choisi la recherche de la vérité (...) lorsqu’ils se trouvent devant des affirmations qui leur paraissent inadmissibles, d’éviter de rejeter systématiquement ces affirmations, et d’essayer de les comprendre à travers la voie dont ceux qui les posent prétendent qu’elle mène à la recherche de la vérité. Ils doivent consacrer pour arriver à un résultat décisif, tout le temps nécessaire et suivre l’ordre qu’impose la nature de la question étudiée ". C’est en suivant ce procédé méthodique que le philosophe parviendra à comprendre les questions religieuses de l’intérieur du discours religieux, et que l’homme de religion parviendra à appréhender les thèses philosophiques de l’intérieur du système dans lequel elles s’insèrent.<br />
<br />
J’ai toujours insisté, en m’adressant à mes compatriotes arabes, sur la nécessité de respecter ce principe dans notre démarche pour rétablir le dialogue entre notre tradition culturelle et la pensée contemporaine mondiale, et pour définir une manière d’assumer notre rapport à l’une et à l’autre. Mais il faut reconnaître aussi que l’image que se fait l’Occident du monde arabe et de l’Islam en général ne prend pas non plus en compte ce principe méthodique fondamental, et que de ce fait elle ne parvient pas à rendre compte de la réalité arabe dans sa particularité et sa spécificité.<br />
<br />
Empruntons donc les uns et les autres, européens et arabes, la méthode axiomatique d’Ibn Rochd pour pouvoir enfin comprendre " l’autre " dans son système de référence. Seul cette approche intra-culturelle nous permettrait d’accéder à une compréhension mutuelle profonde. Nous verrions alors dans les deux rives de la Méditerranée de simples bords d’un même " fleuve ", comme ce fut le cas au temps d’Ibn Rochd. En effet, l’expression " les deux rives " (al-adwataan) s’appliquait alors, à la fois, à celles de Tanger et de Gibraltar et à celles d’Oued (rivière) Fès, qui divisait cette ville en deux rives habitées, l’une par d’andalous, l’autre par des " kairouanais ", originaires de Kairouan en Tunisie appelée à l’époque Ifriquia, comme si l’Europe et l’Afrique n’étaient que deux rives d’une même rivière.<br />
<br />
<i>Le droit à la différence</i> :<br />
<br />
Le deuxième principe qu’il nous faudrait emprunter à Ibn Rochd pour rétablir un rapport fécond entre l’Europe et le monde Arabe, c’est ce que nous appellerions aujourd’hui " reconnaître le droit à la différence ". C’est ce principe que notre philosophe applique dans sa démarche visant à redéfinir les liens pouvant exister entre la religion et la philosophie. Il reproche à Ibn Sina (Avicenne) d’avoir nui tant à la religion qu’à la philosophie par son syncrétisme qui consistait à intégrer les principes de la religion dans la religion dans ceux de la philosophie, ce qui ne pouvait avoir que des conséquences graves : sacrifier soit les principes de la religions, soit ceux de la philosophie, voire les écarter tous pour tomber dans un scepticisme sans issue. Il défend énergiquement la non-contradiction des vérités religieuses et philosophiques, car " une vérité, dit-il, ne contredit pas une autre, mais s’accorde avec elle et témoigne en sa faveur ". Cependant, concordance ne veut pas dire équivalence, et témoigner en faveur d’une chose ne veut pas dire s’identifier avec elle. Le droit à la différence doit être respecté.<br />
<br />
<i>Compréhension, tolérance et indulgence :</i><br />
<br />
Ceci nous amène au troisième principe de l’épistémologie rochdienne que nous voulons mettre en relief. C’est un principe à caractère méthodologique et éthique tout à la fois : la compréhension, au sens de tolérance et d’indulgence.<br />
<br />
Notre philosophe reproche à al-Ghazali de ne pas respecter, dans ses objections aux philosophes, les règles du dialogue visant à la recherche de la vérité. Al-Ghazali disait : " mon but était de mettre en doute leur thèses (celles des philosophes), et j’y ai réussi ". Et Ibn Rochd de répondre : " ceci n’est pas digne d’un savant. Car un savant en tant que tel ne put avoir d’autre but que de rechercher la vérité, et non de semer le doute et de rendre les esprits perplexes ".<br />
<br />
Répondant à ceux, parmi les savants musulmans, qui voyaient dans les sciences des anciens des opinions qui ne s’accordent pas avec l’esprit de l’Islam, notre philosophe déclare : " Il nous faut, lorsque nous trouvons chez nos prédécesseurs des nations anciennes, une théorie réfléchie de l’univers conforme aux conditions qu’exige la démonstration, examiner ce qu’ils en ont dit, ce qu’ils ont affirmé dans leurs livres. Si ces choses correspondent à la vérité, nous les accueillerons à grande joie, et nous leur en serons reconnaissants. Si elles ne correspondent pas à la vérité, nous le ferons remarquer, mettrons les gens en garde contre elles, tout en excusant leurs auteurs ". Car dit-il : " faire justice consiste à chercher des arguments en faveur de son adversaire comme on le fait pour soi-même ".<br />
<br />
Tels sont à mon avis les principaux éléments d’une épistémologie de dialogue rochdienne. Le propre de cette épistémologie est de définir une manière de dépasser ou du moins d’apaiser l’antagonisme dans le rapport d’altérité, rapport du moi à son autre.<br />
<br />
A une époque où les idéologues de l’après-guerre froide cherchent à faire du prétendu " Choc des civilisations " la réalité de demain et de l’Islam le plus propre à jouer le rôle de " l’autre " de l’Occident, son futur ennemi après l’effondrement du communisme, il est du devoir de tous les défendeurs de la paix dans le monde de lutter contre cet état d’esprit qui sème la méfiance et appelle à l’hostilité.<br />
<br />
Et si l’on ajoute à cet état d’esprit " occidental " ce que j’appellerai la psychologie du colonisé face à son ancien colonisateur qu’alimente encore le comportement hégémonique de plusieurs puissances occidentales, on peut conclure que la paix, la stabilité et surtout la confiance, dépendront beaucoup de l’épanouissement d’un dialogue basé sur une épistémologie de compréhension mutuelle telle que nous venons d’en esquisser les grands traits et dont le père-fondateur restera sans doute le grand philosophe andalou Ibn Rochd. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-87334520013220495402012-02-29T19:24:00.000+01:002012-02-29T19:24:15.261+01:00L’apartheid a un visage<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiImMTDvriIr7LLh_V1nHvzFrMdlDW9q7WW8p1A3JAAyKyUWLkOKz9hh4Rr0tdTfqDcz0r0GboKAClTSFwLPO-U8r7cIlS6WaD_lndj0xnSnVP7EX8wDXAUBI28tlzluaugA93Ka2aC_l4/s1600/palestine.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiImMTDvriIr7LLh_V1nHvzFrMdlDW9q7WW8p1A3JAAyKyUWLkOKz9hh4Rr0tdTfqDcz0r0GboKAClTSFwLPO-U8r7cIlS6WaD_lndj0xnSnVP7EX8wDXAUBI28tlzluaugA93Ka2aC_l4/s400/palestine.jpg" width="266" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">L’apartheid a un visage<o:p></o:p></span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"> Par Samah Jabr<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">La restriction par Israël à la valeur de la vie humaine, combinée à l’expansion de la répression sociale et au déni, est en train d’éroder la société israélienne comme elle érode celle du peuple qu’elle occupe.<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le mois dernier, en début de soirée et alors que je conduisais sur la route n°1 à Jérusalem, dans le quartier de Sheikh Jarrah, j’ai été agressée par plusieurs garçons de colons. Ils avaient entre 12 et 13 ans et étaient vêtus de la robe religieuse orthodoxe. L’un a jeté et fait exploser un pétard sur ma voiture pendant que j’étais arrêtée à un feu de circulation, me rendant à un cours à l’Institut israélien de psychanalyse.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La police israélienne est arrivée sur les lieux pour voir quelle était cette perturbation, les jeunes étant toujours là. Plutôt que de les réprimander et malgré mon désarroi, la police m’a dit qu’il s’agissait « seulement » d’un jouet de Pourim. Ils m’ont demandé de déplacer ma voiture sinon ils me mettraient une contravention. Des automobilistes arabes qui passaient m’ont dit que ces garçons harcelaient souvent les conducteurs, crachant sur les femmes arabes et lançant des pierres sur les automobilistes arabes dans le secteur. La police ne faisait rien contre cela.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je suis arrivée à ma classe de psychothérapie psychanalytique en pensant à tous ces gosses palestiniens qui avaient reçu des balles dans les yeux ou derrière les genoux, ou été heurtés par des voitures de colons parce qu’ils étaient accusés d’avoir jeté des pierres sur des voitures israéliennes. L’apartheid est un système de discrimination - semblable à ce système qui contrôle chaque domaine de la vie palestinienne sur notre terre. Chaque jour resté sans solution, mon peuple est contraint de s’enfoncer dans l’injustice et la dépossession.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Jeudi dernier, un camion n’a plus été contrôlé sous la pluie et est entré en collision avec un car palestinien transportant des élèves. Le car s’est retourné et a pris feu, un incendie qui a dévoré six petits enfants et leur enseignant et en a brûlé gravement plusieurs autres.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Des accidents de la circulation ont lieu partout. Partout aussi, des enfants meurent dans des accidents malheureux. Ce qui a été inhabituel dans cette tragédie, c’est qu’elle s’est produite à un endroit qui s’appelle (d’après le système d’apartheid local), « Zone C », près de ce que les Palestiniens appellent le check-point de Jaba et que les Israéliens appellent la place Adam, après la colonie proche. Une équipe d’urgences médicales et une caserne de pompiers israéliennes sont tout près, à moins de trois minutes du lieu de l’accident. En Zone C, l’Autorité palestinienne n’a aucun pouvoir et la plupart du temps, les Palestiniens ont l’interdiction par Israël d’y construire. Tandis que les colonies israéliennes s’agrandissent sur la terre palestinienne et que leurs résidents circulent sur des routes bien construites et sûres, les Palestiniens dans ces zones doivent se débrouiller avec des infrastructures délabrées et l’absence des services de base.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une vidéo filmée dans les premières minutes de l’accident montre des hommes et des femmes palestiniens, non aguerris contre le feu, accourir sur les lieux et utiliser leurs mains nues, les petits extincteurs de leurs voitures et des seaux d’eau pour éteindre le brasier. D’autres ont pu entrer à l’intérieur du car en feu et en ressortir en portant des enfants qui brûlaient, dont certains furent transportés dans un hôpital dans des voitures particulières. Avant que les ambulances n’arrivent, le feu avait été éteint et les enfants évacués. Des témoins disent que les ambulances sont arrivées 45 à 50 minutes après l’accident. L’hôpital palestinien le plus proche, le Croissant-Rouge palestinien, serait normalement à 20 minutes de là, s’il n’y avait cet enchevêtrement quotidien de circulations provoqué par le check-point de Qalandia, à l’entrée Sud de Ramallah.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Benzion Oring, responsable du ZAKA, un service d’urgences médicales israélien de Jérusalem, a déclaré à Ynet que ses équipes de secours avaient eu des problèmes au début pour rejoindre l’endroit parce que le secteur est proche des villages palestiniens. « Nous sommes arrivés sur place après avoir été assurés d’obtenir les autorisations nécessaires », a-t-il dit. Bon, mais pourquoi les Israéliens n’ont-ils pas besoin de toute cette préparation pour entrer dans le secteur quand il s’agit d’arrêter un Palestinien ? Les soldats postés au check-point à seulement 100 mètres de l’endroit n’auraient certainement pas attendu autour du car en train de brûler, s’il avait transporté des enfants israéliens.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Et bien sûr, les médias israéliens se sont focalisé sur les équipes médicales israéliennes qui finalement sont arrivées sur place et ont aidé à secourir les enfants, emmenant quelques gosses dans les « bons » hôpitaux israéliens, sans mentionner que les check-points et le mur israéliens avaient retardé les sauveteurs. Et ce n’est pas le premier accident où des vies palestiniennes sont perdues parce que les pompiers et et les équipes médicales ne sont pas autorisés à entrer en Zone C, ou parce qu’ils sont retardés par les check-points israéliens, les couvre-feux et les murs, ou le siège de Gaza.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sous l’occupation israélienne « éclairée », il existe des règlements pour chaque type de discrimination et une loi pour chaque crime. Les droits des personnes et leur chance de survivre dépendent de là où ils vivent. Les cartes d’identité, les plaques d’immatriculation, les possibilités d’accès aux routes, aux hôpitaux et à toutes les sortes de services sont accordées sur la base de l’identité nationale. Les personnes sont classées comme supérieures, alors on leur accorde les droits humains intégraux, ou comme inférieures, et on les laisse survivre sur les restes de leurs occupants. Cette restriction à la valeur de la vie humaine, combinée à l’expansion de la répression sociale et au déni, est en train d’éroder la société israélienne comme elle érode celle du peuple qu’elle occupe.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-66577577847220883482012-02-23T20:13:00.000+01:002012-02-23T20:13:24.390+01:00Le dilemme de l’approche littéraire du Coran<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2N2kUymLi1WNrFQ89ZddjNjohcvDADr6em0CKfE3YpWVMyZgvBmIf5z4VfsTQwqwJkVlUOZMNOr3Oh4UtiWRI0WMMvsqNRrUVV2swLGJvn7u9SQQnko5SrUHpyMHUraKJEq6MflkV3_c/s1600/IMG_0377.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2N2kUymLi1WNrFQ89ZddjNjohcvDADr6em0CKfE3YpWVMyZgvBmIf5z4VfsTQwqwJkVlUOZMNOr3Oh4UtiWRI0WMMvsqNRrUVV2swLGJvn7u9SQQnko5SrUHpyMHUraKJEq6MflkV3_c/s400/IMG_0377.JPG" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Le dilemme de l’approche littéraire du Coran<o:p></o:p></span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Nasr Hamid Abu Zayd<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le propos de cet article est d’examiner quelques-unes des difficultés que pose l’approche littéraire du Coran. Cette dernière constitue un vrai défi aujourd’hui. Les éléments de base ont été déjà posés lors du débat qui s’est instauré à la fin des années quarante en Egypte autour d’une thèse de doctorat présentée en 1947 devant le Département de Langue et Littérature Arabe de la Faculté des Lettres de l’Université Fouad 1er , aujourd’hui Université du Caire. L’auteur s’appelait Muhammad Ahmad Khalafallah (1916-1998). Sa thèse portait sur la question du genre littéraire dans le Coran (al-fann al-qasasî fî al-qur’ân al-karîm). Il l’avait rédigée sous la direction de Amîn al-Khûlî (18951966).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le contexte des remous soulevés par la thèse à l’intérieur comme en dehors de l’Université sera le point focal de notre analyse. La controverse qui a court aujourd’hui dans le monde musulman entre traditionnalistes et modernistes d’une part, et entre chercheurs musulmans et occidentaux non musulmans d’autre part, constitue dans une large mesure la poursuite de ce même vieux débat.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans les débats entre musulmans, la pensée musulmane classique joue toujours un rôle de justification des positions avancées par chaque participant. Khalafallah et son professeur al-Khûlî ne font pas exception ; tous deux se rattachent directement au mouvement réformiste initié par Muhammad ’Abduh (1855-1905), qui lui-même invoquait la tradition musulmane théologique et philosophique éclairée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Remonter à la discussion traditionnelle sur la doctrine de l’inimitabilité du Coran (al-i’jâz) sera nécessaire pour mesurer l’impact des éléments traditionnels sur le débat moderne à propos de l’approche littéraire du Coran. C’est ce que nous ferons dans la première partie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par ailleurs, le mouvement réformiste musulman moderne est né -comme on le dit couramment dans le contexte de la domination militaire et politique du monde musulman par l’Europe. La modernité fut imposée par le pouvoir colonial, puis par les régimes post-coloniaux. Certains éléments de la culture et de la philosophie européenne eurent un impact sur les questions religieuses, ce qui provoqua des réactions polémiques autant qu’apologétiques de la part de penseurs musulmans. Le principal problème soulevé par al-fann al-qasasî fî al-qur’ân al-karîm est celui de la vérité historique des événements mentionnés dans le Coran. Ce genre de question figure dans quantité d’articles de la première édition de l’Encyclopédie de l’Islam dont la traduction paraît au Caire au début des années trente. Cette question fera l’objet de notre deuxième partie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La dernière partie présentera le postulat de départ ainsi que les conclusions de la thèse de Khalafallah à la lumière du contexte analysé dans les deux premières parties.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’approche littéraire du Coran remonte au 2ème siècle de l’histoire musulmane (9ème siècle). Elle naît de la discussion sur l’inimitabilité du Coran (al-i’jâz) qui est un point de doctrine essentiel en théologie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il est indéniable que, par ses caractéristiques linguistiques uniques, le Coran a capté l’attention des Arabes dès le tout-début de la Révélation. Ils ont fait de leur mieux pour expliquer son effet sur eux en se référant aux types de textes qu’ils connaissaient, comme la poésie ou le genre courtois. Toutes ces tentatives d’explication sont rapportées par le Coran qui les réfute. De nombreuses anecdotes sont conservées dans la littérature musulmane selon lesquelles même les non-croyants étaient fascinés par l’effet poétique irrésistible du langage coranique. Le concept de supériorité du Coran, qui fait qu’il est inimitable, fut développé ultérieurement et expliqué à partir de ses caractéristiques littéraires. De nombreuses théories furent élaborées dans la théologie musulmane pour expliquer les traits constitutifs de l’inimitabilité du texte. Au moins deux questions devaient être résolues :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">D’abord, que signifiait le défi lancé dans le Coran de présenter ” quelque chose de semblable au Coran “ ? Quelles caractéristiques devaient-être prises en considération ? Ensuite, pourquoi les Arabes échouèrent-ils à produire quelque chose de semblable, ne serait-ce qu’en imitant simplement son style ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ibrâhîm ibn Sayyâr al-Nazzâm (mort en 232/846), théologien rationaliste mutazilite, avança la théorie du sarfa. Elle consistait à dire que Dieu était délibérément intervenu pour empêcher les Arabes de produire un texte semblable au Coran. Sans cette intervention divine, les Arabes auraient facilement relevé le défi. Cette intervention divine était en soi un miracle (mu’jiza). En ce qui concerne le texte, il n’a rien de particulier comme texte. Cependant, sa supériorité est due à l’information qu’il contient, à propos des événements ignorés du passé ou de ceux à venir(1). Le Coran est imitable en tant que texte arabe, mais il ne l’est pas en tant que fruit d’une révélation divine renfermant un savoir divin. Sa supériorité réside donc dans son contenu plutôt que dans son style. Cette théorie du sarfa qui lie l’échec des Arabes à l’intervention divine considère de fait le Coran comme un miracle (mu’jiza), une oeuvre au-delà de la capacité humaine. Il s’intègre dans la même catégorie que les miracles accomplis par les prophètes anciens comme la transformation d’un bâton en serpent par Moïse ou la guérison des maladies et le retour des morts à la vie pratiqués par Jésus. De la reconnaissance du miracle coranique dépend la crédibilité de Muhammad et l’authenticité du Coran.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais l’idée que le contenu du Coran, ce qu’il dit qui était resté jusque là inconnu ou bien qui concerne l’avenir, serait la seule matière du ” défi ” (al-tahaddî) soulève des difficultés théologiques, au moins dans une perspective mutazilite. Dans la mesure où le savoir divin est absolu, quelles que soient les limites du savoir humain, il est impossible que Dieu -dont la justice est absolue- défie l’homme d’un défi qui dépasse les capacités humaines. La justice divine (al-’adl), le deuxième principe du tawhîd dans la théologie rationnaliste mutazilite, autorise seulement un défi qui rentrerait dans l’ordre des capacités humaines. La nature des miracles accomplis par Moïse et Jésus pour soutenir leur prédication vient à l’appui de ce type d’argumentation. Le miracle de Moïse était de l’ordre de la magie, domaine dans lequel les Egyptiens excellaient. Il en est de même pour les miracles de Jésus. Dans la mesure où les Arabes étaient les maîtres de l’éloquence poétique, le miracle de Muhammad, le Coran, devait être d’ordre littéraire.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il faut noter que la distinction entre forme et contenu, al-lafz et al-ma’nâ, qui prévalait dans la critique littéraire arabe, a ses racines dans les premiers débats sur la question de savoir si le langage est fondé sur une convention sociale humaine, al-muwada’a, ou sur une inspiration divine. Ce débat prend argument dans le verset coranique ” Et Il (Dieu) enseigna à Adam tous leurs noms, puis il les montra aux anges en leur disant : Faites-moi connaître leurs noms si vous êtes véridiques ” (Coran 2,31). Les mutazilites établirent d’emblée un lien théologique entre la parole de Dieu -le Coran- et le langage humain. Ils soutinrent donc haut et fort la notion de convention humaine contre celle de l’inspiration divine du langage. Afin d’interpréter correctement ce verset du Coran sans se contredire, ils entreprirent d’expliquer le mot asmâ’ (noms) pour prendre le concept ou l’idée sans son référent. C’est un étudiant d’al- Nazzâm, Abû ’Uthmân ’Amr b. Bahr al-Jâhiz (mort en 255/869) qui explique : “ Il n’est pas possible à Dieu d’enseigner les noms à Adam en mettant de côté leur sens (ma’nâ), de lui enseigner le signifiant (al-dalâla) sans lui indiquer le signifié (al-madlûl ’alay-hi). Un nom sans signification est un mot inutile (laghû), comme de la vaisselle vide” Un mot (lafz) ne peut être un nom sans avoir un sens (ma’nâ)”(2).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est aussi al-Jâhiz, dont le Traité Nazm al-qur’ân ne nous est pas parvenu, qui tournait en ridicule le fait de juger de la poésie et de l’aimer pour son contenu. Il estimait que la poésie doit être évaluée pour la qualité de ses images, résolvant ainsi le problème de la distinction entre lafz et ma’nâ, forme et contenu, qui avait longtemps prévalu en critique littéraire arabe. Pour lui, il est clair que ” les significations doivent être trouvées sur les chemins et sentiers (i.e. partout) et sont accessibles aussi aisément aux Arabes qu’aux non-Arabes, aux bédouins qu’aux citadins “(3). Il met davantage l’accent sur la construction. Il considère la poésie comme un art de l’énonciation et de la mise en scène, et un travail de présentation artistique. Ce que souligne al-Jâhiz, l’importance de la construction (nazm) davantage que des idées abstraites (ma’nâ), ouvrit le chemin d’une réévaluation de la théorie d’al-Nazzâm.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Abû Hâshim al-Jubbâ’î (mort en 321/973), un autre théologien mutazilite, essaya de repenser la théorie d’al-Nazzâm en prenant en compte l’importance de la force expressive des termes employés (jazâlat al-lafz) parallèlement à la beauté de leur sens (husn al-ma’nâ) pour apprécier l’éloquence d’un discours donné. Si le sens est superficiel (rakîk), la force expressive du terme l’est aussi. L’éloquence du discours -ajoute-t-il- ne repose pas sur la forme ou le genre littéraire. Un orateur peut être plus éloquent qu’un poète et vice-versa(4). Il apparaît que Abû Hâshim était surtout préoccupé par deux questions : enrichir le concept d’éloquence par la prise en compte des termes utilisés sans pour autant minimiser l’importance première de leur contenu de signification et mettre en cause la théorie du sarfa. ; mais surtout exclure le rythme poétique (awzân al-shi’r) des critères de définition de l’éloquence. En prônant cette exclusion, Abû Hâshim tente d’ébranler la haute estime dans laquelle les Arabes tenaient la poésie. ” Le Coran n’est pas de la poésie, et le Prophète n’est pas un poète “, proteste à maintes reprises le Coran contre les allégations des Arabes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Malgré la réfutation par les opposants comme par les partisans de la Mutazila de la théorie d’al- Nazzâm, celle-ci resta implicitement prise en compte. Le juge Abû Bakr al-Bâqillânî (mort en 404/1013), théologien asharite comme ’Abd al-Qâhir, consacra un ouvrage à expliquer ce qui distingue le Coran de tous les autres textes, y compris les textes sacrés antérieurs. Il commence par une réfutation de la théorie d’al-Nazzâm parce qu’elle lie l’i’jâz à un seul critère. Il relève ensuite que les Ecritures Sacrées antérieures contiennent aussi des prophéties. Pourtant, elles ne sont pas considérées comme des mu ’jiz. Par conséquent, il faut prendre également en compte la structure de composition du Coran (ta’lîf)(5). Pour lui, le caractère unique du Coran réside précisément dans le fait qu’il n’est ni prose ni poésie ; c’est un genre littéraire en soi. Aucun critère littéraire humain ne peut être utilisé pour l’évaluer. Al-Bâqillânî va même jusqu’à déprécier les fameuses sept grandes odes anté-islamiques qu’il considère comme inférieures au Coran(6). Le fait que Muhammad était illettré tient lieu de preuve supplémentaire pour affirmer que c’est la nature même du locuteur -Dieu- qui rend impossible toute comparaison entre le Coran et un autre texte. En bon asharite, al-Bâqillânî souligne la distinction entre la parole éternelle de Dieu (kalâm Allâh al-azalyy al-qadîm) et sa manifestation dans le Coran, entre le matlû et la tilâwa. Quoiqu’il en soit, l’inimitabilité est à ses yeux rattachée au texte existant et pas seulement à la parole éternelle de Dieu(7).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La dépréciation des poèmes arabes illustres afin de préserver la supériorité du Coran semble faire écho à l’attitude négative du Coran à l’endroit de la poésie. Si la créativité poétique des Arabes était si faible -si l’on en croit al-Bâqillânî, le défi (al-tahaddî) n’aurait guère de portée. Selon lui, le miracle coranique (al-i’jâz) peut être prouvé par trois éléments :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">” Le premier est qu’il contient des informations concernant l’invisible (al-ghayb), ce qui dépasse le pouvoir des êtres humains qui n’ont aucun moyen d’atteindre ce savoir. ” Le deuxième, poursuit al- Bâqillânî, ” est qu’il est bien connu que le Prophète était illettré (ummî), qu’il ne pouvait écrire et pouvait à peine lire. De même, il est habituellement reconnu qu’il n’avait aucune connaissance des livres des peuples antérieurs, de leur mémoire, de leur histoire, des biographies de leurs héros. Pourtant, il a donné des résumés de ce qui est advenu dans l’histoire, il a parlé des périodes passées, et donné les récits concernant la création d’Adam. Il fait aussi mention de l’histoire de Noé, de celle d’Abraham et de tous les autres prophètes mentionnés dans le Coran “. Le Prophète, selon al-Bâqillânî, ” n’avait aucun moyen de connaître tout cela, sauf celui d’avoir été enseigné… ” La conclusion est qu’il n’a acquis ces connaissances que grâce à la Révélation. Le troisième élément est que le Coran est merveilleusement arrangé et composé, et il est si élevé dans son élégance littéraire qu’il est au-delà de ce que toute créature peut composer. Ainsi conclut al- Bâqillânî(8).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le discours d’al-Bâqillânî, deux idées significatives intéressent notre présent exposé. D’abord son idée que le Coran représente un genre littéraire unique ; c’est une idée qui sera reprise par Tâhâ Husayn (1889-1973). En second lieu, la définition qu’il donne du ghayb, des choses cachées, le fait que sa définition englobe les histoires du Coran est un élément important que Khalafallah reprenne dans son argumentation. Le mutazilite al-Qâdî ’Abd al- Jabbâr (mort en 415-1025) souligne dans son étude approfondie de l’i’jâz que l’éloquence (alfasâha) n’est pas seulement liée au contenu ou au style. Entrant dans les détails de la théorie d’al- Jubbâ’î à propos de la synthèse du contenu et du style, il relie l’éloquence et la structure (ou syntaxe) qui conjugue la ” position ” et la ” fonction ” grammaticale des termes utilisés. L’excellence intrinsèque au Coran repose tout particulièrement dans la qualité hors pair de son éloquence. Partant de l’idée de Abû Hâshim de la nécessité de considérer ensemble et le contenu et le style, il propose de même de considérer ensemble la fasâha et le nazm, l’éloquence et la composition, structure ou syntaxe. Cela recouvre la manière syntaxique spécifique de joindre les mots ensemble, al-dammu ’alâ tarîqatin makhsûsa, qui prend en compte trois éléments : le sens lexical du mot (al- muwâda’a), sa position dans la structure et sa fonction grammaticale. Voici ce qu’il dit : ” Avec la composition, chaque mot a nécessairement une caractéristique propre (al-sifa). Cette qualité peut être dûe au langage conventionnel utilisé dans la composition [choix qui dépend du lexique], à sa forme syntaxique (al-i’râb) ou à sa position (al-mawqî’). A ces trois catégories, il n’est pas de quatrième”(9).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est donc la perfection syntaxique du Coran qui empêcha les Arabes de répondre par aucune tentative d’imitation (al-mu’ârada) en dépit de l’existence indubitable du défi (al-tahaddî). Il n’était pas besoin d’une intervention divine comme le sarfa pour empêcher les Arabes païens de tenter de lutter contre la Révélation(10).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le fameux philologue et critique littéraire ’Abd al-Qâhir al-Jurjânî (mort en 470-1078), un asharite comme al-Bâqillânî, était ” si familier de l’oeuvre de ’Abd al-Jabbâr qu’il était capable de manipuler ses idées de façon créative en les intégrant dans son propre système théo-rhétorique “. C’est lui qui proposa une analyse détaillée, avec d’abondantes illustrations de prose ou de poésie, de la théorie du nazm (syntaxe) dans son livre bien connu Dalâ’il i’jâz al-qur’ân al-karîm (Preuves de l’inimitabilité du Glorieux Coran). Il commence par réfuter l’idée que l’i’jâz s’appliquerait au seul contenu et non au style. Sa réfutation est plus solidement fondée que celle de ses prédécesseurs. Si l’i’jâz ne portait que sur le contenu, par exemple sur l’invisible ou les événements futurs, l’i’jâz serait limitée aux sourates et versets parlant de ces choses cachées. Il affirme donc que l’i’jâz concerne bien chaque verset du Coran, parce que les Arabes étaient mis au défi de proposer quelque chose de semblable à l’une des plus courtes sourates du Coran.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">’Abd al-Qâhir était aussi obligé -semble-t-il- de traiter de la contradiction implicite contenue dans la pensée de l’un des théologiens asharites les plus éminents, al-Bâqillânî. Il fallait qu’il précise et élargisse ce concept encore flou de ” composition ” (al-ta’lîf) en cherchant à apprendre de la part des mutazilites, spécialement du Qâdî ’Abd al-Jabbâr. Le point essentiel de la théorie du nazm d’al- Jurjânî -dont il attribue la paternité à al-Jâhiz au prix de quelques ré-interprétations, sa première articulation dans l’histoire de la balâgha(11), est proche des synthèses entre contenu et style de al- Jubbâ’î et ’Abd al-Jabbâr. Mais son analyse et ses explications détaillées le conduisent à découvrir ” les lois de la syntaxe ” (qawânîn al-nahû).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Son plaidoyer pour l’étude du langage et de l’expression claire (al-bayân) suppose logiquement que l’étude de la poésie est essentielle en tant que celle-ci est l’écrin du langage dans sa forme éloquente. Pour ’Abd al-Qâhir, l’étude de la poésie atteint le degré d’un devoir religieux. Il ne s’agit plus d’un savoir secondaire (’ilm wasîla) comme on la considère en théologie ; il s’agit bien plutôt d’une connaissance essentielle et vitale sans laquelle la lumière de Dieu pourrait s’éteindre. Dans le discours de ’Abd al-Qâhir se trouve de façon implicite un principe de jurisprudence : tout ce dont un musulman a besoin pour accomplir un devoir religieux devient également un devoir religieux (kullu mâ lâ yatimm al-wâjibu illâ bi-hi fa-huwa wâjib). C’est donc un devoir religieux que d’étudier la poésie pour comprendre ce qu’est l’éloquence et pouvoir donner de ce fait une explication satisfaisante de l’inimitabilité du Coran. Sans accomplir ce devoir, on ne peut accomplir cet autre devoir qui est d’expliquer la lumière de Dieu. Il déclare : ” Aucune personne sensée qui vise une bonne appréciation de cette doctrine musulmane essentielle de l’i’jâz ne peut le faire sans ces pré-requis : l’étude du discours des Arabes et de leur poésie est un préalable nécessaire pour comprendre les phénomènes linguistiques à l’œuvre de façon inimitable dans le Coran.(12)”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">” Si nous savons que la direction, de laquelle émane la preuve (al-hujja) du Coran, d’où elle apparaît et resplendit, est telle qu’il atteint un degré d’éloquence tellement au-delà des capacités humaines, et un degré d’excellence tel qu’on n’a pu l’imaginer, qu’il est impossible à qui ignore la poésie … d’apprécier ce qu’il en est ; alors tous ceux qui la rejetteraient empêcheraient de connaître la preuve que Dieu manifeste(13)”.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour répondre à l’objection qu’il y a d’autres moyens possibles pour le croyant de prouver l’inimitabilité du Coran, telle que la simple connaissance de l’incapacité des Arabes à produire une tentative d’imitation (al-mu’ârada), al-Jurjânî dit : ” La preuve du miracle de Muhammad est bâqiya ’alâ wajhi al-dahr ; elle perdure à travers les temps et peut-être vérifiée à toute époque par quiconque désirerait la connaître… Quelle sorte d’homme seriez-vous si vous vous absteniez de connaître la preuve concernant Dieu Tout Puissant, et choisissiez délibérément l’ignorance et l’absence de clarté au sujet de son existence, comme si imiter était pour vous plus attractif et vous en remettre aux connaissances des autres préférable(14)”.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est pourquoi attaquer la poésie et minimiser l’importance de son étude en prétextant que c’est interdit ou au mieux makrûh (religieusement non-désirable sans être formellement interdit) équivaut à ” vouloir éteindre la lumière de Dieu “(15).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">” Ignorer la science de la rhétorique (al-balâgha) dont les lois ne peuvent être connues qu’en étudiant la poésie empêche de prétendre à quelque science que ce soit du Coran et de son interprétation. Risque d’en résulter inadéquation et même incompétence pour l’interprétation et le commentaire du texte de la Révélation(16)”.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">” Si seulement ces personnes, quand elles ignorent ces choses, s’abstenaient de s’en mêler. Puisqu’elles prétendent qu’il suffit d’en savoir un petit peu, qu’elles s’en tiennent à ce petit peu et ne prennent pas l’initiative de grandes déclarations sur le sujet et de se mêler de ce qu’elles ignorent ; qu’elles ne s’aventurent pas dans des commentaires (tafsîr) et interprétations (ta’wîl) fouillés qui ne conduiraient qu’à de vaines tribulations. Si elles ne construisent pas, qu’au moins elles ne détruisent pas. A défaut de porter remède, qu’elles ne soient pas les causes du mal. De toute façon, elles n’en font rien. Elles provoquent plutôt des maladies qui intriguent le physicien et sèment le trouble chez l’homme de raison(17)”.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Bien que ce vibrant plaidoyer pour la linguistique et la rhétorique répète des déclarations exprimées antérieurement par al-Jâhiz et d’autres, il semble avoir plus de poids que celles-ci. En reliant l’i’jâz et les lois de la syntaxe, il souligne plus explicitement la dimension d’œuvre littéraire du texte coranique. Son insistance est fondée sur le constat empirique que la composition du Coran comme des textes humains est gouvernée par les mêmes règles linguistiques (qawânîn al-nahû). Pourtant, la différence entre un texte et un autre en termes d’éloquence réside dans le niveau de perfection dans le maniement de ces règles. Les lois du nazm ne peuvent être découvertes que par l’étude de la poésie, ce qui signifie que seul un critique littéraire a quelque titre à étudier les traits caractéristiques de la supériorité du Coran .(18)<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est Muhammad ’Abduh (1848-1905) qui publia la première édition critique des deux fameux livres d’al-Jurjânî. Il les utilisa même comme manuels dans son cours de rhétorique arabe au Collège de Dâr al-’ulûm, une institution éducative mise en place pour combiner dans un même cursus disciplines traditionnelles et modernes. La bonne connaissance qu’avait ’Abduh de la pensée d’al- Jurjânî se reflète bien dans son Tafsîr al-Manâr. La méthode littéraire utilisée par ’Abduh pour interpréter le Coran est intimement liée à son but de proposer une compréhension rationnelle de l’islam. Mais les questions que ’Abduh devait affronter étaient plus complexes et vastes que celle de l’i’jâz.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La première était celle de la modernité : l’islam est-il compatible ou non avec la modernité ? Comment un fidèle musulman peut-il vivre dans un environnement socio-politique moderne sans perdre son identité musulmane ? L’islam peut-il s’accorder avec la science et la philosophie ? La seconde question est celle de la compatibilité ou incompatibilité entre la Loi divine (sharî’a) qui fonde la société musulmane traditionnelle et la loi positive qui fonde les Etats- Nations modernes : les institutions politiques modernes comme la démocratie, les élections et les parlements sont-ils acceptés par l’islam ? Peuvent-ils remplacer les institutions traditionnelles de la shûra et les élites comme les ’ulamâ’ (ahl al-hall wa al-’aqd) ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La question de l’islam et des connaissances modernes -question de départ de l’œuvre de ’Abduh avait été provoquée par le philosophe français Ernest Renan (1832-1892) qui avait décrété l’incompatibilité absolue entre l’islam, les sciences et la philosophie. Ce qu’on appelle sciences islamiques ou philosophie islamique n’était pour Renan qu’une pâle traduction des Grecs. L’islam ne pouvait être qu’hostile à la raison et à la liberté de penser, comme tous les dogmes religieux bâtis sur une révélation. Devant des affirmations si sévères -voire insultantes- contre l’islam, al-Afghânî (1839-1897) et ’Abduh prirent la défense de l’islam, expliquant le retard des musulmans par leur incompréhension de l’islam. Si l’islam avait été correctement expliqué et bien compris -comme c’était le cas pendant l’âge d’or de la civilisation islamique, les musulmans n’auraient pas été vaincus et dominés si facilement par les puissances européennes. Al-islâm dîn al- ’ilm wa almadaniyya (L’islam, religion de la science et de la civilisation)(19), titre d’un livre très connu de M. ’Abduh, essaie de le prouver.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">’Abduh était engagé dans une autre controverse avec un politicien et historien français, Gabriel Hanotaux (1853-1944), qui fut ministre des Affaires Etrangères en 1894 et 1898. Hanotaux tenait également l’islam pour responsable du retard du monde musulman.20 ” Il est vrai, écrit ’Abduh, que les musulmans sont devenus arriérés en comparaison d’autres peuples du monde. Ils sont retombés à un inférieur inférieur même à celui qui précédait l’islam qui les a libérés de leur paganisme. Ils ne connaissent rien du monde où ils vivent et sont incapables de profiter des ressources de leur environnement. Maintenant des étrangers sont venus qui s’emparent de leurs richesses sous leur nez”(21).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La préoccupation principale de M. ’Abduh était de ré-ouvrir la porte de l’ijtihâd dans ses aspects tant sociaux qu’intellectuels. Dans la mesure où la religion est une dimension essentielle de l’existence humaine, la seule voie pour engager une vraie réforme est de réformer la pensée musulmane. ’Abduh était aussi très intéressé par une des idées apportées en Egypte par al-Afgânî, celle d’une ré-interprétation moderne de l’islam. ’Abduh adopta un mélange de rationalisme classique et de sensibilité socio-politique moderne. Cette combinaison lui permit d’initier une interprétation semi-rationnelle du Coran. Sa contribution la plus importante est son insistance pour dire que le Coran n’a jamais prétendu être un livre d’histoire. Le récit coranique ne doit donc pas être pris comme un document historique. Les événements historiques mentionnés dans les récits coraniques sont présentés dans un style littéraire visant à exhorter ou admonester(22). A propos des histoires dans le Coran, ’Abduh explique très clairement la différence entre l’historiographie et les histoires coraniques : l’historiographie est une science spécifique fondée sur l’enquête et la vérification critique des données dont on dispose telles que les procès-verbaux, les témoignages, les souvenirs et les évidences géographiques et matérielles. Les histoires coraniques quant à elles visent des objectifs éthiques, spirituels et religieux. Elles peuvent s’appuyer sur des événements historiques, mais leur objectif n’est pas d’apporter une connaissance historique. C’est pourquoi les noms de personnes, de lieux et les dates ne sont pas cités dans ces histoires. Même quand l’histoire est celle d’un prophète ou d’un de ses ennemis comme Pharaon, beaucoup de détails sont omis.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">’Abduh s’oppose clairement à la méthode exégétique classique qui cherche à clarifier ce qui reste obscur ou ambigu (al-mubhamât). L’importance de ces histoires ne dépend pas de cette connaissance, mais bien de l’enseignement qu’on en tire. Tous ces passages du Commentaire de ’Abduh sont largement cités par Khalafallah pour appuyer son argumentation, dans sa thèse comme lors du débat qui suivit(23).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Khalafallah, dans la continuité de la distinction faite dans la théorie littéraire entre histoire et littérature, développe la même distinction qu’avait établie ’Abduh entre l’historiographie et le Coran. Il reprend aussi un autre point important souligné par ’Abduh dans son Commentaire : le fait que le Coran a été adressé d’abord aux Arabes païens du 7ème siècle. Ce qui dans le Coran paraît irrationnel ou en contradiction avec la logique et la science doit être compris en regard de la vision arabe du monde. Le Commentaire du Manâr utilise des figures littéraires comme la métaphore et l’allégorie pour donner une explication rationnelle à tous les événements et actions miraculeuses dont parle le Coran. Tous les versets coraniques faisant référence à des superstitions comme la sorcellerie, le mauvais oeil, ou tout ce qui touche au diable doivent être expliqués en lien avec les croyances et coutumes des Arabes de l’époque. Les versets coraniques parlant de l’envoi d’anges du ciel pour combattre les mécréants (kuffâr) sont expliqués par ’Abduh comme une expression d’encouragement destinée à réconforter les croyants pour les stimuler à poursuivre le combat jusqu’à la victoire(24). Cette idée que le Coran prenait en compte la mentalité des Arabes païens du 7ème siècle est au point de départ de la thèse de Khalafallah.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Un certain nombre de points établis par ’Abduh ont été développés par Tâhâ Husayn et Amîn al- Khûlî. Tâhâ Husayn a fortement souligné la dimension esthétique très particulière et unique du style coranique, i.e. son i’jâz, en soulignant qu’il constituait en lui-même un genre littéraire(25). Comme historien de la littérature et critique littéraire par excellence, il affirme que le Coran n’est ni de la poésie ni de la prose, mais le Coran. Plus tard, T. Husayn considérera que le récit de la venue d’Abraham à La Mecque avec sa femme Hagar et leur fils Ismaël existait dans la littérature orale avant la révélation du Coran. Il montre que cette histoire a été inventée bien avant la révélation du Coran pour diminuer la tension entre les Arabes païens -premiers habitants de Yathrib- et les tribus juives qui vinrent s’établir dans la ville. Le Coran en parle non seulement pour situer l’islam dans le contexte de la tradition judéo-chrétienne, mais aussi pour établir sa primauté comme religion monothéiste.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Tâhâ Husayn voulait souligner que cette histoire ne devait pas être comprise comme transmettant une vérité historique à partir de laquelle des hypothèses sur la situation linguistique dans la Péninsule arabique étaient acceptées sans aucun débat(26). Bien que ce ne fut là qu’un des points de son argumentation sur l’étude de l’authenticité de la poésie anté-islamique, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase (litt. : la paille qui cassa le dos du chameau). L’ouvrage de Tâhâ Husayn suscita un débat passionné, bien qu’il considérât que le Coran constituait la source la plus fiable et authentique pour comprendre ce qu’était la vie sociale et religieuse avant l’islam. Le débat parvint jusqu’au Parlement égyptien, où l’on prétendit que le livre était insultant pour l’islam. Tâhâ Husayn fut interrogé par le Procureur Général d’Egypte avant qu’un procès ne s’engageât. Le Procureur Général l’innocenta de toute intention criminelle contre l’islam (27). Quoiqu’il en soit, ce fut une rude épreuve pour Tâhâ Husayn qui retira le passage incriminé de la seconde édition augmentée du livre, qui parut sous un autre titre : Fî al-adab al-jâhilî. Il faut signaler que les écrits de Tâhâ Husayn s’inscrivent dans un mouvement intellectuel très novateur lié à une nouvelle institution académique, l’Université Nationale, al-Jâmi’a al-ahliyya.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les écrits d’Ahmad Amîn (1886-1954) sur l’histoire de la civilisation islamique, présentés dans son volumineux ouvrage Yawm al-islâm(28), sont un autre exemple de ce même nouveau courant de recherche. Une des préoccupations essentielles de ce courant était de reconsidérer l’histoire de l’islam en général et la biographie du Prophète (al-sîra) en particulier dans une perspective critique. Ce courant était manifestement marqué par l’intérêt manifesté au 19ème siècle pour l’histoire, notamment l’histoire de l’islam et du Prophète. A tout le moins, cela avait influencé l’approche chrétienne de la biographie du Prophète. Les biographies de Muhammad écrites par Muhammad Husayn Haykal(29)(1888-1956) et Tâhâ Husayn sont considérées par certains penseurs musulmans comme ” l’une des raisons des énormes changements dans le niveau du débat ” à propos de la vie du Prophète. Le débat -selon ce même point de vue-” s’est alors déplacé significativement de la confrontation vers le dialogue “(30). Tâhâ Husayn a écrit de nombreux ouvrages sur les débuts de l’islam, tel ’Alâ hâmish al-sîra (parution du troisième tome en 1943), al- Fitna al-kubrâ (1er volume sur ’Uthmân en 1947) ou al-Shaykhân (à propos de Abû Bakr et ’Umar, en 1960).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quand Amîn al-Khûlî commença sa carrière, les vents du renouveau pénétraient la vie égyptienne. Il appliqua la méthode du tajdîd à l’étude du langage (al-nahû), de la rhétorique (al-balâgha), du commentaire coranique (al-tafsîr) et de la littérature (al-adab)(31). Il n’est pas facile de déterminer lequel de ces quatre champs d’étude offre le meilleur modèle de la méthodologie du renouveau d’al- Khûlî. Lui-même considère que la renaissance débute toujours — l’histoire l’a souvent montré — par l’innovation dans les arts et la littérature(32). Une telle innovation est en effet vitale pour développer la conscience intellectuelle et esthétique du peuple égyptien, afin de mener à son achèvement une renaissance égyptienne complète(33). Une littérature novatrice a besoin d’une nouvelle méthode littéraire qui rende compte de son fonctionnement et de sa structure. Une telle méthode implique un renouveau des études linguistiques et rhétoriques, d’où la nécessité d’un renouveau dans ces deux disciplines. Pour autant que renaissance et tajdîd impliquent mouvement et réveil, il doit d’abord y avoir une étude approfondie de la tradition ancienne dans chaque domaine du savoir.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La devise d’al-Khûlî est la suivante : “awalu al-tajdîd qatlu al-qadîmi bahthan” (le renouveau commence par le meurtre de l’ancien par le moyen de la recherche)(34) ; dans le cas contraire, le résultat serait une perte et non une reconstruction (tabdîd lâ tajdîd)(35). Si, dans le passé, l’étude de la littérature — comme du langage ou de la rhétorique — était pratiquée à des fins religieuses, cela ne doit plus être le cas maintenant(36).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour al-Khûli, l’étude littéraire du Coran n’est pas matière à option. Son avis est que la réception du Coran — et, par voie de conséquence, celle de l’islam — par les Arabes est venue de ce qu’ils ont reconnu sa supériorité absolue sur tout texte humain. En d’autres termes, les Arabes ont accueilli l’islam sur la base d’une reconnaissance du Coran comme texte littéraire(37). La méthode littéraire devrait donc supplanter tout autre approche, qu’elle soit religieuse, théologique, philosophique, éthique, mystique ou juridique(38). Il faut préciser ici que le “romantisme” — ou, pour être plus précis, sa version arabe — était la théorie littéraire dominante à l’époque(39). Via cette théorie, al-Khûlî développe les liens entre l’étude linguistique, la rhétorique et la littérature d’une part, et le commentaire coranique de l’autre. Si la théorie classique de l’i’jâz était fondée sur la notion classique de balâgha (rhétorique), cette notion doit être maintenant remplacée par la théorie moderne de la balâgha liée à la critique littéraire. Ce lien demande une connexion nouvelle avec la psychologie, relation parallèle à celle qu’il y a entre critique littéraire et esthétique (40). L’étude de la balâgha devrait donc se centrer sur le style littéraire et son impact émotionnel sur le récepteur/lecteur(41). Son objectif sera alors de développer la conscience esthétique de l’auteur et du lecteur ; on pourrait alors la nommer plus justement fann al-qawl (l’art du discours) (42). Seule l’approche littéraire du Coran, à travers les méthodes linguistiques modernes, peut mettre en évidence son i’jâz, qui est fondamentalement émotionnelle (i’jâz nafsî)(43).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Deux disciples — outre son épouse Bint al-Shâti’, décédée en 1999 —, parmi les étudiants directs d’al-Khûlî, ont appliqué la méthode littéraire dans les études coraniques et sont devenus très connus : Khalafallah et Shukrî ’Ayyâd. Mais il faudrait aussi signaler que Sayyid Qutb, le fameux idéologue du nouveau fondamentalisme islamique, a écrit ses premiers travaux sur le Coran en utilisant une méthode littéraire similaire, encore que plutôt impressionniste. On peut le constater dans trois de ses ouvrages : Al-taswîr al-fannî fî al-qur’ân, Mashâhid al-qiyâma fî al-qur’ân et son Commentaire Fî zilâl al-qur’ân. Khalafallah :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans sa thèse majeure intitulée Jadal al-qur’ân (Les polémiques du Coran), et qui fut dirigé par al- Khûlî, Khalafallah applique systématiquement les principes de la méthode littéraire comme suggéré dans le Commentaire d’al-Khûlî sur l’article “tafsîr” de la traduction arabe de la première édition de l’Encyclopédie de l’islam. Dans une certaine mesure, sa thèse de doctorat développe la méthode proposée par al-Khûlî. La thèse, dans sa version publiée, se divise en deux parties dont chacune comprend sept chapitres ; il y a en outre une introduction, l’exposé de la méthode et une conclusion. Al-Khûlî a rédigé la préface de la dernière édition. La première partie est intitulée al-ma’ânî wa al-qiyam al-târikhiyya wa al-ijtimâ’iyya wa al-khuluqiyya wa al-dîniyya (Significations et valeurs historiques, sociales, éthiques et religieuses). Elle est divisée en trois chapitres : signification historique, signification psycho-sociale, signification éthique et religieuse. Bien entendu, le premier chapitre traite de la question problématique des rapports entre historiographie et littérature, conduisant à la question plus délicate encore de la validité historique et du même coup de l’authenticité du récit coranique d’un point de vue critique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La deuxième partie est intitulée al-fann fî al-qasas al-qur’ânî (L’art narratif dans les récits coraniques). Elle est divisée en sept chapitres. Le premier aborde la question générale du récit coranique (al-qissat al-qur’âniyya) qui se répartit en quatre catégories : historique, allégorique, mythique et “récit de péché”. Le deuxième chapitre est consacré à l’unité narrative (al-wahdat alqasasiyya) ; le troisième aux intentions et objectifs (al-maqâsid wa al-aghrâd) ; le quatrième aux sources (al-masâdir). Dans le cinquième chapitre, l’auteur analyse les éléments du récit (al-’anâsir) qui sont les personnages, les actions et le dialogue. Dans le sixième chapitre, il se demande dans quelle mesure le récit coranique a contribué au développement de l’art narratif dans l’histoire de la littérature arabe.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En ce qui concerne la méthodologie, Khalafallah semble suivre les étapes suggérées par son professeur Amin al-Khuli. La première consiste à collecter les récits du Coran ; la deuxième à les classer par ordre chronologique (tartîb al-nuzûl) pour les analyser et les expliquer en fonction du contexte originel : l’environnement social, l’état émotionnel du Prophète et le développement du message islamique(44). Khalafallah affirme qu’une telle contextualisation aidera à découvrir les niveaux sémantiques originaux du récit coranique, le niveau originel compris par les Arabes à l’époque de la révélation(45). Il est bon de noter ici que Khalafallah ne procède pas à une étude thématique en rassemblant les fragments d’histoires dispersés dans les différentes sourates ; il considère chaque pièce narrative comme un récit indépendant. Ainsi, l’histoire de Moïse par exemple n’est pas considérée comme une histoire unique. Chacun des récits où Moïse est cité représente une unité narrative autonome qui sera étudiée pour elle-même. Une analyse thématique aurait été contradictoire avec l’insistance mise par Khalafallah sur la dimension contextuelle.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il apparaît que Khalafallah ne se faisait pas d’illusion sur les risques auxquels l’exposait son approche. Il dit combien il lui fut difficile de mener à bien son travail de thèse et combien il se mettait en danger. Mais il affirme que le savoir académique et scientifique requiert de savoir prendre de tels risques(46).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Khalafallah rapporte les difficultés auxquelles eurent à faire face les commentateurs du Coran, notamment les théologiens (al-mutakallimûn). De telles difficultés sont principalement provoquées soit parce qu’on veut imposer une idéologie prédéterminée concernant le Coran, soit parce qu’on veut prouver l’authenticité de ses récits. Dans les deux cas, on passe à côté de la signification du texte coranique(47). Par ailleurs, le discours orientaliste sur le Coran interroge son authenticité historique en arguant du fait que ses récits contredisent ou du moins ne concordent pas avec les faits historiques(48). Etudier les récits coraniques comme des narrations littéraires -comme le suggère l’approche linguistique- rendra la question de l’authenticité historique inopérante, ou du moins la fera apparaître comme une fausse question. En citant quelques remarques émanant d’auteurs classiques comme al-Qâdî ’Abd al-Jabbâr, al- Zamakhsharî ou al-Râzî, ou de sources plus modernes comme ’Abduh, Khalafallah insiste en conclusion sur le fait que les récits coraniques sont à prendre comme des allégories (amthâl) qui n’ont pas pour but de rapporter des faits historiques. Comme allégories, ils appartiennent à la catégorie des mutashâbihât (versets ambigüs ou obscurs). Lorsque les auteurs classiques ont essayé d’expliquer cette ambiguïté, ils ont lourdement rempli leurs ouvrages de données empruntées aux traditions religieuses précédentes (al-isrâ’iliyyât). L’approche linguistique n’a que faire de tels apports, puisqu’elle établit une différence entre la structure de l’histoire (jism alqissa) et sa signification. Cette distinction est expliquée tant par les classiques que par les modernes. L’explication classique, produite à partir de l’étude des amthâl, distingue dans la structure du mathal entre la signification (al-ma’nâ) et ses implications (al-luzûm) qui ne sont pas nécessairement identiques(49). L’explication moderne s’appuie sur des oeuvres littéraires mettant en scène des personnages ou des événements historiques comme la reine égyptienne Cléopâtre chez Shakespeare, Bernard Shaw, Ahmed Shawqî ou Walter Scott(50). L’objet de leurs oeuvres peut paraître historique, mais leur signification, leur message, n’est pas nécessairement fidèle à l’histoire. Les auteurs s’autorisent à user librement de l’histoire dans leur composition littéraire, ce qu’un historien ne pourrait assurément pas se permettre.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Outre ces arguments théoriques, il y a des éléments propres au Coran qui plaident en faveur d’une approche littéraire. Tout d’abord, le Coran omet systématiquement d’indiquer le moment et le lieu des événements historiques mentionnés dans ses récits, de même qu’il ne nomme pas toujours les personnages. Deuxièmement, quand le Coran évoque des faits historiques, il en retient certains éléments et garde le silence sur d’autres. Troisièmement, la succession chronologique des événements est bousculée. Quatrièmement, le Coran peut quelquefois attribuer une action à un personnage, et l’attribuer à un autre dans un autre passage. Cinquièmement, quand une même histoire est répétée dans deux chapitres différentes du Coran, les personnages peuvent tenir des discours différents. Sixièmement, le Coran peut inclure dans une histoire des événements censés s’être déroulés plus tard. Tous ces arguments indiquent clairement que le Coran use de la même liberté que d’autres oeuvres littéraires quand elles touchent à l’histoire(51).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Khalafallah et son professeur semblent surtout préoccupés par l’état de schizophrénie dans lequel restent empêtrées les mentalités musulmanes quand il s’agit de moderniser les structures socio-politiques des sociétés musulmanes. Ce dilemme n’est pas limité à la question de l’authenticité historique du Coran, mais concerne l’avenir de l’ensemble de la pensée musulmane. Il n’est pas anodin que Khalafallah parle toujours de la “raison musulmane” (al-’aql alislâmî) quand il traite de problèmes de compréhension du Coran. Il explique par exemple comment “la raison musulmane”, si préoccupée par l’authenticité historique, s’avère incapable de reconnaître les dimensions éthiques et spirituelles des récits coraniques. La “raison musulmane” est tout aussi impuissante à expliquer la répétition des mêmes histoires, ou bien pourquoi des détails diffèrent quand une même histoire est répétée(52). Plus problématique encore, ce qui apparaît comme contradictoire dans les récits coraniques avec les connaissances historiques et scientifiques (53). Al-Khûlî, dans son introduction à la deuxième édition de al-fann al-qasasî (Le Caire, 1957), évoque la figure de Tâhâ Husayn, qui affirme très clairement que l’approche littéraire du Coran est la seule méthode pouvant éviter la schizophrénie à l’intellectuel musulman. Un musulman peut parfaitement adhérer à l’islam et croire au Saint Coran sans croire nécessairement que les histoires rapportées par le Coran sont historiquement authentiques(54). Al-Khûlî fait allusion à d’autres penseurs exprimant un même état d’esprit. On pourrait aussi mentionner ici les attaques contre les écrits de Qâsim Amîn (1863-1908), marqué lui aussi par l’enseignement de M. ’Abduh, qui fut un pionnier dans la défense des droits des femmes. Ou encore ’Alî ’Abd al-Râziq (1888- 1966) qui fut condamné en 1925 par un Comité inquisitorial constitué par al-Azhar contre son livre al-islâm wa usûl al-hukm (L’islam et les fondements du pouvoir). L’approche littéraire, d’une façon générale, pourrait apporter une solution libérant les mentalités musulmanes de tels blocages. L’école du tajdîd tente de convaincre que le Coran n’est pas un livre de science, ni d’histoire, ni de théorie politique. C’est en fait un livre de guidance éthique et spirituelle, dont les histoires n’ont d’autre but que celle-ci. En d’autres termes, les récits coraniques sont des oeuvres littéraires servant des objectifs éthiques, spirituels et religieux. C’est donc une méprise méthodologique fatale que de prétendre lire les récits du Coran comme des faits purement historiques(55).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quand la thèse de Khalafallah fut soumise au jury d’examen en 1947 pour fixer la date de la soutenance, les membres du jury — d’après al-Khûlî — furent satisfaits de son niveau académique, mais demandèrent quelques modifications. Quelques fuites eurent lieu en direction des médias, et un débat polémique passionné se développa, mettant en cause l’Autorité académique universitaire qui permettait une thèse pareille dans un pays musulman.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">On pourrait résumer comme suit les arguments des détracteurs de la thèse et de la méthode :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">1. Un texte littéraire est le fruit d’une imagination humaine alors que le Coran est la parole de Dieu et ne saurait être comparé à une production humaine.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">2. Traiter le Coran comme une oeuvre d’art (fann) littéraire laisse supposer qu’il aurait été écrit par Muhammad.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">3. Plus encore, prétendre que les récits du Coran ne présentent pas des faits historiques véritables, comme le suggère l’approche littéraire, n’est autre que le pire des blasphèmes et équivaut à un acte d’apostasie(56). Cela place le Coran à un niveau moindre qu’un livre d’histoire(57).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">4. Le plus insultant pour le Coran d’un point de vue dogmatique traditionnel est d’affirmer que son langage et sa structure sont historiquement et culturellement déterminés. De là à dire que le Coran est un texte humain, il n’y a qu’un pas(58).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Al-risâla, hebdomadaire littéraire égyptien, donne une bonne idée de l’atmosphère, du débat et de ses protagonistes au sein de l’arène universitaire et au-dehors (volume 2, quinzième année, Le Caire, 1947).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La première information sur la thèse paraît le 15 septembre 1947 (n°741, p 1017). Dans cette première présentation au public, le lecteur est informé de l’identité des membres du jury et de l’opinion de chacun sur la thèse. Le premier d’entre eux, Ahmad Amîn, rejette la thèse pour son faible niveau académique. L’autre, Ahmad al-Shâyib, signale que la thèse contient des idées contradictoires avec la foi musulmane, à savoir que les récits dans le Coran sont des oeuvres littéraires et n’ont pas de valeur historique. Dans le chapitre sur les sources (masâdir), le quatrième chapitre de la deuxième partie, l’étudiant prétend que les récits coraniques sont tirés de sources bibliques et mythologiques. De fait, dans ce chapitre, Khalafallah essaie de situer les différences entre les récits bibliques et les récits coraniques. Son point de départ est que les Arabes connaissaient les récits bibliques avant même l’époque du Prophète. Il réfute l’hypothèse des orientalistes qui pensent que Muhammad a eu accès à ces histoires ou les a appris d’esclaves chrétiens(59). L’article d’al-Risâla s’achève en s’insurgeant contre le fait qu’on puisse rédiger une telle thèse dans une Université d’un pays musulman.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Khalafallah répondit par un article publié dans al-Risâla dès le numéro suivant, le 22 septembre 1947 (n°742, pp 1067-1069). Il rectifie l’information concernant la position d’Ahmad Amîn qui, selon lui, n’a pas refusé la thèse, mais a alerté sur le fait qu’elle pourrait soulever quelques difficultés. La suite de l’article est consacrée à clarifier son point de vue et à expliquer que l’approche littéraire a des fondemants dans la pensée musulmane classique tout autant que chez des modernes comme ’Abduh.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 29 septembre 1947 (n°743, pp 1105-1106), le rapport d’Ahmad Amîn sur la thèse est publié. Il y exprime ses craintes de conséquences dangereuses si la thèse était acceptée. On trouve dans le même numéro un article d’un jurisconsulte syrien opposé à la thèse, ’Alî al- Tantâwî. Il accuse Khalafallah non seulement d’être ignorant, mais en plus d’être incompétent dans l’expression de ses idées en langue arabe (pp 1106-1107).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 6 octobre 1947 (n°744, pp 1121-1123), on trouve une deuxième réponse de Khalafallah expliquant le sens de ustûra (mythe, légende) tel qu’utilisé dans le Coran et la différence entre le corps de l’histoire (jism) et la signification qu’il véhicule.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 13 octobre 1947 (n°745, p 1146), il y a le résumé d’une lettre de protestation adressée au souverain égyptien. Des copies ont également été envoyées au Premier Ministre, au Ministre de l’Education, au recteur de l’Université, au doyen de la Faculté des Lettres et au recteur d’al-Azhar. La lettre demande que Khalafallah et al-Khûlî son professeur soient traduits d’urgence devant un tribunal pour leur crime contre le Coran. La décision de lancer un tel appel a été prise lors de la réunion d’un collectif d’organisations au siège de la Société des Jeunes Musulmans (Jam’iyyat al-shubbân al-muslimîn) le 11 octobre 1947. La lettre porte la signature de l’Union Générale des Organisations Islamiques -dont fait partie la Société des Frères Musulmans, du Front des Oulémas d’al-Azhar, de la Société du Jeune Musulman, de la Jeunesse Muhammadienne, des Supporters de la Sunna, de la Société de la Sharî’a et de la Société des Bonnes Moeurs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 20 octobre 1947 (n°746, p 1192), on rapporte que Khalafallah a écrit au Journal de la Muslim Society qu’il était prêt à brûler sa thèse de ses propres mains s’il y avait quelque preuve substantielle qu’elle contenait quoi que ce soit de contradictoire avec l’islam tel qu’il est présenté dans le Coran. Il ajouta plus tard qu’il était prêt à un débat public dans al- Risâla avec Ahmad Amîn. La réponse du directeur du Journal de la Muslim Society fut que, à en croire les compte-rendus, “si les citations de la thèse sont vraies, il ne suffit pas que l’auteur la brûle en public de ses propres mains, en présence de tous les étudiants et professeurs de l’Université ; il doit aussi se repentir et annoncer son retour à l’islam. Si l’auteur est marié, il doit renouveler son contrat de mariage. Il ne suffit pas de brûler votre thèse, poursuit-il, mais vous devez d’abord brûler le démon qui a rempli votre coeur et vous a dicté ces choses insensées. Après avoir brûlé le démon en vous, tenez-vous à distance de l’Université et de votre doctorat, dans un lieu où vous ne cesserez de gémir et pleurer pour avoir été séduit par Satan et sa Cour, jusqu’à ce que Dieu agrée votre repentance”. Dans le même numéro (pp 1194-1195), il y a un autre article opposé à la thèse, de Muhammad ’Alam al-Dîn, inspecteur au ministère de l’Education, qui rejette la prétention de Khalafallah à défendre le Coran ; il l’accuse plutôt de causer plus de tort au Coran que ses pires ennemis.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une troisième réponse de Khalafallah paraît dans le numéro du 27 octobre 1947 (n°747, pp 1206- 1208), où il continue d’expliquer le sens de ustûra, ce qu’il en est à propos du Coran et le rapport avec la doctrine de l’i’jâz.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 3 novembre 1947 (n°748) paraît un second article de ’Alî al-Tantâwî intitulé Alkalimat al-akhîra (Le dernier mot). Il fait état d’une lettre du doyen de la Faculté, ’Abd al-Wahâb ’Azzâm, parue dans la presse. Le doyen présente l’ensemble de l’affaire comme une thèse de doctorat ordinaire présentée par un étudiant et refusée par le jury. D’après la lettre publiée par le doyen, il ne s’agit de rien d’autre que de l’opinion d’un étudiant qui n’est pas reconnue comme juste par ses professeurs. A lire la thèse — conclut le doyen —, l’étudiant apparaît comme un jeune musulman enthousiaste qui a dépassé les limites de l’ijtihâd en tentant de défendre le Coran contre les allégations des athées et des non-musulmans. Bien que son intention soit bonne, la thèse a été refusée. Refusant la tentative du doyen d’apaiser la tension, Tantâwî dénonce son affirmation sur la bonne volonté de Khalafallah. Arguant de sa position de juge, se disant à même de distinguer clairement ce qui est de la mécréance (kufr) ou de la foi (îmân), Tantâwî énonce un jugement sévère. Il dit que “si Abû Bakr ou ’Umar — les deux premiers des quatre califes bien-guidés (alkhulafâ’ al-râshidîn)— avaient écrit une thèse comme celle-ci, ils auraient tous deux été condamnés pour kufr, et auraient plutôt été considérés comme Abû Jahl et Abû Lahab”.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 10 novembre 1947 (n°749, pp 1225-1226) est publié un article de ’Abbâs Mahmûd al-’Aqqâd intitulé “Hurriyyatu al-ra’yy wa tabi’atu al-ra’yy” (La liberté d’opinion et sa responsabilité). Il dessine une frontière nette entre la liberté d’opinion et d’expression dans le domaine publique, où l’individu assume sa propre responsabilité, et la même liberté au sein des institutions académiques nationales telles que l’Université, où la responsabilité n’est pas individuelle mais nationale et collective. Il justifie donc la décision de l’Université de refuser la thèse, mais sans dénier à Khalafallah le droit de la publier à titre personnel sous forme de livre, sous sa propre responsabilité. Al-’Aqqâd, poète et cririque littéraire, ne dit pas un mot sur la validité ou l’invalidité de l’approche littéraire dans les études coraniques. Dans le même numéro (pp 1234-1236), il y a un autre article où ’Abdul Fattâh Badawî, de la Faculté de langue arabe d’al- Azhar, accuse Khalafallah d’ignorance et de malhonnêteté, notamment quand il cite Muhammad ’Abduh et Fakhr al-Dîn al-Râzî dans son premier article dans al-Risâla. Khalafallah, pour soutenir son propos, aurait intentionnellement tordu la significationde ce que disaient ’Abduh et al-Râzî à propos des histoires dans le Coran.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Khalafallah répond aux accusations de Badawî dans le numéro du 17 novembre 1947 (n°750, pp 12 68-1270). Dans le même numéro (p1277), Tantawî, le jurisconsulte syrien, accuse Khalafallah d’avoir plagié le missionnaire Saint-Claire dont le livre Sources of Islam a été traduit en arabe sous le titre Masâdir al-islâm. Dans le numéro du 27 novembre 1947 (n°751, pp 1290-1292) paraît un second article de Badawî dans lequel il commence par reprendre la réponse de Khalafallah à son premier article ; puis il s’attche à la notion de mutashâbihât utilisée par Khalafallah qui y inclut les histoires coraniques. Badawî établit une différence dans le concept de mutashâbihât entre sa connotation terminologique, ambiguë, et sa connotation lexicale, similarité. C’est dans cette logique qu’il désapprouve Khalafallah quand il utilise cette catégorisation classique pour classer les histoires coraniques comme mutashâbihât. En effet, la catégorisation classique se référait selon lui à la signification lexicale, là où Khalafallah considère sa connotation terminologique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans le numéro du 1er décembre 1947 (n°752, p 1390), on trouve le rapport d’un Comité d’étude constitué par le recteur de l’Université pour donner une seconde opinion sur la thèse. Les membres du Comité sont ’Abd al-Wahâb Khallâf, Zakî Muhammad Hasan et M. ’Abd al-Mun’im al-Sharqâwî. Ils conviennent que la hèse entre en contradiction avec le Coran et expriment donc leur soutien à la position de Ahmad Amîn et Ahmad al-Shâyib, les membres du jury qui avaient initialement refusé la thèse. Amîn al-Khûlî, le directeur de thèse, reste le seul et indéfectible soutien de la thèse de son étudiant(60).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Après plus de sept mois de débat, l’Université décida, le 13 octobre 1947, de ne pas accepter la thèse. Khalafallah fut muté à un autre poste où il n’était pas en situation d’enseignement. Quand à son directeur de thèse al-Khûlî, l’Université décida qu’il ne serait plus autorisé à enseigner ni à diriger des thèses portant sur le Coran. La décision fut prise en arguant du fait qu’al-Khûlî était nommé à la Chaire de littérature égyptienne depuis le 6 octobre 1946 et qu’il n’était donc pas censé enseigner ou diriger des travaux en études coraniques(61). Tous les étudiants d’al-Khûlî en études coraniques furent orientés vers d’autres directeurs de thèse. Il poursuivit son travail de professeur d’Université, autorisé à enseigner seulement la grammaire, la rhétorique et la littérature arabe. Quelques années plus tard, en 1954, al-Khûlî fut muté ainsi qu’une quarantaine d’autres professeurs d’Université vers des postes non-enseignants. Ironie de l’histoire, la décision fut prise par le nouveau régime militaire du Mouvement des Officiers Libres (Harakat al-dubbât al-ahrâr) pour débarrasser l’Université de la corruption.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce n’est qu’après une trentaine d’années que al-’Aqqâd décida de publier son grand ouvrage Yawm al-dîn wa al-hisâb fî al-qur’ân (Le Jour du Jugement dans le Coran), rédigé sous la direction d’al-Khûlî à peu près à la même période que la thèse de Khalafallah. Dans l’introduction, il expliqua pourquoi il avait été réticent à publier ce travail plus tôt, au vu des difficultés académiques causées par l’incompréhension et l’étroitesse d’esprit manifestées par les réactions de l’opinion publique face à l’approche littéraire du Coran dans les années quarante. Il expliqua que peu de lecteurs étaient alors capables d’accepter que l’on intègre la linguistique, la critique littéraire, la sociologie et la psychologie dans les études coraniques. Ces difficultés l’avaient dissuadé de publier sa thèse à ce moment-là, mais les encouragements de collègues et d’amis lui donnaient l’impression qu’il devenait maintenant possible de la publier(62).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce que ’Ayyâd ne dit pas, c’est qu’à la fin de sa maîtrise, il avait dû se plier à une décision de l’Université prise après le débat houleux autour de la thèse de Khalafallah. Il avait le choix entre continuer les études coraniques sous la direction d’un autre professeur et continuer de travailler avec Amîn al-Khûmî, mais dans une autre discipline que les études coraniques. ’Ayyâd était, comme la plupart des étudiants de al-Khûlî, si attaché à son professeur qu’il préféra la deuxième option(63).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Khalafallah obtint aussi son doctorat deux ans plus tard avec une autre thèse intitulée Abû al-Faraj al-Asfahânî wa kitâb al-aghânî. Il enseigna à l’Institut Supérieur d’Etudes Arabes (al-ma’had al-’âlî li-l-dirâsât al-’arabiyya), un organisme affilié à la Ligue Arabe (Jâmi’at al-duwal al-’arabiyya)(64). Sa thèse, al-fann al-qasasî (L’art du récit) connut cinq ré-impressions rien qu’au Caire (1953, 1957, 1965, 1972 et 1999). Il publia aussi plusieurs autres livres dont ses deux thèses : Jadal alqu’rân et Abû al-Faraj al-Asfahânî wa kitâb al-aghânî(65).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La Chaire d’études coraniques du Département de Langue et Littérature Arabe demeura vacante jusqu’en 1972, date à laquelle l’auteur de cet article obtint son diplôme et fut nommé assistant. Par décision du Conseil du département approuvée par le Conseil de Faculté, l’assistant nouvellement nommé prit les études coraniques comme principal champ de recherche pour son magistère comme pour sa thèse. En 1981, il obtint son doctorat et fut nommé professeur assistant. Il fut promu professeur associé en 1987 et au grade de professeur d’Université en 1995. Parce que la méthodologie adoptée dans son travail académique était en continuité avec la méthode littéraire, il fut confronté à des problèmes plus sérieux encore que ceux dont nous avons parlé jusqu’ici. En 1993, alors que le processus pour sa promotion comme professeur d’Université était en cours, des rumeurs commencèrent à courir qualifiant ses écrits dl’hérésie et d’apostasie. Ces accusations, qui répétaient presque littéralement celles formulées jadis contre la thèse de Khalafallah parvinrent jusqu’au tribunal égyptien pour les questions familiales. Des avocats islamistes fanatiques eurent recours à cette instance pour annuler le mariage du chercheur avec son épouse, arguant de ce qu’un homme non-musulman n’est pas autorisé à épouser une musulmane. Khalafallah avait eu plus de chance simplement parce qu’il était encore célibataire au moment de la rédaction de sa thèse. S’il avait été marié, il aurait été affronté à un verdict similaire à celui qui déclara l’auteur apostat, le 14 juin 1994, et décida par conséquent que son mariage devait être annulé. Voici les attendus du jugement de la Cour :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">1. Dans ses livres, l’auteur a nié l’existence réelle de certaines créatures comme les anges et les djinns dont parle le Coran ;<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">2. Il a qualifié de mythiques certaines descriptions coraniques du paradis ou de l’enfer ;<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">3. Il a décrit le texte du Saint Coran comme un texte humain ;<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">4. Il a préconisé l’usage de la raison pour expliquer les concepts dérivant de la lecture littérale du texte du Coran afin de les remplacer par des concepts modernes, plus humains et progressistes ; il applique plus particulièrement sa méthode d’interprétation rationnelle aux textes relatifs à l’héritage, à la femme, aux chrétiens et aux juifs (ahl al-dhimma) et aux femmes esclaves.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il paraît évident dans les controverses que nous avons évoquées que l’approche littéraire souffre de l’absence de renouvellement de la théologie elle-même. La théologie hanbalite dominante tient très fermement au dogme du Coran parole éternelle de Dieu. La distinction faite autrefois entre les aspects temporels et les aspects éternels de la parole de Dieu semble avoir disparu du champ de la théologie musulmane moderne. L’approche littéraire s’en trouve fragilisée, car plus facilement susceptible d’être condamnée. Il est même plus facile de monter l’opinion publique contre les chercheurs qui l’adoptent. Le peuple est facilement convaincu que l’approche littéraire représente non seulement une menace, mais ne peut que causer de sévères dommages à la foi en la divinité du Coran. Or il n’est pas du tout dans l’intention de l’approche littéraire de porter atteinte au Coran ni même de mettre en question sa nature divine et sainte. Sa position est que les textes religieux, même divins et révélés par Dieu, sont historiquement déterminés et culturellement structurés.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En tant que message révélé par Dieu aux hommes par l’intermédiaire du Prophète Muhammad, messager de Dieu et être humain lui-même, le Coran représente un modèle de communication avec un émetteur et un récepteur, à travers le code d’un système linguistique. Dans la mesure où l’émetteur, dans le cas du Coran, à savoir l’auteur divin, ne peut pas être l’objet d’une étude scientifique, il est naturel que l’introduction scientifique à l’analyse du texte coranique se fasse à travers la culture et la réalité de son contexte. “Réalité” signifie ici les conditions socio-politiques qui constituaient le cadre de vie de ceux à qui le texte fut originellement adressé — y compris le premier récepteur du texte, le Prophète. “Culture” en revanche représente le monde conceptuel incarné dans le langage dans lequel le Coran a pris corps. En ce sens, commencer l’analyse du texte coranique par la culture et la réalité de son contexte ne signifie pas autre chose que de partir de faits empiriques. Par l’analyse de tels faits, une compréhension scientifique du Coran peut être mise en oeuvre. Cela est bien compréhensible. Est-il besoin de davantage de preuve pour dire que le Coran est un produit culturel ? La question porte davantage sur l’articulation entre le fait que le Coran est un produit culturel et la conviction qu’il est de nature divine, en tant que texte révélé par Dieu.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Voilà précisément une question théologique, qui rappelle le très ancien débat surgi à propos de la nature du Coran dans la théologie classique. Le Coran est le Verbe de Dieu. Il n’est pas de désaccord sur ce point entre musulmans à travers les siècles. Ce qui fit débat en revanche était de savoir si le Coran était éternel ou bien temporel et créé. La question provoqua des disputes ardentes, et même la persécution et l’élimination physique des adeptes de l’une ou l’autre position. Il y eut une grande inquisition et persécution (mihna) de ceux qui optèrent pour l’éternité du Coran durant la première moitié du troisième siècle de l’Hégire. Le débat commença même plus tôt, et les premiers partisans de la temporalité du Coran furent les premières victimes. C’était dans le contexte d’un nouveau courant de pensée, qui commença à émerger en réponse à la théologie politique des Omeyades qui insistaient sur la croyance en la prédestination pour légitimer leur pouvoir politique. Trois penseurs furent exécutés pour s’être opposés à la prédestination et pour avoir souligné le libre arbitre, et de ce fait la responsabilité humaine. Ils considéraient tous trois la justice comme l’un des attributs de Dieu, ce qui devint un point essentiel du système mutazilite. Ces trois personnes se nommaient Ma’bad al-Juhnî (80/723), Ghaylân al-Dimashqî (99/742) et al-Ja’d b. Dirham (120/764). On ne connaît pas davantage leur pensée, sauf pour al-Ja’d dont on dit qu’il affirmait que le Coran, Verbe de Dieu, n’est pas éternel mais créé. On raconte aussi que des théologiens chrétiens auraient influencé les trois penseurs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Parce que le développement de leur argumentation nous manque, quelque spéculation est possible à partir de l’information objective très limitée dont nous disposons. Concernant la nature de la parole de Dieu, al-Ja’d a pu penser que la dire éternelle était en contradiction avec la doctrine de l’absolue unité de Dieu. Il aurait alors fallu maintenir que la parole de Dieu est créée. Avec la justice de Dieu et la responsabilité humaine, la temporalité de la parole de Dieu devint un autre point essentiel du système mutazilite.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Depuis le troisième siècle de l’Hégire (neuvième siècle de l’ère chrétienne), le concept d’éternité du Coran s’est développé comme le dogme du courant dominant. Le débat intellectuel concernant la nature du Coran au 2ème siècle de l’Hégire (8ème siècle après JC) fut interrompu par une décision politique qui favorisa l’orthodoxie contre l’hétérodoxie. Avec la ré-ouverture du débat à l’époque moderne, il importe de distinguer entre les deux courants de pensée sus-mentionnés. Il est très important de considérer leurs théories respectives sur l’origine du langage et la relation entre langage et réalité d’une part, et la signification de telles théories ( ou la question qui nous préoccupe de la nature du Coran ) d’autre part.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les points de vue mutazilites sont davantage marqués par le rationalisme. Leur analyse du rapport entre l’homme, le langage et le livre saint est centrée sur l’homme en tant qu’il est le destinataire du texte, et sur la société humaine parce que c’est à elle que ses enseignements sont destinés. Le langage est une invention humaine puisque relier un son à une signification est le fruit d’une convention humaine. Le langage ne se réfère jamais directement à la réalité, mais celle-ci est d’abord conceptualisée, puis symbolisée par le système des sons. Chez les Arabes par exemple, comme dans tout langage, il y a des mots qui n’ont pas de référent dans la réalité : un mot comme ’anqâ’ (correspondant au français phénix) ne se réfère à aucune réalité existante. Les mutazilites ont ainsi vu le Coran comme créé et non comme l’expression verbale éternelle de Dieu. Dans le langage coranique, la relation entre le signifiant et le signifié n’existe aussi que par convention humaine. Il n’y a rien de divin dans cette relation. Les mutazilites insistaient pour dire que le langage est une production humaine au sein d’une culture historique, et que la parole divine a respecté les règles et les formes du langage humain. Pour eux, il y a là un pont entre la raison humaine et la parole divine.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les anti-mutazilites de leur côté avaient une compréhension différente du langage en général et de la parole de Dieu en particulier. Pour eux, le langage n’est pas une invention humaine, mais un don divin fait à l’homme. Si le référent n’existe pas dans le monde réel, il doit exister dans la réalité métaphysique. Les anti-mutazilites s’appuient ici sur quelques versets du Coran qui, pris litéralement, pourraient soutenir leurs affirmations sur la divinité du langage (Coran 2,31). Les mutazilites font bien entendu une interprétation métaphorique de ces versets(66). Quant à la relation entre le signifiant et le signifié, pour les orthodoxes, c’est Dieu qui l’établit lui-même. Elle est donc divine. Leur conclusion logique est que la parole de Dieu n’est pas créée, mais l’un de ses attributs éternels.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il est intéressant de noter que le choix en faveur de l’un ou de l’autre courant a des conséquences importantes sur d’autres points de doctrine théologiques. Croire que le Coran est éternel implique par exemple que Dieu a prévu chacun des événements mentionnés dans le livre saint ; cela conduit à l’idée d’une prédestination absolue des actes humains par Dieu. Celui qui rejette l’idée de prédestination ne peut que croire à la création du Coran. Pour citer encore un autre exemple, ceux qui défendent la doctrine de l’absolue unité et unicité de Dieu (al-tawhîd) en son sens le plus strict nient l’existence d’un Coran incréé qui soit de toute éternité avec Dieu. La notion de Coran éternel conduit à une adhésion stricte au sens littéral du texte(67).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La seconde question posée par l’approche littéraire touche à la validité du Coran par delà le temps et l’espace, c’est-à-dire sa validité comme message adressé à tous les êtres humains, quelles que soient leur langue, leur culture ou leur ethnie. Comment une compréhension du Coran comme produit culturel peut-elle s’accorder avec sa validité entière dans le temps et dans l’espace ? Cette question nous ramène à une autre dimension de l’approche littéraire qui est toujours délibérément ignorée par ses détracteurs. C’est précisément la dimension de l’i’jâz fortement soulignée par Tâhâ Husayn, Amîn al-Khûlî, Khalafallah et leurs disciples. Etre un produit culturel n’est qu’un des aspects du texte, l’aspect de son émergence comme texte. L’autre aspect est que le Coran est devenu le vecteur d’une nouvelle culture. Pour le dire autrement, le Coran comme texte a d’abord émergé du sein d’une réalité socio-culturelle spécifique ; il a pris corps dans un système linguistique particulier, la langue arabe. Dans un deuxième temps, il a progressivement donné naissance à une nouvelle culture(68). Le fait que le texte coranique ait été compris et ait suscité l’adhésion a eu des conséquences irréversibles pour sa culture.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Parler du Coran comme d’un message pointe le fait que, tout en étant incarné dans le système linguistique arabe, le texte coranique a ses propres spécificités. De façon unique, il utilise des combinaisons linguistiques dynamiques bien spéciales qui produisent son message dans ce qu’il a de tout à fait particulier. Ces particularités étaient reconnues par les Arabes et admirées même par ceux qui combattaient son message. Le concept d’absolue inimitabilité du Coran (i’jâz) a émergé à la fois de ces particularités et du défi lancé aux Arabes par le Coran lui-même de produire un texte qui soit semblable ne serait-ce qu’au plus court de ses chapitres.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il sera pourtant toujours nécessaire d’analyser et interpréter le Coran à l’intérieur du milieu contextuel dans lequel il s’origine. Le message musulman n’aurait eu aucun effet si le premier peuple qui l’a reçu n’avait pas pu le comprendre. Ils n’ont pu le comprendre qu’au sein de leur horizon socio-culturel. Mais à cause de la façon dont ils l’ont compris et dont ils ont mis ce message en pratique, leur société a changé. La manière dont la première génération des musulmans et celles qui l’ont suivie ont compris le Coran n’est en aucun cas finale ou absolue. Les combinaisons dynamiques linguistiques particulières au texte coranique donnent lieu à des possibilités infinies de compréhension. Dans ce processus, la signification dans le contexte socio-culturel d’origine ne doit pas être ignorée ou simplifiée, parce que ce niveau de sens est vital pour orienter vers la signification fondamentale implicite du texte. Connaître l’orientation du sens aide à passer du sens à sa signification dans le contexte socio-culturel présent. Cela permet aussi à l’interprète de discerner de manière correcte et efficace ce qui est historique et temporel et n’est pas porteur de signification dans le contexte nouveau. De même que l’interprétation est le pendant nécessaire du texte, une fois le Coran décodé à la lumière de son contexte historique, culturel et linguistique, il aura à être recodé selon le code culturel et linguistique du milieu de l’interprète. Autrement dit, la structure sémantique profonde du Coran doit être reconstituée à partir de sa structure de surface ; la structure profonde doit être alors ré-écrite à partir d’une autre structure de surface, celle d’aujourd’hui.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cela entraîne une diversité d’interprétations, parce que le processus infini d’interprétation/réinterprétation ne peut qu’évoluer avec le temps. C’est d’ailleurs nécessaire, sans quoi le message perdrait sa saveur et le Coran risquerait de devenir — ce qu’il est actuellement — objet de manipulations politiques et autres. Dans la mesure où le message de l’islam est considéré comme pertinent pour tout être humain, quels que soient son époque ou son pays, la diversité d’interprétation est inévitable. Mais l’interprétation sera d’autant plus juste qu’on aura conscience de la différence entre le “sens” dans le contexte originel et la “signification”, et de la nécessité que la signification soit clairement et rationnellement liée au sens. Le sens est quasiment fixe du fait de son historicité, alors que la signification est changeante. L’interprétation n’est valide que pour autant qu’elle n’enfreint pas les règles méthodologiques sus-mentionnées par désir de rejoindre des conclusions idéologiques pré-établies. Le texte est historique bien que d’origine divine, mais l’interprétation est absolument humaine.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Qu’est-ce qui freine le développement d’une théologie musulmane moderne, renouvelée, qui apporterait quelques soubassements à l’approche littéraire du Coran ? Muhammad ’Abduh a tenté dans son Traité de l’Unicité (Risâlat al-tawhîd) d’inaugurer une théologie moderne, mais avec une méthode éclectique, ni vraiment critique, ni vraiment créative. Il tenta de tirer du discours théologique classique ce qu’il considérait comme le “meilleur” et le plus “fructueux” pour les musulmans modernes. Il essaya d’articuler des doctrines d’écoles théologiques différentes et d’en faire la synthèse sans mesurer que ces éléments pouvaient entrer en conflit les uns avec les autres. Comme nous l’avons déjà dit, chaque doctrine choisie véhicule avec elle un certain nombre d’implications logiques. ’Abduh voulait par exemple marier la doctrine mutazilite de la justice divine (al-’adl) avec la doctrine asharite de l’unicité divine (al-tawhîd). Dans l’incapacité de formuler la contradiction et le conflit qu’il y a entre les deux doctrines du fait de leur lien à deux systèmes théologiques différents, il resta dans le vague quant à savoir laquelle des deux doctrines serait la meilleure et la plus fructueuse sur la question de la nature du Coran. Dans la première édition de son Traité, ’Abduh adopte en effet la position mutazilite du Coran créé, mais revient dans la seconde édition à la position asharite(69). Etait-ce par peur de s’affronter à la majorité la plus influente des théologiens d’al-Azhar, ou bien est-ce la conviction de l’imâm qui avait changée ? Personne ne peut le dire de façon certaine. Ce qui est certain en revanche, c’est que la brêche politiquement close depuis le neuvième siècle doit être ré-ouverte. Le problème n’est pas d’être enfermé dans le contexte classique, même s’il est nécessaire d’en faire une analyse critique selon la devise d’al-Khûlî concernant la première étape vers un renouveau. Le savoir moderne a développé toutes les disciplines bien au-delà de ce qu’elles étaient à l’âge d’or de la théologie musulmane. Dans le domaine de l’analyse textuelle, dans des disciplines comme la sémantique, la sémiotique ou l’herméneutique, la méthodologie moderne n’a plus rien de comparable avec ce qui a été mis en oeuvre dans l’histoire de la pensée musulmane. Là se trouve le vrai défi pour la nouvelle théologie : avancer d’une manière qui permettra d’intégrer l’étude littéraire du Coran.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Notes :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">1 Cf Abûal-Fath Muhammad b. al-Qâsim Shahrastânî, al-milal wa al-nihal, qui se distingue de Ibn Hazm, al-fisal fî al-mihal wa al-ahwâ’ wa al-nihal, Le Caire, non daté, volume 1, p 64 ; al-Khayyât, alintisâr fî al-radd ’alâ Ibn Râwindî, Neiburg, Beyrouth, 1957, pp 28-29.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">2 Rasâ’il al-Jâhiz, Le Caire, 1965, volume 1, p 262, traduction de Larkin, op. cit., p 33. Pour plus de détails, voir mon ouvrage Al-ittijâh al-’aqlî fî al-tafsîr (L’exégèse rationnelle du Coran), Beyrouth, 1998 (4ème édition), pp 71-82.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">3 ” … ma’ânî matrûhat fî al-tarîq ya’rifu-hâ al-’arabiyyu wa al-’ajamiyyu wa al-badawiyyu wa alqarawiyyu “, Kitâb al-hayawân, Ed. ’Abd al-salâm Muhammad Harûn, Le Caire, 1966 (2ème édition), volume 3, p 131.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">4 Al-Qâdî ’Abd al-Jabbâr, Al-mughnî fî abwâb al-tawhîd wa al-’adl, Editions Amîn al-Khûlî, volume 16, Le Caire, 1380/1960, p 197.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">5 Cf I’jâz al-qur’ân, relativement proche de Al-itqân fî ’ulûm al-qur’ân de al-Suyûtî, Ed. A. Saqr, Le Caire, 1370/1952, 3ème édition, volume 1, pp 43-44.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">6 Ibid., pp 150-154.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">7 Ibid., volume 11, p 169.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">8 On trouve une traduction anglaise (pas toujours très satisfaisante) chez Arthur Jeffery, Islam : Muhammad and his Religion, The Liberal Arts Press, New York, The Library of Religion Series, n°6, pp 55-57.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">9 Al-mughnî…, op. cit., p 200.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">10 Ibid., p 247, 264, 322 sq.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">11 Cf Abu Deeb, op. cit., pp 59-61.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">12 Dalâ’il i’jâz al-qur’ân al-karîm, Editions Mahmûd Muhammad Shâkir, Le Caire, 1984, pp 40-41.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">13 Ibid., pp 8-9.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">14 Ibid., p 10.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">15 Ibid., p 8.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">16 Ibid., p 41.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">17 Ibid., p 32.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">18 Ibid., pp 8-9.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">19 Re-publié récemment au Caire, en 1993. Voir aussi Albert Hourani, Muslim Thought in Liberal Age, Cambridge, 1983, pp 122-123.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">20 Al-a’mâl al-kâmila, Editions Muhammad ’Amâra, Beyrouth, 1972-1974, volume 5, pp 201 sq.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">21 Cité et traduit en anglais par J.G. Jansen, The Interpretation of the Qur’ân in Modern Egypt, Leyde, 1974, p30.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">22 Al-a’mâl al-kâmila, op. cit., volume 5, pp 30 sq.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">23 Pour davantage de détails concernant l’opinion de M. ’Abduh sur les récits du Coran, voir dans Tafsîr al-manâr, volume 1, pp 19-21, 210-211, 215, 229-230, 233-234, 271 ; volume 3, pp 47-48 ; volume 4, pp 7, 42, 92-93.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">24 Ibid., volume 9, pp 506-511.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">25 Fî al-shi’r al-jâhilî, Le Caire, 1926 (première publication), ré-édition de 1995, Le Caire, pp 20-26.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">26 Ibid., pp 33-35. C. Snouck Hurgronje est le premier à avoir étudié dans leur ordre chronologique tous les versets coraniques qui parlent d’Abraham. Il conclut que c’est à l’occasion de sa controverse avec les juifs que Muhammad déclara que le Patriarche de l’Ancien Testament était un tenant du monothéisme pur (hanîf) et le premier des musulmans. Ce n’est donc qu’après l’Hégire que la prédication coranique affirma qu’Abraham et Ismaël étaient les ancêtres des Arabes, construisirent la Ka’aba et initièrent les cérémonies du pèlerinage. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’Abraham -toujours selon Snouck Hurgronje- devint le plus important précurseur du prophète arabe : l’islam pouvait alors prétendre, comme pur monothéisme déjà propagé par Abraham, à l’antériorité sur le judaïsme et sur le christianisme. La théorie de Hurgronje fut critiquée par Edmund Beck qui relève que, dans trois sourates de la troisième période mecquoise (14,35-41 ; 16,120-123 ; 6,79 et 161), Abraham joue déjà le rôle caractéristique de la période médinoise. Cette thèse de Snouck Hurgronje acquis une plus grande notoriété par la mention qu’en fit A.J. Wensinck dans un supplément à l’article ” Ibrâhîm ” de la première édition de l’Encyclopédie de l’Islam. Elle provoqua débats et dénégations, notamment de la part de musulmans après la parution du premier volume de la traduction arabe de l’Encyclopédie de l’Islam (E.I.1). Il est bien évident que la divergence d’opinion entre musulmans et non-musulmans sur les histoires coraniques en général -et la figure d’Abraham en particulier- ne pourra être résolue : ” Les premiers considèrent qu’Abraham était véritablement à La Mecque où il a construit la Ka’aba avec Ismaël et propagé la pure foi monothéiste. Les non-musulmans voient cela simplement comme une légende religieuse. Au stade actuel du dialogue, il ne peut pas y avoir de réconciliation des deux points de vue. ” (R. Paret, ” Ibrâhîm “, E.I.2, volume III, pp 980-981)<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">27 La version complète des actes du procès a été ré-imprimée dans un numéro spécial du mensuel Al-Qâhira, n° 195, février 1996, pp 450-462.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">28 Le premier volume, Fajr al-islâm, parût en 1928 ; le second, Dhuha al-islâm, en 1933 ; etc.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">29 Parmi d’autres ouvrages, il a écrit deux livres sur la vie du Prophète : Fî manzil al-wahyy en 1937 et Hayât Muhammad en 1953.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">30 Jabal Muhammad Buaben, Image of the Prophet Muhammad in the West -A Study of Muir, Margoliouth and Watt, The Islamic Foundation, Leicester, 1417/1996, p 317.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">31Cf Manâhij al-tajdîd fî al-nahû wa al-balâgha wa al-tafsîr wa al-adab, ouvrage dans lequel il a rassemblé les articles expliquant les bases de sa méthode, ainsi que quelques autres expliquant les principes du tajdîd.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">32 Ibid., p 219.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">33 Ibid., pp 185, 195 et 265.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">34 Ibid., pp 82, 128 et 180.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">35 Ibid., p 143.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">36 Ibid., p 188.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">37 Ibid., pp 97-98 et 124-125.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">38 Cf la contribution de Muhammad Nurkulisdans le même volumesur la méthodologie d’al-Khûlî. Voir aussi J.G. Jansen, The Interpretation of the Qur’ân in Modern Egypt, op. cit., pp 65-67.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">39 Cf Sayyid al-Bahrawî, Al-bahth ’an al-manhaj fî al-naqd al- ’arabî al-hadîth (La recherche d’une méthodologie en critique arabe moderne), Le Caire, 1993. L’ouvrage reprend essentiellement et de façon critique quatre livres de référence : al-Diwân (1920), Fî al-shi’r al-jâhilî (1926), Muqaddima Prometheus Talîqqan (L’introduction à la traduction arabe du Prométhée de Shelly) (1946) et Fî althaqâfat al-misriyya (Beyrouth, 1955).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">40 Manâhij …, op. cit., pp 144, 175, 182 et 189.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">41 Ibid., p 185.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">42 C’est le titre de l’un des livres d’al-Khûlî, publié d’abord au Caire en 1366/1947.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">43 Manâhij…, p 203-204.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">44 Al-fann al-qasasî fî al-qur’ân al-karîm, Le Caire, 1972 (4ème édition), p 14.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">45 Ibid., p 15.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">46 Ibid., p 17.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">47 Ibid., pp 2-5.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">48 Ibid., p 6.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">49 Ibid., p 56. La référence classique sur cette question est al-Qazwînî, Sharh al-talkhîs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">50 Ibid., p 57<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">51 Ibid., pp 60-63.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">52 Ibid., pp 37-40.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">53 Ibid., pp 40-41.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">54 Al-fann al-qasasî, op. cit., pp d&h.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">55 Ibid.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">56 Cf Kâmil Sa’fân, Hajma ’almâniyya jadîda wa muhâkamat al-nass al-qur’ânî, Le Caire, 1994, pp 11-15.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">57 Pour plus de détails sur ce sujet, voir Yvonne Haddad, Contemporary Islam and the Challenge of History, New York, 1982, 4ème chapitre, notamment pp 51-53.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">58 Cf Jacques Jomier, op, “Quelques positions actuelles de l’exégèse coranique en Egypte révélées par une polémique récente – 1947-1951″, Mélanges de l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales du Caire MIDEO 1, (1954), 39-72, p 71.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">59 Ibid., p 44. Une référence précise est donnée à une traduction arabe des ouvrages d’Henry Smith, The Bible and Islam, publiée à New York en 1897, et Richard Bell, The origin of Islam and its Christian environment, publié à Londres en 1926.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">60 Akhbâr al-Yawm, hebdomadaire égyptien, a publié dans ses numéros des 25 octobre, 1er et 8 novembre 1947 des contributions d’al-Khûlî où il persiste à défendre la thèse de son étudiant et la liberté de recherche académique en général. Il écrira encore l’introduction à la troisième édition de Al-fann al-qasasî (Le Caire, 1965) moins d’un an avant sa mort.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">61 La décision fut prise en réponse à une question, sur ce cas et sur la position de l’Université, posée par un député au Premier Ministre. Cf Sa’fân, op.cit. p 38.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">62 Yawm al-dîn wa al-hisâb, Le Caire, 1980, p 5.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">63 Sa thèse de doctorat porta sur la poétique d’Aristote et son influence sur la rhétorique arabe (Kitâb al-shi’r li-Aristû wa athâru-hu fî al-balâgha al-’arabiyya).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">64 Khalafallah était engagé dans le Mouvement Nationaliste Arabe qui connût son heure de gloire en Egypte sous Nasser. Son orientation politique nationale était colorée par une idéologie sociale particulière (le socialisme arabe ou islamique). Il fut l’un des fondateurs du Parti de la Collaboration Nationale Progressiste Unioniste (Hizb al-tajammu’ al-watanî al-taqaddumî al-wahdawî, plus connu sous le nom de Hizb al-Tajammu’) créé en Egypte après la réintroduction de la démocratie dans les années soixante-dix. Il fut membre du Comité central du Parti jusqu’à sa mort<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">65 1- Dîrâsât fî al-maktaba al-’arabiyya (Etudes de bibliographie arabe) ; 2- Ahmad Fâris al- Shidyâq wa ârâ’u-hu al-lughawiyya wa al-adabiyya (La pensée liguistique et littéraire d’Ahmad Fâris al-Shidyâq) ; 3- Al-Kawâkibî : hayâtu-hu wa ârâ’u-hu (La vie et l’oeuvre d’al-Kawâkibî) ; 4- Al-Sayyid ’Abdullâh al-Nadîm wa mudhakkirâtu-hu al-syâsiyya (Mémoires politiques d’al-Sayyid ’Abdullâh al- Nadîm) ; 5- ’Alî Mubârak wa âthâru-hu (Les Ecrits de ’Alî Mubârak) ; 6- Al-qur’ân wa mushkilat hayâti-nâ al-mu’âsira (Le Coran et les problèmes de la vie contemporaine) ; 7- Muhammad wa alquwwa al-mu’ârida fî makka (Muhammad et ses opposants à La Mecque ; 8- Al-qur’ân wa al-dawla (Le Coran et l’Etat), Beyrouth, 1972 (2ème édition) ; 9- Mafâhim qur’âniyya (Concepts coraniques), Koweit, 1984 ; 10- Al-qur’ân wa ’ulûmu-hu & Al-hadîth wa ’ulûmu-hu (Les sciences du Coran & Les sciences du hadîth), Tunis, non datés.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">66 Cf Nasr Hâmid Abû Zayd, Al-ittijâh al-’aqlî fî al-tafsîr (L’exégèse rationnelle du Coran), op.cit., pp 70-82.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">67 J.R.M. Peters, God’s Created Speech, Leyde, 1976, p 3.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">68 Nasr Hâmid Abû Zayd, Mafhûm al-nass : dirâsa fî ’ulûm al-qur’ân (Le concept de texte : étude de sciences coraniques), Beyrouth, 1998 (5ème édition), pp 13 sq.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">69 Risâlat al-tawhîd (Traité de l’Unicité), Editions Mahmûd Abû Rayyah, Le Caire, 1977, pp 13 et 52.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-31197618797314004682012-02-23T20:11:00.000+01:002013-09-17T14:42:12.703+02:00Tradition et modernitéTradition et modernité<div class="MsoNormal">
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<b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Tradition et modernité<o:p></o:p></span></b></div>
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<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAX2ZR1dV7OkxIe-mOBuk0QbmqXY7xMKbnTH3aDacFewwA4Suq11HKX5_WVeWc746_sNMFcTs4nbc6mxldJAORdIiJoUoI40VHBztKME2ah2el59jRv4qaIeh04VIi9BB8e74J5koLtQ4/s1600/251335_130041480409516_115175015229496_240493_2423506_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjAX2ZR1dV7OkxIe-mOBuk0QbmqXY7xMKbnTH3aDacFewwA4Suq11HKX5_WVeWc746_sNMFcTs4nbc6mxldJAORdIiJoUoI40VHBztKME2ah2el59jRv4qaIeh04VIi9BB8e74J5koLtQ4/s320/251335_130041480409516_115175015229496_240493_2423506_n.jpg" width="213" /></a></div>
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<b><span style="font-family: Arial;">Mohammed Abed El Jabri<o:p></o:p></span></b></div>
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<b><span style="font-family: Arial;">La modernité, selon nous, ne veut aucunement dire le rejet de la tradition ou la rupture avec le passé. Elle veut plutôt dire une manière pertinente de voir, autrement, la tradition pour que celle-ci soit plus capable d’escorter le progrès au niveau mondial. Ce qu’on appelle communément " la contemporanéité " [coexistence avec l’époque contemporaine] ou, en arabe, " El mouaçara ". La voie de la modernité doit passer, comme nous le préconisons, par la lecture critique et responsable de la culture arabe en vue d’activer cette culture de l’intérieur. Etant ainsi, la modernité est, avant tout, modernité dans " la méthode " et modernité dans " la vision et le but". Il s’agit d’émanciper notre conception de l’empreinte idéologique et affective qui confère, à notre conscience, le caractère absolu et total de la tradition en faisant abstraction à son caractère relatif et historique.<br />
<br />
La modernité est un fait historique, et comme tous les phénomènes historiques, elle est conditionnée par ses circonstances et délimitée par des conditions temporelles que le devenir dessine tout au long du progrès humain. Elle diffère d’un lieu à l’autre et d’une expérience historique à l’autre.<br />
<br />
" la renaissance ", " les Lumières " et " la modernité " ne forment pas des périodes successives, l’antécédent précède l’ultérieur. Elles sont plutôt synchronisées et interpénétrées au sein de la période contemporaine qui débute depuis près d’un siècle. La modernité, chez nous et comme elle se dessine dans notre situation actuelle, prend le sens de " renaissance " et de " Lumières " dont la colonne vertébrale autour de laquelle s’organisent tous ses aspects et ses configurations sont le rationalisme et la démocratie. Ceux-ci ne sont pas des produits qu’on puisse importés, mais une pratique qu’on exerce selon des règles déterminées. La modernité, bien que l’importance qu’elle accorde à l’individu comme valeur en soi, n’est pas donnée pour elle-même, mais pour la culture qu’elle recèle et qui émane de son univers de rationalisme et d’attitude consciente et raisonnable. La modernité est un message et tendance vers la modernisation : la modernisation de l’esprit commun, des critères rationnelles et affectives. Lorsque la culture dominante demeure la culture traditionnelle, le discours de la modernité a la charge de relire la " tradition " et de présenter sa vision contemporaine sur elle. Le besoin de travailler sur la tradition est dicté, en somme, par la nécessité de moderniser notre approche et notre manière de l’envisager au service d’une modernité bien comprise et ancrée dans l’acte et le discours.<br />
<br />
Il est indéniable que la tâche d’approfondir la conscience en vue de résoudre un problème, nécessite une méthode et une conception. Méthode et conception vont de pair. La méthode est toujours guidée par la conception, qu’elle soit explicite ou implicite. La conception est, elle-même, une méthode d’analyse et de traitement. La pensée arabe moderne et contemporaine, de toutes sortes de tendances et de sujets, est un ensemble d’essais visant à formuler une conception, déterminer une attitude et choisir une méthode. Cette pensée est, en réalité, une quête permanente d’une voie propre. Il est tout à fait naturel que les opinions et les conceptions se multiplient d’après la diversité des tendances intellectuelles et la différence des intérêts et des appartenances politiques et sociales. Mais le phénomène apparent dans notre pensée arabe contemporaine est de s’enfermer dans un champ cognitif donné. Si nous voulons délimiter les thèses intellectuelles dans trois domaines : la tradition, la pensée mondiale contemporaine et les problèmes actuels, politiques, sociaux et nationaux ; nous pouvons dire que prendre un des domaines comme champ cognitif spécial, détermine les autres domaines.<br />
<br />
Il existe, en fait, un écart énorme entre notre passé et note futur aspiré. Ce qu’on appelle la tradition existe " là-bas " dans une période du passé. Il s’agit d’une tradition dont la civilisation du progrès et de la créativité a cessé d’être depuis longtemps et devenue lointaine de la réalité dans laquelle nous vivons aujourd’hui. La pensée européenne, qui est devenue aujourd’hui une pensée universelle, se trouve, à son tour, " là-bas " dans une époque de l’histoire comme un maillon dans une chaîne de progrès dont nous n’avons pas vécu les premières prémisses et le développement régulier. Notre présent, avec tous ses problèmes et ses données pédagogiques, politiques, sociaux et économiques constitue un mélange singulier dans lequel les restes des vagues du passé et les vagues du " présent ", qui n’est pas le nôtre, s’entrechoquent. Il est, en fait, le " présent " de la civilisation européenne à caractère universel.<br />
<br />
Nous avons besoin aujourd’hui, plus que jamais, de réviser nos attitudes et d’élaborer une conception nouvelle et consciente qui outrepasse les barricades artificielles et dépasse les cercles chimériques ; une conception qui examine les particules dans le cadre de la totalité culturelle et relie le présent et le passé en direction de l’avenir.<br />
<br />
La question de la tradition pose souvent une déduction doublement erronée : d’une part, prendre une position qui considère, d’une façon arbitraire et apriorique, la tradition comme totalité. D’autre part, lorsqu’elle prend une attitude de telle manière, elle ignore deux de ses caractéristiques majeures : son universalité et son historicité. Cette façon anachronique de traiter la tradition est issue d’une vision statique, sclérosée et close.<br />
<br />
Lorsqu’il s’agit d’une tradition comme la tradition arabo-musulmane, il est nécessaire de tenir compte de sa spécificité et sa valeur intrinsèques. Cette tradition est universelle par le fait qu’elle représentait une civilisation mondiale et humaine dans une époque de l’histoire. Elle était une culture ouverte assimilant l’ensemble des cultures différentes avec lesquelles elle avait un contact, d’où son universalité...<br />
<br />
La tradition, non seulement elle reflétait une réalité sociale, politique et économique dans la civilisation arabo-musulmane, mais elle comprenait des conceptions, des concepts et des visions religieuses, philosophiques, éthiques et scientifiques provenant des autres civilisations anciennes. Ce qui fait que l’aspect humain y trouve une place prépondérante.<br />
<br />
Il est indispensable d’avoir une vision critique et consciente de la tradition qui respecte, simultanément, son universalité et sa spécificité historique. Ainsi, il serait absurde d’évoquer les conflits du passé dans le présent. Car les conflits juridiques, théologiques et philosophiques avaient, en réalité, leurs propres justifications et ne peuvent, sous aucun cas, être transmises dans le présent qui, à son tour, observe d’autres circonstances et particularités.<br />
<br />
<br />
La distinction entre la pensée occidentale et la pensée orientale dans la culture contemporaine est une distinction arbitraire sans aucune scientificité... Si distinction dans la pensée mondiale contemporaine il pourrait y avoir, elle ne peut être qu’une séparation entre ce qui sert le progrès et chemine sur la voie de l’évolution historique et ce qui sert la réalité utilitariste, la suprématie impérialiste et le nationalisme raciste. Tel est le critère pertinent si nous voudrions choisir et sélectionner entre la culture contemporaine et les cultures anciennes.<br />
<br />
La tradition originelle (Asala), comme la modernité d’ailleurs, ne désigne pas une chose. Elle n’est pas sujet ou réalité. Elle est plutôt signe distinctif ou indice dévoilant toute tâche manuelle ou intellectuelle et mettant en valeur ce qui en découle comme créativité et originalité. La tradition originelle n’est pas négation des origines. Elle n’est pas création "ex nihilo", mais une autre façon de formuler les conceptions, les éléments et les idées. Elle est opération d’intégration donnant une structure et un être différents. La " contemporanéité " doit être déterminée non par le temps, mais par la communication, l’affectivité et l’effectivité. La pensée universelle est contemporaine de notre époque dans la mesure où elle contribue à résoudre nos problèmes ou acquérir une vision consciente et juste sur notre époque pour pouvoir faire face aux problèmes auxquels nous confrontons dans le monde arabe ou au niveau international.<br />
<br />
Il s’agit aujourd’hui d’une époque où les conflits font rage et reflètent les intérêts et les ambitions de groupes restreints. La vision judicieuse des problèmes de la tradition et de la modernité est celle qui prend en compte l’historicité de la culture et de la pensée. Il ne s’agit pas de fabriquer une méthode toute faite ou d’adopter une vision préalable et figée. La méthode, quelle qu’elle soit, est, avant tout, un outil et l’effectivité de l’outil apparaît dans son usage judicieux et raisonnable et sa capacité de s’adapter avec les données qu’il s’engage à traiter et étudier... Nous optons pour la méthode structurale et historique et pour l’idéologie consciente. Tel est le fondement méthodique de la vision que nous essaierons d’adopter dans l’étude de nos problèmes intellectuels dans la pensée arabe contemporaine. <o:p></o:p></span></b></div>
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IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-89089099107539749532012-02-23T20:09:00.000+01:002012-02-23T20:09:20.096+01:00"Les Iraniens aspirent toujours à la liberté"<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiZkzxqShKVeZ4USFC8DV9AIgNDo0TLDIF3C83Wt_awVg7F9fBeEYQYdW-5B28Vc07dwYptTDbqYkNHOvZkRrZ4K7aTWZ3BpUxymUIl6UuRoRikLYZhh7U0LdCqZPK3-4Hs9e11ax9anmM/s1600/mana+neyestani+04.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiZkzxqShKVeZ4USFC8DV9AIgNDo0TLDIF3C83Wt_awVg7F9fBeEYQYdW-5B28Vc07dwYptTDbqYkNHOvZkRrZ4K7aTWZ3BpUxymUIl6UuRoRikLYZhh7U0LdCqZPK3-4Hs9e11ax9anmM/s400/mana+neyestani+04.jpg" width="366" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">"Les Iraniens aspirent toujours à la liberté"<o:p></o:p></span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A l'occasion de la sortie de son roman graphique Une métamorphose iranienne, le dessinateur Mana Neyestani revient sur les circonstances qui l'ont mené à l'exil. Il est convaincu que le mouvement démocratique n'est pas mort dans son pays.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Propos recueillis par Hamdam Mostafavi <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">Une métamorphose iranienne [Arte éditions/Ça et là, 2012] est votre premier livre publié en France. Il raconte l'enchaînement d'événements qui vous ont poussé à fuir le pays. Avant votre exil en 2006, vous aviez publié quatre ouvrages en Iran. Quelles sont les conditions de publication dans votre pays ?<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;"><br />
</span></i></b><b><span style="font-family: Arial;">MANA NEYESTANI En Iran, il faut demander une autorisation au ministère de la Culture et de l'Orientation islamique pour pouvoir publier. A ce stade-là, beaucoup de choses sont déjà censurées par le comité ! Pour mes livres précédents, j'ai eu certaines difficultés, mais il ne faut pas oublier que j'ai publié ces livres dans les années 2000 à 2004, au moment où [le religieux réformateur] Mohammed Khatami était président [de 1997 à 2005]. La situation était beaucoup plus facile pour les artistes. On publiait beaucoup plus facilement, des livres, des journaux, des caricatures. Après publication, il pouvait nous arriver de nous retrouver dans un procès. Mais, depuis l'arrivée de Mahmoud Ahmadinejad [élu à la présidence en 2005], c'est dès le début de la démarche que l'on est censuré, on ne peut même pas obtenir de permis de publication.<br />
<br />
<i>Vous avez été arrêté puis emprisonné en 2006 à cause de l'un de vos dessins. Dans le supplément pour enfants du quotidien gouvernemental, vous aviez représenté un cafard disant un mot azéri, ce qui a été interprété par cette minorité comme une provocation. Est-ce que vous vous attendiez à cette polémique ?<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
Non vraiment, je ne pensais pas qu'il pouvait m'arriver quelque chose. Pour les caricaturistes, notamment ceux qui agissent dans le domaine politique, on s'attend toujours en Iran à ce que quelque chose arrive. Il y a toujours la possibilité que l'on trouve une dimension politique dans vos dessins et qu'on commence à vous faire des difficultés. Mais je ne pensais pas du tout qu'en dessinant pour les enfants cela se produirait.<br />
<br />
<i>Vous commencez avec une scène de Kafka, et le mot métamorphose est dans le titre de votre livre, c'était quelque chose d'important pour vous ?<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
C'est une coïncidence d'une certaine manière qu'un cafard soit si important dans mon histoire personnelle et que, dans l'histoire écrite par Kafka, un cafard ou plutôt la transformation d'un homme en cafard soit au centre de l'histoire. De plus, j'ai le sentiment que les situations dans lesquelles je me suis retrouvé étaient réellement très kafkaïennes. Quand on est pris dans un système où on ne peut plus contrôler notre vie, où votre destin ne vous appartient plus, tout cela devient un mélange de tragédie et de comédie, et cela me semblait avoir beaucoup de liens avec le cauchemar kafkaïen. La métamorphose est un des thèmes centraux de mon livre, la peur de perdre son identité, le changement de son identité à cause du système, à cause des circonstances, des problèmes sociaux et politiques. J'ai écrit ce livre pour retrouver mon identité. Je suis fait de telle sorte que si on m'enlève le crayon je peux très facilement ne plus être moi-même. J'ai besoin de travailler, et ce livre m'a aidé à me débarrasser de mes cauchemars.<br />
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<i>La liberté est aussi un thème central de votre livre. Avez-vous le sentiment de refléter une aspiration des Iraniens ?<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
De nombreux Iraniens aspirent à la liberté. Même si leur idée de la liberté n'est pas forcément très claire. Mais c'est quelque chose qu'ils aimeraient parvenir à avoir. Je pense que les Iraniens, à cause de leur éducation, de leur famille et en général du système tyrannique dans lequel ils ont vécu ces cent dernières années – voire depuis des siècles – ont un cadre qui limite leur liberté. Mais moi aussi j'ai ce cadre : c'est très difficile de sortir de ce cadre et de cette autocensure, de se libérer du système. Il y a des encore choses que je ne dis pas.<br />
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<i>A votre avis, les événements de 2009 [le mouvement de contestation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad] ont-ils changé la société iranienne, ou pensez-vous que le mouvement d'opposition est terminé ?<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
En vérité, je regarde la société iranienne depuis bien plus longtemps que ça. Je vois une tendance vers la démocratie et la liberté qui existe depuis au moins cent ans en Iran. Ce mouvement a connu des hauts et des bas, il a été réprimé, mais globalement, tous les dix ans, il s'exprime. Par la révolution de 1979, le mouvement des étudiants en 1999, puis en 2009 par le Mouvement vert, par exemple. Pour moi, ce n'est pas terminé. Je pense que c'était un mouvement vraiment significatif car des parties importantes de la société y ont participé. Peut-être qu'à court terme la révolution n'a pas eu lieu, mais au-delà, dans toutes les couches de la société, je suis sûr que cette tendance et ce désir de démocratie et de liberté se sont renforcés.<br />
<br />
<i>Des élections législatives ont lieu le 2 mars prochain, pensez-vous que les Iraniens vont y participer ou contester ?<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
Je ne sais pas si quelque chose va se passer. Après 2009, le problème, c'est que l'on s'est rendu compte que voter était devenu inutile, que cela ne changeait rien que l'on vote ou pas. Après 2009, l'intérêt du vote en Iran est mort. Par contre, j'espère que l'intérêt du reste du monde pour le Mouvement vert n'était pas juste une mode. Je vois bien que les hommes politiques des pays occidentaux sont un jour passionnés par le Mouvement vert, puis le lendemain par le "printemps arabe", et cela passe. J'espère que les malheurs de notre peuple ne sont pas seulement un divertissement passager pour les Occidentaux. Le monde nouveau et moderne est très lié : si l'Iran ou les pays du Moyen-Orient ont des difficultés, ont des gouvernements autocratiques, cela aura forcément des conséquences sur les sociétés occidentales. Alors elles doivent y prêter attention. On parle beaucoup du nucléaire iranien, c'est normal que chaque pays se préoccupe d'abord de sa propre sécurité. Mais ils doivent aussi voir à plus long terme, et comprendre que la bombe n'est pas le seul danger : les politiques qui provoquent la haine entre les peuples, c'est ça qui est le plus dangereux.<br />
<br />
<i>Et vous qui maintenant vivez à Paris, quel rôle pouvez-vous avoir en tant que dessinateur ?<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;"><br />
</span></i></b><b><span style="font-family: Arial;">La seule chose que je sais faire, c'est dessiner ! Je suis convaincu que les petites actions culturelles et sociales que nous menons chacun de notre côté peuvent devenir une sorte de vague. Heureusement, le monde a changé par rapport à ces quinze dernières années, grâce aux nouveaux médias et à Internet. Jusqu'à la fin des années 1990, le pouvoir iranien cherchait à se débarrasser des intellectuels et des artistes, ceux qui avaient des problèmes politiques, car il avait le sentiment qu'ils devenaient inoffensifs en s'exilant. D'une certaine manière, le pouvoir avait raison. Aujourd'hui, avec Internet, la situation a changé. Une forte communauté d'intellectuels iraniens s'est formée hors d'Iran, et c'est vrai qu'elle est assez désunie, mais elle parvient à faire bouger les choses aussi à l'intérieur du pays par le biais d'Internet. Le régime iranien a changé de stratégie, et les intellectuels importants comme le cinéaste Jafar Panahi [condamné en 2010 à vingt ans d'interdiction et de tourner et de quitter le pays] ne sont pas autorisés à quitter le pays ou sont enfermés. A mon avis, nous pouvons exercer une influence.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-12902963420799495322012-02-23T20:07:00.002+01:002012-02-23T20:07:46.138+01:00Ali Farzat, ou le crime de dessiner<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgxf9Hf0OjUjBuRTaSLj9KcuE9XqK-y431dlWtnMjsHxHnxI6R6t5k2jhyphenhyphen1zMs4mytRlpW0UvvNiQJ1ljAydXVux-6Gbs-6FtTiagcs2Irum89tbaYh8ZTE5Q4wkLVSWUuoZB99u9V704o/s1600/ali-farzat.gif" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="260" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgxf9Hf0OjUjBuRTaSLj9KcuE9XqK-y431dlWtnMjsHxHnxI6R6t5k2jhyphenhyphen1zMs4mytRlpW0UvvNiQJ1ljAydXVux-6Gbs-6FtTiagcs2Irum89tbaYh8ZTE5Q4wkLVSWUuoZB99u9V704o/s400/ali-farzat.gif" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Ali Farzat, ou le crime de dessiner<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">L'agression du célèbre caricaturiste, qui fait suite à l'assassinat d'un chanteur contestataire, montre, si besoin était, que la violence est le seul mode de communication du pouvoir syrien.<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le 25 août, l'un des artistes les plus en vue de Syrie, le dessinateur de presse mondialement connu Ali Farzat, a été violemment agressé en plein jour. Au vu de ce genre d'incidents, on se demande si le gouvernement du Président Bachar Assad a conscience de l'impact de ses actes. Farzat a fait savoir ces dernières semaines qu'il n'était pas d'accord avec le régime, mais il est loin d'être considéré comme un ennemi traditionnel des autorités de Damas. Considéré des années durant comme l'un des plus grands dessinateurs de presse du monde arabe, Farzat a encore renforcé sa stature il y a dix ans, juste après l'accession au pouvoir d'Assad. Il était le rédacteur en chef de Al-Domari (L'Allumeur de réverbères), un hebdomadaire satirique qui a constitué l'un des premiers signes d'espoir de voir l'arrivée du nouveau président ouvrir une nouvelle ère de changements.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais les derniers dessins de Farzat - dont l'un représentant le président faisant ses valises aux côtés de Muammar Kadhafi - n'étaient visiblement pas du tout du goût des autorités. Le bref enlèvement du journaliste, puis son passage à tabac par des inconnus, dont il est sorti les mains brisées, étaient le châtiment réservé à quiconque ose exprimer ses opinions. En juillet, Ibrahim Qashoush, qualifié de "chanteur révolutionnaire" en raison de ses chansons appelant au renversement d'Assad, avait subi un sort encore pire. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, Qashoush a été retrouvé mort, la gorge tranchée [et les cordes vocales arrachées]. C'était un message sans équivoque, adressé à ceux qui s'opposent au régime.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La répression à l'encontre de grands intellectuels et artistes montre à quel point les autorités sont déterminées à étouffer coûte que coûte les points de vue dissidents. A l'évidence, elles font fi de ce que pensent tant les Syriens que la communauté internationale.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L'attaque contre Farzat a eu lieu après que Damas s'était efforcée de convaincre l'opinion internationale que des "bandes armées" terrorisaient la population, ce qui nécessitait une intervention énergique de l'armée. Mais les voyous qui ont roué de coups le dessinateur ont agi dans l'un des quartiers les plus quadrillés et surveillés de la capitale. Pour que l'intense campagne de propagande porte ses fruits et permette au régime de retrouver un peu de crédibilité, il faudrait que les agresseurs de Farzat soient présentés, jugés et sanctionnés, mais cela paraît extrêmement peu probable.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le pouvoir syrien devrait également comprendre que ce nouvel incident ne laisse guère d'espoir à quiconque de le voir traiter ses opposants autrement que par la violence. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-40513012379341693762012-02-23T20:06:00.000+01:002012-02-23T20:06:18.991+01:00Etre médecin dissident en Syrie<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjd63-nYxBpBLASwz1VBRLpFHdH4Gmu7h24QSeqdjBA0Jo0Gzy5jOb7Otm0_sIrQg6VYxYtkN-MDHTvJ40vWqE_XeI07D2f52-wIkzG08GEg_nY6pfbOdLISy1t5UTPvgCxAjlq3YUBJTY/s1600/382930_337299162952746_114760155206649_1598489_24363639_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="295" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjd63-nYxBpBLASwz1VBRLpFHdH4Gmu7h24QSeqdjBA0Jo0Gzy5jOb7Otm0_sIrQg6VYxYtkN-MDHTvJ40vWqE_XeI07D2f52-wIkzG08GEg_nY6pfbOdLISy1t5UTPvgCxAjlq3YUBJTY/s400/382930_337299162952746_114760155206649_1598489_24363639_n.jpg" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Etre médecin dissident en Syrie<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Soigner les blessés de l’opposition syrienne est devenu un crime d’Etat en Syrie. L'Orient-Le Jour a écouté le récit éloquent d’un jeune médecin syrien en visite à Beyrouth.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Propos recueillis par Jeanine Jalkh <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">"Les médecins en Syrie sont actuellement considérés comme des trafiquants d'armes." Cette phrase résume parfaitement les accusations dirigées contre les membres du corps médical syrien qui osent soigner les blessés de l'opposition. De passage au Liban, Michel, comme il se présente, est un jeune médecin qui a obtenu son diplôme il y a à peine quelques mois, avant de se voir parachuter dans l'horreur quotidienne d'une révolution des plus meurtrières.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Actif au sein d'un groupe de 25 médecins ambulants dont il préfère également taire le nom, il se livre avec ses collègues à un véritable jeu de cache-cache avec le régime pour pouvoir soigner les blessés parmi les opposants et assurer les médicaments par des voies biaisées et secrètes pour éviter la foudre des services de renseignements et celle des forces de l'ordre. Depuis qu'il s'est engagé auprès des manifestants, il vit comme un véritable fugitif, se déplaçant d'un domicile à l'autre pour ne pas se faire repérer, taraudé par l'obsession de voir ses parents punis et sanctionnés pour ses actes et son implication auprès de l'opposition. Parfaitement organisé, à l'instar des révolutionnaires eux-mêmes, le groupe des 25, dont l'un des membres a déjà été tué par les forces de l'ordre, et deux autres arrêtés, suit les événements de près avec leur lot de blessés, se déplaçant au rythme de la crise, d'une région à l'autre et changeant régulièrement leurs noms et numéro de téléphone.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Michel explique les difficultés rencontrées sur le terrain. "Durant la bataille qui a eu lieu à Rastan [située au centre de la Syrie à 20 km au nord de la ville de Homs], les forces de l'ordre ont attrapé un médecin et l'ont égorgé sur les lieux où était installé un dispensaire ambulant dans un des domiciles de l'opposition", dit-il avant de souligner que les médecins qui sympathisent avec l'opposition sont désormais assimilés aux pires criminels.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">"Un autre médecin, qui transportait en secret des médicaments, a été torturé pendant plusieurs jours pour être ensuite relâché après avoir menti, assurant à ses geôliers que les médicaments n'étaient pas destinés aux opposants", témoigne encore Michel. Depuis que les hôpitaux sont devenus également la cible des forces de l'ordre, les médecins mais aussi les blessés préfèrent ne plus prendre le risque de s'exposer dans des centres hospitaliers et recourent à des dispensaires improvisés sur les lieux, notamment pour fournir ou obtenir les premiers soins.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le médecin tient absolument à raconter l'histoire de l'un de ses amis, Mohammad Anwar Dabbas, "l'un des symboles de l'opposition pacifique", comme il dit, blessé par balle lors d'une manifestation à Daraya [près de Damas] et transporté vers l'un des hôpitaux de la localité. "Alors qu'il était sous anesthésie, les services de renseignements sont venus le prendre durant l'opération avec la cage thoracique ouverte, sans même attendre la fin de l'opération", dit-il contenant à peine sa révolte. C'est ce type de comportement qui a d'ailleurs poussé les gens à refuser d'aller se faire soigner dans les hôpitaux, préférant recevoir les premiers soins à domicile quitte à risquer la mort plutôt que de subir la torture ou l'emprisonnement en risquant d'aller dans les centres hospitaliers.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sur place, les médecins ont recours à des "valises chirurgicales" du type de celles utilisées par l'association Médecins sans frontières, des valises qui existent en nombre très restreint du fait notamment de leur coût (400 euros pour les petites valises et 3 000 pour les grandes), explique le jeune médecin. Ces valises leur permettent surtout de faire des opérations simples, "lorsque les membres sont atteints ou en cas de blessures superficielles". Dans le cas d'un blessé grave, ce dernier reçoit les premiers soins sur place en attendant que soit agencée toute la logistique pour le transporter vers un hôpital régulier.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">"Il est ensuite acheminé secrètement vers un hôpital où travaillent des administrateurs et chirurgiens sympathisants, qui le font entrer sous un nom fictif avec un dossier médical trafiqué", raconte Michel qui explique toutefois que cette chaîne de solidarité est malheureusement devenue de moins en moins disponible avec le resserrement de l'étau autour du corps médical et hospitalier, et la peur qui sévit désormais parmi les médecins qui craignent de plus en plus pour leur vie. "Malgré cela, plusieurs médecins et chirurgiens continuent de se mettre à la disposition des blessés, bravant tous les défis sécuritaires et les risques de mort au quotidien", fait-il remarquer, fier.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce qu'il faut surtout craindre dans les hôpitaux gouvernementaux en particulier, dit-il, ce sont les infirmières et infirmiers "collaborateurs" plantés par le régime pour dénoncer les blessés relevant de l'opposition ou pour se venger d'eux, confie le médecin. Il relate l'histoire de l'un de ses amis qui, lors d'une des rares manifestations à Damas il y a près d'un mois, avait reçu six coups de baïonnette avant d'être transporté par les forces de l'ordre à l'hôpital, puis de là en prison. Le détenu, qui a réussi à contacter ses amis, résume la situation de l'hôpital qui l'a accueilli par ces termes : "La prison est un paradis en comparaison avec l'hôpital", où les infirmiers et infirmières prenaient un malin plaisir à "éteindre des cigarettes sur son corps déjà meurtri, ou à s'amuser à retirer pour la renfoncer la seringue reliée au sérum physiologique", témoigne Michel.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les deux hôpitaux les plus réputés pour ce genre de pratiques sont Ibn Al-Nafees et l'hôpital 601, connus également pour accueillir les détenus qui ont été torturés et dont l'état s'est dégradé. C'est le cas notamment de Yahya Charbaji, arrêté en septembre 2011 et hospitalisé trois mois plus tard à l'hôpital 601 après avoir reçu une balle lors de sa détention, poursuit Michel. Armé d'un courage désarmant, le jeune médecin est également chargé de traiter avec les agences d'importation de médicaments pour s'approvisionner auprès d'elles en achetant le nécessaire, toujours en cachette. Il paie souvent en argent liquide sans que les factures ne soient officiellement enregistrées.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Saisissant l'occasion de l'entrevue, Michel en profite pour lancer, indirectement, un appel aux donateurs pour leur signifier qu'actuellement les médecins en Syrie manquent principalement de respirateurs, de poches de sang et de produits anesthésiants. Il raconte également, toujours avec la même dignité, la situation financière dont pâtissent les médecins qui ont abandonné leur clinique, leur famille, leur confort, pour se consacrer aux soins de centaines de blessés qui tombent chaque jour en Syrie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-46175323982369409582012-02-09T20:29:00.000+01:002012-02-09T20:29:54.422+01:00L’intellectuel qui a déçu la révolution L’intellectuel qui a déçu la révolution<div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhplB8jvlTw4U9oiFM-90Q5PY_A4zHaenc3LrAklsdYqv7qjzeIvVMKzOAz2EfpjtPJrZm720CzptbKpr-huLeNisKTjM6Jn5ZDVGL5mi2XH5kt11TsRHiWK2uj2YyY9RXRnWsXHK2cNck/s1600/293507_250830088270898_100000317273012_835961_4089569_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="357" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhplB8jvlTw4U9oiFM-90Q5PY_A4zHaenc3LrAklsdYqv7qjzeIvVMKzOAz2EfpjtPJrZm720CzptbKpr-huLeNisKTjM6Jn5ZDVGL5mi2XH5kt11TsRHiWK2uj2YyY9RXRnWsXHK2cNck/s400/293507_250830088270898_100000317273012_835961_4089569_n.jpg" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">L’intellectuel qui a déçu la révolution<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le grand poète syrien Adonis, jadis connu pour ses engagements en faveur de la liberté, semble réticent à soutenir une "révolution qui, dit-il, émane des mosquées", regrette l'écrivain irakien Sinan Antoon. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sinan Antoon <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Né en 1930, le poète syrien Ali Ahmed Saïd Esber, dit Adonis, est et restera l'un des plus grands poètes arabes du XXe siècle. C'est aussi un critique activement engagé dans la création d'une nouvelle vision de la culture. Il est donc étrange d'entendre quelqu'un qui désire de façon obsessionnelle le prix Nobel déclarer que la culture à laquelle il appartient - la culture dont il est censé être le champion - est une culture morte. A deux reprises en effet au cours des dernières années Adonis a souligné que la culture arabe était "morte". Dans une interview accordée le 7 septembre 2007 à la chaîne Al-Arabiya, il affirmait par exemple : "Nous sommes un peuple en voie d'extinction. [...] Nous n'avons plus la capacité créative d'édifier une grande société humaine ni de participer à la construction du monde."<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pourtant, lorsque les vents de la révolution balayèrent les dictatures en Tunisie et en Egypte, ce penseur "révolutionnaire" ne ressentit aucune satisfaction devant ce que les peuples de ces pays avaient accompli. Il se contenta de déclarer que ce qui venait de se passer n'était qu'une» rébellion de la jeunesse".<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Peu après, ses compatriotes syriens se révoltaient contre un régime dictatorial impitoyable qui les étouffait depuis quatre décennies. On s'attendait à ce qu'un poète salue le courage de ces citoyens désarmés n'ayant à opposer aux balles d'un régime odieux que leur voix et leur conscience. Or Adonis n'en fit rien. Sa chronique du 31 mars, intitulée :"A la lumière du moment syrien actuel", était résolument pessimiste. Au lieu de réaffirmer le pouvoir des mots et des rêves de liberté, il brossait un tableau cauchemardesque destiné à faire peur : la possibilité d'un scénario à l'irakienne en Syrie. Adonis soulignait le besoin d'une séparation entre religion et politique et se demandait si les révoltes dans le monde arabe n'allaient pas se terminer par une hégémonie inédite de l'"islam modéré". S'il s'agit là d'une inquiétude partagée par de nombreux révolutionnaires, la reprendre à son compte ne fait que singer la tactique éculée de la peur brandie par ces mêmes régimes répressifs et leurs soutiens étrangers qui, depuis des années, manipulent cyniquement ces inquiétudes pour hypothéquer le potentiel et la promesse d'un changement démocratique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">De nombreux écrivains et critiques syriens et arabes ont demandé des comptes à Adonis en raison de l'ambiguïté de son attitude. La romancière syrienne Maha Hasan l'encouragea à prendre une position plus ferme. Dans un article paru le 14 avril dans le quotidien Al-Hayat,elle l'interpella en ces termes : "Aujourd'hui vous devez être plus clair, plus précis et plus direct en disant la vérité sur ce qui se passe en Syrie. [...] C'est votre dernière chance." Le deuxième article d'Adonis sur la révolte en Syrie, "Le moment syrien, à nouveau", était encore plus à côté de la plaque que le premier. La tonalité du texte était un peu plus claire et l'auteur y critiquait le système de parti unique, mais, en même temps, Adonis se montrait tout aussi critique à l'égard de ceux qui protestaient contre le régime. "Une politique dirigée au nom de la religion par une charrette tirée par deux chevaux, le paradis et l'enfer, est nécessairement une politique violente et exclusive. Le présent, dans certaines de ses explosions, ne fait que plagier les événements du passé avec des instruments modernes", écrivait-il. Comme si le monde arabe contemporain était condamné à rejouer les tragédies du passé.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Toujours sur Al-Arabiya, Adonis a déclaré qu'il ne pourrait jamais adhérer à un mouvement émanant des mosquées et a reproché à l'opposition de ne pas avoir organisé ses rassemblements sur des places publiques. Le discours d'Adonis sur cette question montre à quel point il est loin de la réalité telle qu'elle est vécue par ses propres compatriotes. Non seulement de nombreuses manifestations syriennes ont d'abord éclaté sur les campus universitaires, mais encore on ne peut affirmer que le choix des mosquées comme lieux de rassemblement reflète l'expression d'une idéologie religieuse particulière, puisqu'il existe peu d'institutions équivalentes dans le pays et que les citoyens syriens n'ont guère d'autres lieux pour organiser leurs manifestations. On a d'ailleurs pu lire des informations émouvantes au sujet de certains chrétiens et athées syriens qui se rendaient à la mosquée le vendredi afin de prendre part au mouvement qui balaie le pays.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-42582459528853251072012-02-09T19:58:00.000+01:002012-02-09T19:58:39.491+01:00« Une mission sacrée de civilisation »<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdeqvRuJ-T0VcUC18GRL-Hk6EQ1hSLI-GcoDlGBUGvczatVFwLrcIbM_kFhHUP5tVAG_fKe-Jvh57u-UyXTJVTmPnX7wsxNA4xBGeLPnYNlGgfuxkrxosvaH_qQgx1TXh3WhVGfsB8dAY/s1600/308962_130004310437695_100002843806538_129988_1649964142_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdeqvRuJ-T0VcUC18GRL-Hk6EQ1hSLI-GcoDlGBUGvczatVFwLrcIbM_kFhHUP5tVAG_fKe-Jvh57u-UyXTJVTmPnX7wsxNA4xBGeLPnYNlGgfuxkrxosvaH_qQgx1TXh3WhVGfsB8dAY/s400/308962_130004310437695_100002843806538_129988_1649964142_n.jpg" width="318" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">« Une mission sacrée de civilisation »<o:p></o:p></span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"> Par Alain Gresh<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">« Les forces qui font aboutir le projet grandiose du bonheur parfait ne tiennent nullement compte de la souffrance d’ordre secondaire, et exterminent ces sections de l’humanité qui leur barrent le passage. (…) Qu’il soit être humain ou brut, l’obstacle doit être éliminé. »</span></i></b><b><span style="font-family: Arial;"><br />
(Herbert Spencer, philosophe anglais, 1850).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les déclarations de Claude Guéant <i>(« Toutes les civilisations ne se valent pas »)</i> ont déclenché une vive polémique. Elles s’inscrivent, bien sûr, dans la campagne de Nicolas Sarkozy pour gagner les électeurs du Front national. Mais elles vont bien plus loin, car elles reposent la question de ce qu’est une civilisation.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une remarque préalable. Claude Guéant a noté que la supériorité de notre civilisation tenait, entre autres, à l’égalité entre hommes et femmes. Ce lundi 6 février, le quotidien gratuit 20 Minutes publie une brève, dans la rubrique faits divers, sous le titre « Une femmes assassinée à coups de couteau ». On peut lire : « Samedi soir, une femme aurait été tuée à coups de couteau par son mari à Bruyère-sur-Oise dans le Val d’Oise, selon Le Parisien. La victime est morte sur place, avant que les secours puissent l’accompagner jusqu’à l’hôpital et son mari, soupçonné de meurtre, a été placé en garde à vue. » Ce fait divers, que la presse classera sans doute bientôt dans la rubrique « crimes passionnels », n’est évidemment pas la preuve que notre « civilisation » ne respecte pas l’égalité hommes-femmes. Si c’était un musulman qui en était coupable, en revanche, cela serait la preuve de l’infériorité de « sa » civilisation.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans De quoi la Palestine est-elle le nom ? (Les Liens qui libèrent, 2010), je reviens longuement sur cette idée de civilisation qui est à l’origine de bien des justifications de politiques coloniales au cours de l’Histoire.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Si l’on suit le très documenté Dictionnaire historique de la langue française, publié sous la direction d’Alain Rey, ce n’est qu’en 1721 qu’apparaît le mot civilisation, défini comme « le processus historique de progrès (…) matériel, social et culturel, ainsi que le résultat de ce processus, soit un état social considéré comme avancé ». Civiliser consiste donc « à faire passer [une collectivité humaine] à un état de plus haut développement matériel, intellectuel, social ». Philosophe et orientaliste, auteur du Voyage en Syrie et en Egypte (1787), Volney opposait déjà l’homme civilisé à… l’anthropophage. Le terme de civilisation, qui remplace le mot jusque-là utilisé de mœurs, ne prend donc tout son sens que par opposition à celui de sauvage. Il implique une vision hiérarchique à laquelle il est difficile d’échapper.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794), dont l’un des plus grands mérites fut d’avoir défendu avec détermination l’égalité entre hommes et femmes, croit à l’unité de l’espèce humaine et s’oppose farouchement aux entreprises coloniales :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">« Parcourez l’histoire de nos établissements en Afrique ou en Asie, vous verrez nos monopoles de commerce, nos trahisons, notre mépris sanguinaire pour les hommes d’une autre couleur ou d’une autre croyance, l’insolence de nos usurpations, l’extravagant prosélytisme ou les intrigues de nos prêtres, détruire ce sentiment de respect et de bienveillance que la supériorité de nos lumières et les avantages de notre commerce avaient d’abord obtenu. »<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le respect des peuples de couleur transparaît dans cette condamnation courageuse et sans équivoque des aventures coloniales. Mais il s’accompagne, chez cet humaniste authentique que fut Condorcet, de la croyance de la « supériorité de nos lumières » – terreau de la formidable effervescence intellectuelle qui préparait la Révolution française. Elle le conduisit à une conviction : la marche en avant des peuples des colonies serait <i>« plus prompte et plus sûre par ce qu’ils recevraient de nous ce que nous avons été obligés de découvrir, et que pour connaître ces vérités simples, ces méthodes certaines auxquelles nous ne sommes parvenus qu’après de longues erreurs, il leur suffirait d’en avoir pu saisir les développements et les preuves dans nos discours et dans nos livres ».<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Au nom de cette civilisation dont il est persuadé que l’Europe (et particulièrement la France) représente l’apogée, Condorcet légitime ainsi l’impérieuse obligation de hisser les autres peuples à « notre » niveau. Les restrictions qu’il y met, et notamment l’obligation d’user de moyens pacifiques, d’autres penseurs républicains, d’autres dirigeants politiques de la IIIe ou de la IVe République, les responsables européens en général n’auront aucun scrupule à les violer, camouflant sous cette « mission civilisatrice » des ambitions autrement plus sonnantes et trébuchantes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A la fin du XVIIIe siècle, en France comme en Grande-Bretagne, se déployait une campagne contre la traite des esclaves et contre les colonies, menée par un courant appelé à un bel avenir, celui des intellectuels libéraux, d’Adam Smith à Edmund Burke. La métropole ne violait-elle pas les principes du marché libre en contraignant ses possessions d’outre-mer à exporter leur production vers la métropole et à y acheter tout ce dont elles avaient besoin ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cinquante ans plus tard, la plupart des adeptes de ce courant, de James Mill à John Stuart Mill, en passant par Alexis de Tocqueville, bien que toujours attachés au libre-échange et au rôle central du marché, abandonneront pourtant les questionnements de leurs prédécesseurs pour appuyer, sans états d’âme, l’expansion européenne. Ce « revirement pro-impérialiste » des libéraux, comme le montre l’universitaire américaine Jennifer Pitts, s’explique dans une large mesure par <i>« l’effacement progressif des théories pluralistes et nuancées du progrès au profit de certaines conceptions beaucoup plus méprisantes de l’“arriération” et à une dichotomie beaucoup plus tranchée entre barbarie et civilisation ».<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Adam Smith attachait à l’étude des communautés humaines une attention soutenue et il n’aurait certainement pas entériné la formule de Margaret Thatcher selon laquelle « there is no such thing as society » (« Il n’existe pas de société »). Il consacra, au contraire, des ouvrages approfondis non seulement aux sociétés européennes, mais aussi à celles que le Vieux Monde découvrait, de l’Océanie aux Amériques. Il était un universaliste, convaincu que les êtres humains sont tous rationnels et qu’ils appliquent cette rationalité à la résolution de leurs problèmes. Pour lui et ses disciples, aucune culture n’était globalement supérieure ou inférieure aux autres : la diversité des croyances et des mœurs était une réponse à des situations différentes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sans jamais céder au relativisme, Adam Smith expliquait ainsi dans sa Théorie des sentiments moraux, publiée il y a cent cinquante ans, que la coutume des Amérindiens de mouler les têtes des nouveau-nés, dénoncée par les missionnaires comme absurde et barbare, n’était pas plus saugrenue que le port du corset imposé aux femmes, dont les effets négatifs étaient connus et néanmoins acceptés… Il condamnait avec force tout ce qui pouvait fonder l’idée d’une supériorité globale des sociétés européennes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En quelques décennies, le monde va profondément changer. Alors qu’au XVIIIe siècle il était encore multipolaire – en 1800, la majorité de la production manufacturière mondiale se faisait en Chine et en Inde –, durant la première moitié du XIXe siècle l’hégémonie du Vieux Continent s’affirme, et ce pour des raisons diverses : avantages tirés de la conquête de l’Amérique ; profits accumulés du commerce triangulaire (Europe-Afrique-Nouveau Monde) dominé par la traite des esclaves ; et, surtout, maîtrise de la technologie et de l’art de la guerre : la multiplication des conflits en Europe donna aux Etats une capacité à mobiliser leurs ressources pour de longues campagnes militaires, capacité dont ne disposaient pas les immenses empires indien ou chinois, qui déléguaient la défense de leurs lointaines frontières à des potentats locaux ou à des tribus.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cette capacité militaire et les conquêtes elles-mêmes vont constituer, a posteriori, une preuve de la supériorité non seulement militaire et économique, mais aussi « culturelle » et même « morale » du Vieux Continent, laquelle s’enracinerait dans des conceptions philosophiques que certains font remonter jusqu’à la Grèce antique. On vit ainsi, remarque Jennifer Pitts, apparaître des arguments selon lesquels la nature progressiste de leur civilisation donnait une supériorité morale aux Européens, leur permettant d’agir à leur guise dans les régions « barbares ». La Palestine sera, parmi d’autres, un champ d’application de ces théories.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’évolution de la politique britannique en Inde en témoigne : au milieu du XIXe siècle, l’intérêt naguère porté à la civilisation de ce pays commence à s’estomper. <i>« Il avait antérieurement existé dans les plus hautes sphères de l’administration, remarque Pitts, une certaine forme d’admiration pour les hauts faits de la culture indienne, y compris parmi les Britanniques œuvrant à l’expansion de l’Empire. Au sein des administrateurs coloniaux du XVIIIe siècle figuraient, en bonne place, des orientalistes admirant la civilisation indienne. »<o:p></o:p></i></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ces administrateurs avaient même tendance à s’indianiser : ils s’habillaient comme les locaux, adoptaient leurs coutumes, se mariaient à des Indiennes, etc. A partir des années 1850, au contraire, se fixe une vision méprisante des autochtones, laquelle ne se démentira plus jusqu’à l’indépendance.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Dans un ouvrage stimulant et ardu, au titre provocateur, Provincialiser l’Europe, l’historien indien Dipesh Chakrabarty revient sur la conception qui s’est finalement imposée selon laquelle l’Europe préfigurerait l’avenir de l’humanité. Les peuples non européens, explique Chakrabarty, sont assignés à « une salle d’attente imaginaire de l’Histoire », attente qui devient ainsi une mesure de la distance culturelle qui sépare l’Occident du non-Occident. La notion de progrès, poursuit-il, s’installe dès le XVIIIe siècle, et si « nous » sommes l’avenir, « ils » sont le passé, parfois même notre propre passé : ainsi les Aborigènes d’Australie seront réduits à ressembler à nos ancêtres de la préhistoire qui n’auraient pas su évoluer. En d’autres termes, Karl Marx écrivait que « le pays le plus industrialisé montre aux pays moins développés l’image de leur propre avenir ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En dépit des puissants mouvements universalistes qui ont marqué l’Europe à partir du XVIIIe siècle, dont les idées étaient en principe peu compatibles avec l’oppression des indigènes, le droit à coloniser s’est donc imposé comme un « droit naturel », voire comme un devoir, de l’Australie à l’Algérie, du Congo à la Cochinchine. En Palestine, il s’agissait aussi d’« une mission sacrée de civilisation » (Henry Laurens). Mais, à la différence d’autres situations coloniales, les Palestiniens ne sont pas assignés à une « salle d’attente » de l’Histoire, mais à en être expulsés définitivement.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-38579031150531429262012-02-09T19:57:00.000+01:002012-02-09T19:57:23.335+01:00Un pays de plus en plus religieux - sur la voie de l'autodestruction ?<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi78Mxmx5at37o0DKBqq69VqQvn4LrBnjrgXDiGA6lYh707zNggPG0iyFtzNkVF1Q2172wcvm7iAx9ikj8OtsxCcoklMCDhIElkrCyZ2ieOwOldAiuD-a3-Rw8eaWnzx32t5zGaf5CYEEo/s1600/sabhan+adam.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="312" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi78Mxmx5at37o0DKBqq69VqQvn4LrBnjrgXDiGA6lYh707zNggPG0iyFtzNkVF1Q2172wcvm7iAx9ikj8OtsxCcoklMCDhIElkrCyZ2ieOwOldAiuD-a3-Rw8eaWnzx32t5zGaf5CYEEo/s400/sabhan+adam.jpg" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Un pays de plus en plus religieux - sur la voie de l'autodestruction ?<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">Les résultats d'une enquête sur la poussée du sentiment religieux en Israël suscitent une avalanche de commentaires.<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pascal Fenaux<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Plus de 80 % des Juifs d’Israël croient en Dieu, 67 % se considèrent comme le "peuple élu" et 61 % estiment que la vie publique en Israël doit s’organiser selon le rythme de la tradition judaïque, révèle Yediot Aharonot. Aux questions* portant sur les attitudes en cas de conflit entre la Halakha (Tradition judaïque) et la législation démocratique israélienne, les réponses sont tout aussi intéressantes.<br />
<br />
Ainsi, 85 % des haredim (ultraorthodoxes) et 49 % des religieux traditionnels obéiraient à la Halakha ; 84 % des laïcs antireligieux et 64 % des laïcs modérés préfèreraient la démocratie, et, enfin, 48 % des religieux occasionnels adapteraient leur choix en fonction des circonstances. En définitive, vu le poids de chacun de ces groupes, il ressort que 44 % des Israéliens respectent la loi israélienne et la démocratie, 20 % obéissent à la Halakha et 36 % n’ont pas d’opinion arrêtée.<br />
<br />
Immédiatement, les commentaires sont allés bon train dans ce pays profondément clivé entre laïcs et croyants, militants laïcistes et activistes ultraorthodoxes. Dans Ha’Aretz, sous le titre "Une israélianité défaitiste", le commentateur Uri Misgav ironise : "John Lennon disait que Dieu est un concept qui nous aide à mesurer notre souffrance. Si tel est le cas, alors Israël est un peuple en grande souffrance. Mais il y a diverses façons de lire ce sondage et pas forcément de la façon catastrophiste privilégiée par certains. Ainsi, les Israéliens interrogés ne se sont pas vu proposer des alternatives suffisamment subtiles et ont dû se positionner devant des questions formulées dans un contexte politique où les uns et les autres s’accusent de laïcisme, de coercition religieuse, etc.<br />
<br />
D’autre part, même si cela peut choquer, la référence au "peuple élu" n’est jamais que le fruit d’une confusion renforcée par la culture sioniste entre peuple juif et foi juive. Après tout, les Etats-Unis sont une nation très religieuse mais cela n’a jamais poussé les Américains à rendre la justice au nom de Dieu. Enfin, qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’une majorité de Juifs préfère être administrée selon un rythme juif ? Ce qu’il y a de véritablement gênant, c’est que les institutions religieuses chargées de vivifier ce rythme instillent de plus en plus, et avec les deniers publics, une culture belliqueuse, ethnocentriste et ultranationaliste".<br />
<br />
Toujours dans Ha’Aretz, Doron Rosenblum se demande quant à lui "où est passée l’israélianité". "Ce que ce sondage confirme, c’est que l’identité israélienne laïque est de plus en plus un mythe dans une société travaillée au corps par les nationalistes religieux et les ultraorthodoxes ; bientôt, cette société n’aura plus rien d’israélien, mais ne sera plus qu’une tribu juive nationaliste."<br />
<br />
D’autres éditorialistes refusent de se focaliser sur ce sondage sujet à trop d’interprétations et préfèrent s’attarder sur des réalités qui fâchent. Ainsi, dans Maariv, la journaliste Saray Makover-Belikov rappelle que, "en dépit de réformes judiciaires, les tribunaux religieux, seuls habilités, comme ailleurs au Moyen-Orient, à célébrer les mariages et à prononcer les divorces, continuent à faire vivre un véritable enfer aux femmes croyantes et divorcées, un enfer que la plupart des laïcs qui n’y sont objectivement pas soumis préfèrent ignorer".<br />
<br />
Pour sa part, sous le titre "La religion de la Shoah", Merav Michaëli s’inquiète dans Ha'Aretz d’une réponse que peu de chroniqueurs semblent avoir relevée : "pour 98 % des Juifs israéliens interrogés, le principe qui doit guider Israël et le judaïsme n’est ni plus ni moins que la ‘mémoire de la Shoah’. Bref, ce qui fait consensus en Israël, ce n’est pas le respect du précepte religieux ou de la règle démocratique, mais tout simplement la mémoire d’un génocide.<br />
<br />
Outre cette culture traumatique, ce qui devrait nous faire paniquer, c’est que l’enseignement de la Shoah, selon d’autres enquêtes, n’encourage que 2,5 % des jeunes Juifs à reconnaître la primauté des principes démocratiques mais en encourage 12 % à s’engager ‘activement’ dans l’armée. Nos dirigeants ont réduit le judaïsme au rang de syndrome post-traumatique et nous engagent sur le chemin de l’autodestruction".<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Note :* Cette enquete a été menée en 2009. Ses résultats viennent d'etre rendus publics.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-19111842236144080062012-02-09T19:56:00.000+01:002012-02-09T19:56:00.181+01:00Les ratés de la réconciliation turco-arménienne<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjx981DOmRU3o8bKDYz_-W-AA1FdkaiDOmckmKWzTLXiPgw7vyJeGXUJiK1L-pxKyQx9TBI3KGnsgBwyLG70fMHpnJeCKWraE-0efbx-HhC_R5RuUKFkf_L2GzKaSVhLrfid9wr0M4tnCU/s1600/Farah+alhattab+1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjx981DOmRU3o8bKDYz_-W-AA1FdkaiDOmckmKWzTLXiPgw7vyJeGXUJiK1L-pxKyQx9TBI3KGnsgBwyLG70fMHpnJeCKWraE-0efbx-HhC_R5RuUKFkf_L2GzKaSVhLrfid9wr0M4tnCU/s400/Farah+alhattab+1.jpg" width="266" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Les ratés de la réconciliation turco-arménienne<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Tandis qu’en France le génocide arménien est instrumentalisé dans la campagne électorale, la Turquie refuse de ratifier les « protocoles » signés avec Erevan en 2009 (1) pour normaliser les relations diplomatiques entre les deux pays et ouvrir la frontière commune, exigeant des concessions supplémentaires.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par Vicken Cheterian,<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour visiter le musée du génocide à Erevan, il faut se rendre au nord de la capitale arménienne et monter sur la colline de Tsitsernakaberd. L’effort physique nécessaire à cette ascension rappelle la détresse de milliers de citoyens ottomans d’origine arménienne, forcés par leur pays à fuir dans le désert syrien, mourant de faim, d’épuisement ou assassinés. Au sommet de la colline se trouve une stèle de 44 mètres de haut qui s’élance vers le ciel, comme pour réclamer justice. Juste à côté, un monument circulaire formé de douze dalles de basalte protège la flamme éternelle du souvenir.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le jour de l’anniversaire du génocide arménien, le 24 avril, des milliers de personnes montent à Tsitsernakaberd et vont déposer une fleur devant le monument avant de redescendre par l’autre versant de la colline. Là, quand il fait beau, les visiteurs ont une vue magnifique sur le mont Ararat, avec ses neiges éternelles comme suspendues au ciel. Les Arméniens peuvent bien contempler Ararat, leur symbole national : il demeure hors d’atteinte, car il est situé de l’autre côté de la frontière avec la Turquie. Longue de trois cents kilomètres, passant à seulement quarante kilomètres du centre d’Erevan, elle est la dernière frontière fermée de la guerre froide.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A Tsitsernakaberd, M. Hayk Demoyan, le directeur du musée du génocide, nous reçoit. « Ce musée ne raconte pas seulement l’histoire du peuple arménien, mais également celle du peuple turc. J’espérais qu’avec la normalisation des relations, les visiteurs turcs viendraient en masse. » Je voulais en apprendre plus d’un homme qui a suivi les pourparlers diplomatiques de ces trois dernières années en vue de normaliser les relations entre l’Arménie et la Turquie. Pourquoi ces efforts ont-ils échoué ? « La communauté internationale, en particulier les Etats-Unis, n’ont pas assez fait pression sur la Turquie pour que la frontière soit rouverte, répondit-il. A présent, le processus est dans l’impasse. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La source des difficultés entre les deux pays remonte à la première guerre mondiale, quand le gouvernement ottoman déporta en masse ses citoyens arméniens de leurs villes et de leurs villages, décimant la population arménienne de l’empire. Pourtant, au début des années 1990, lorsque l’Arménie obtint son indépendance de l’Union soviétique en crise, il semblait y avoir une chance d’en finir avec l’ancien antagonisme et de normaliser les relations. Erevan tentait alors d’échapper à l’influence de Moscou, et le nouveau gouvernement chercha à établir des relations normales avec Ankara, sans conditions préalables.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais le conflit armé du Haut-Karabagh fut un obstacle majeur (2). Le gouvernement turc adopta la position de l’Azerbaïdjan dans cette guerre et exigea de la partie arménienne qu’elle accède à ses revendications politiques. Au moment de l’accession de l’Arménie à l’indépendance, Ankara refusa l’établissement de relations diplomatiques et se joignit à Bakou en 1993 pour imposer un blocus économique à une Arménie enclavée, afin de l’obliger à abandonner son soutien aux Arméniens du Haut-Karabagh dans leur lutte pour l’autodétermination.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie modifia la carte géopolitique. Ankara estima alors qu’il fallait corriger les erreurs de sa politique dans le Caucase. Le 8 septembre 2008, le président turc Abdullah Gül se rendit en Arménie à l’occasion d’un match de qualification pour la coupe du monde de football, multipliant les rencontres entre diplomates arméniens et turcs afin de discuter des mesures à prendre pour normaliser les relations et ouvrir la frontière commune.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En fait, des négociations secrètes avaient déjà commencé en 2007, avec la médiation du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) suisse, et une série de réunions avaient déjà eu lieu à Berne. L’enchaînement des contacts diplomatiques aboutit à la signature à Zurich de deux « protocoles », le 10 octobre 2009 ; le premier consacré à l’établissement de relations diplomatiques, le second à l’ouverture des frontières. Des membres éminents de la scène politique internationale, tels la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton ou le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov, assistèrent à la cérémonie organisée par Mme Micheline Calmy-Rey, chef du DFAE.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Tatul Hakobyan, un chercheur basé à Erevan qui termine actuellement un livre sur les relations turco-arméniennes, remarque : « L’ironie de la situation est que, durant la guerre froide, cette frontière n’était pas aussi hermétique qu’aujourd’hui. Des trains réguliers circulaient entre Kars et Leninakan [aujourd’hui Gumri]. » M. Hakobyan a une autre interprétation des causes de l’échec : « Les attentes des uns et des autres étaient basées sur des calculs erronés. Du côté arménien, on pensait qu’il était possible de changer le statu quo dans les relations turco-arméniennes sans changer celui sur le Haut-Karabagh. La Turquie s’est pour sa part trompée en croyant que le dialogue avec l’Arménie conduirait à des concessions concernant le Haut-Karabagh. Et la communauté internationale n’a pas prêté attention aux détails. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cela apparut clairement durant la cérémonie de signature des protocoles. Le processus n’allait pas tarder à échouer, dans la mesure où la partie turque s’apprêtait à faire une déclaration officielle dans laquelle elle liait les protocoles aux négociations sur le Haut-Karabagh. La délégation arménienne refusa alors de prendre part à la cérémonie. Finalement, il n’y eut pas de déclaration.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 16.0pt;">Conséquences imprévues<o:p></o:p></span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Au début du processus, les présidents arménien et turc ont pris des risques pour la paix. Le président arménien Serge Sarkissian, déjà éprouvé par une opposition puissante qui contestait la légitimité de son élection, prit des risques supplémentaires en engageant un dialogue avec la Turquie, ce qui suscita la colère du parti Dashnaktsutyun, très populaire dans la diaspora, l’amenant à quitter la coalition gouvernementale. La signature des protocoles créa également une scission entre Erevan et les communautés arméniennes vivant à l’étranger. Le président arménien en fit l’amère expérience au cours de sa tournée dans les communautés de la diaspora, juste avant la signature des protocoles à Zurich : à Paris, Los Angeles et Beyrouth, il dut affronter des manifestants d’autant plus furieux que, dans l’accord, les questions d’histoire (et donc celle du génocide) avaient été reléguées au travail d’une sous-commission.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La politique de rapprochement avec l’Arménie de la diplomatie turque avait également pour objectif d’alléger les tensions dans le Caucase, en particulier le Haut-Karabagh. Ankara pensait qu’en améliorant ses relations avec Erevan, il faciliterait le processus de négociation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Au lieu de cela, il fut confronté à une réaction violente de la part de l’Azerbaïdjan, qui considéra le rapprochement avec Erevan comme une trahison. Bakou menaça de suspendre ses relations avec Ankara et d’annuler les accords prévus sur les hydrocarbures. En conséquence, le gouvernement turc insista pour que l’Arménie « bouge » sur la question du Haut-Karabagh afin que les deux protocoles puissent être ratifiés par le Parlement turc. Il ne se contentait pas de demander des concessions supplémentaires non prévues par les protocoles, mais revenait purement et simplement austatu quo ante : les relations turco-arméniennes ne peuvent pas s’améliorer tant que l’Arménie ne cède pas aux revendications de l’Azerbaïdjan sur le conflit du Haut-Karabagh.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’Arménie et la Turquie se sont engagées dans la négociation sans en évaluer les risques et les conséquences. Le pire est la déception. « L’échec des négociations arméno-turques va durcir la position arménienne dans les négociations sur le Haut-Karabagh », prédit M. Ara Tadevosyan, directeur de l’agence de presse Media Max à Erevan. De plus, ce qui a commencé par des initiatives personnelles et dans la confiance s’achève dans la méfiance. Le gouvernement arménien est déçu par son homologue turc : il a déjà payé le prix fort au plan politique en signant les deux protocoles, et il lui est demandé de faire encore des concessions sur le Haut-Karabagh. Cette déception va radicaliser la position d’Erevan par rapport à la Turquie, trois ans seulement avant le centenaire du génocide arménien, en 2015.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(1) « Vers une normalisation des relations turco-arméniennes ?», La valise diplomatique, 9 octobre 2009.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">(2) Lire Jean Gueyras, « Impossible troc entre Arménie et Azerbaïdjan », Le Monde diplomatique, mars 2001.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-16818818287194588922012-02-05T16:58:00.000+01:002012-02-05T16:58:36.973+01:00Ali Farzat, ou le crime de dessiner<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTWEej8a5qCLIkpkmSTOFilNC11temRi74Ut2hwYhYavJHbqv0cI01XFY84k61FOx00nim77DrOlOFrCMxmnEQO_PUiTRnaDALSYEec1FPQjDah9bc_77mxDJV_XFqPV-XPPs7IA0pv24/s1600/ali-farzat.gif" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="260" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhTWEej8a5qCLIkpkmSTOFilNC11temRi74Ut2hwYhYavJHbqv0cI01XFY84k61FOx00nim77DrOlOFrCMxmnEQO_PUiTRnaDALSYEec1FPQjDah9bc_77mxDJV_XFqPV-XPPs7IA0pv24/s400/ali-farzat.gif" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Ali Farzat, ou le crime de dessiner<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">L'agression du célèbre caricaturiste, qui fait suite à l'assassinat d'un chanteur contestataire, montre, si besoin était, que la violence est le seul mode de communication du pouvoir syrien.<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le 25 août, l'un des artistes les plus en vue de Syrie, le dessinateur de presse mondialement connu Ali Farzat, a été violemment agressé en plein jour. Au vu de ce genre d'incidents, on se demande si le gouvernement du Président Bachar Assad a conscience de l'impact de ses actes. Farzat a fait savoir ces dernières semaines qu'il n'était pas d'accord avec le régime, mais il est loin d'être considéré comme un ennemi traditionnel des autorités de Damas. Considéré des années durant comme l'un des plus grands dessinateurs de presse du monde arabe, Farzat a encore renforcé sa stature il y a dix ans, juste après l'accession au pouvoir d'Assad. Il était le rédacteur en chef de Al-Domari (L'Allumeur de réverbères), un hebdomadaire satirique qui a constitué l'un des premiers signes d'espoir de voir l'arrivée du nouveau président ouvrir une nouvelle ère de changements.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mais les derniers dessins de Farzat - dont l'un représentant le président faisant ses valises aux côtés de Muammar Kadhafi - n'étaient visiblement pas du tout du goût des autorités. Le bref enlèvement du journaliste, puis son passage à tabac par des inconnus, dont il est sorti les mains brisées, étaient le châtiment réservé à quiconque ose exprimer ses opinions. En juillet, Ibrahim Qashoush, qualifié de "chanteur révolutionnaire" en raison de ses chansons appelant au renversement d'Assad, avait subi un sort encore pire. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, Qashoush a été retrouvé mort, la gorge tranchée [et les cordes vocales arrachées]. C'était un message sans équivoque, adressé à ceux qui s'opposent au régime.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La répression à l'encontre de grands intellectuels et artistes montre à quel point les autorités sont déterminées à étouffer coûte que coûte les points de vue dissidents. A l'évidence, elles font fi de ce que pensent tant les Syriens que la communauté internationale.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L'attaque contre Farzat a eu lieu après que Damas s'était efforcée de convaincre l'opinion internationale que des "bandes armées" terrorisaient la population, ce qui nécessitait une intervention énergique de l'armée. Mais les voyous qui ont roué de coups le dessinateur ont agi dans l'un des quartiers les plus quadrillés et surveillés de la capitale. Pour que l'intense campagne de propagande porte ses fruits et permette au régime de retrouver un peu de crédibilité, il faudrait que les agresseurs de Farzat soient présentés, jugés et sanctionnés, mais cela paraît extrêmement peu probable.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le pouvoir syrien devrait également comprendre que ce nouvel incident ne laisse guère d'espoir à quiconque de le voir traiter ses opposants autrement que par la violence. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-22335803284067058332012-02-05T16:57:00.000+01:002012-02-05T16:57:09.979+01:00Les femmes participent activement à la résistance<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgR5My6HGuV5uO03JKkIwUlGpbtKqQYdeH4owCNrO5VO9P-A1oGhnPpd4MwE3-Fz2lIQsmA9J3vgqH-I5Ad8eWx9Eyo7htF0Uo2788Ye6AdKe_qyLV1RAT9bXO3ZDnShEk7U932RIYJQ9Y/s1600/mana+neyestani+05.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgR5My6HGuV5uO03JKkIwUlGpbtKqQYdeH4owCNrO5VO9P-A1oGhnPpd4MwE3-Fz2lIQsmA9J3vgqH-I5Ad8eWx9Eyo7htF0Uo2788Ye6AdKe_qyLV1RAT9bXO3ZDnShEk7U932RIYJQ9Y/s400/mana+neyestani+05.jpg" width="373" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Les femmes participent activement à la résistance<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">Dans le quotidien libanais L'Orient-Le Jour, l'écrivaine et journaliste syrienne Samar Yazbek, réfugiée en France depuis la mi-juillet, témoigne de la répression brutale du régime de Bachar El-Assad. Elle souligne aussi le caractère multiconfessionnel de l'opposition</span></i></b><b><span style="font-family: Arial;">.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"> Par Elie Masboungi<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Si l'écrivaine et militante Samar Yazbek accepte de parler à la presse, ce n'est pas uniquement pour relater ce qu'elle a enduré dans son pays – intimidations, menaces, visites forcées de cellules où se trouvaient de jeunes manifestants battus et mutilés. La jeune intellectuelle, issue de la communauté alaouite [à laquelle appartiennent la famille Assad et plusieurs personnalités du régime], préfère s'exprimer en tant que simple citoyenne qui veut dénoncer la dictature dans son pays.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">"En tant que journaliste et écrivaine", explique Mme Yazbeck, "j'ai une vision de l'avenir de la Syrie et, après une période de simple observation du mouvement de contestation dans ses deux premiers mois, j'ai décidé de parler, d'écrire et de soutenir les manifestants pour la liberté qui subissent cette horrible répression. Je veux dénoncer toutes les violations des droits de l'homme qui sont commises en Syrie", poursuit-elle. "C'est ce qui m'a d'ailleurs poussée à rejoindre les 'organismes de coordination' des manifestations, qui font un travail admirable et qui sont devenus le véritable moteur du mouvement de contestation."<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Et Mme Yazbek d'ajouter : "Je suis une militante qui exprime l'anxiété et les soucis des femmes de mon pays désormais engagées dans la lutte politique [contre le régime de Bachar El-Assad]. Je voulais jusqu'ici rester loin de la politique, mais je n'ai pu supporter les horreurs commises autour de moi, en me basant sur le principe que le peuple a toujours raison." "On a voulu me terroriser en me forçant à visiter les geôles pour y voir les horreurs, les conséquences de la torture sur les manifestants arrêtés", ajoute-t-elle, expliquant par ailleurs qu'elle a pu quitter le pays "parce qu'ils avaient autre chose à faire"...<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour Samar Yazbek, son rôle dans la Syrie post-Assad ne changera pas. Elle veut continuer à exercer son métier de journaliste, tout en se consacrant à l'écriture d'ouvrages. La militante rescapée a annoncé que ses prochains écrits seront inspirés de la "descente aux enfers" qui lui a été imposée, démentant, en réponse à une de nos questions, que les femmes syriennes auraient été moins présentes que les hommes dans les mouvements de masse. "Les femmes, a-t-elle expliqué, ont été et demeurent plus efficaces que les hommes, notamment dans les domaines de la logistique, de la communication et du renseignement. Elles ne peuvent descendre en masse dans les rues des grandes villes où seuls les hommes se trouvent en première ligne."<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quant aux divergences et au manque de cohésion dans les rangs de l'opposition syrienne, Samar Yazbek a reconnu ces faits, estimant que cela pourrait effectivement mener à l'anarchie, comme il arrive à la suite de l'effondrement des dictatures. "Mais après ces tragiques développements, le peuple syrien est parfaitement apte à éviter le chaos et surtout la guerre interconfessionnelle qu'on nous annonce. Toutes les communautés sont engagées dans cette lutte pour la libération de la Syrie, et une guerre civile confessionnelle est chose impossible chez nous", affirme-t-elle tout en assurant que le mouvement de révolte auquel on assiste aujourd'hui est essentiellement laïc et que les chrétiens de Syrie y participent, contrairement à ce que laissent entendre les autorités du pays.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">"Les chrétiens sont particulièrement actifs dans les coordinations implantées dans les grandes villes et en province", indique Mme Yazbek. "En nommant un nouveau ministre de la Défense de confession chrétienne – le général Rajah Daoud –, le régime veut impliquer les chrétiens dans le combat pour faire assumer au commandement militaire la responsabilité de ce qu'il qualifiera plus tard de massacre des sunnites...", précise la journaliste qui ne cesse d'insister sur le caractère multiconfessionnel des 'organismes de coordination'. "Ces organismes, dit-elle, symbolisent le partage équitable des responsabilités dans un mouvement à caractère populaire et national qui a besoin de la participation du peuple syrien tout entier." En conclusion, Samar Yazbek lance un message à ses compatriotes : "N'ayez pas peur car vous affrontez la mort avec courage, et c'est ainsi que notre peuple vaincra."<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-54017048908657655932012-02-05T16:55:00.000+01:002012-02-05T16:55:26.616+01:00Le rôle de l'intellectuel radical - quelques réflexions personnelles<div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh5h9g_3b8eylFXDJvCEtr5tGc0oGUpdu94Yva7utTwE6wuqbhlf2RUxzVCvB2ecEtkbsSeYkVZd42gDopsKf1c_Z4l4SDpYbT6CIIfzV7eieGarzm3Vlp4_ot4gGojKpF1u-w1ZsdmJ6s/s1600/Noam-Chomsky.gif" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh5h9g_3b8eylFXDJvCEtr5tGc0oGUpdu94Yva7utTwE6wuqbhlf2RUxzVCvB2ecEtkbsSeYkVZd42gDopsKf1c_Z4l4SDpYbT6CIIfzV7eieGarzm3Vlp4_ot4gGojKpF1u-w1ZsdmJ6s/s400/Noam-Chomsky.gif" width="311" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Le rôle de l'intellectuel radical - quelques réflexions personnelles<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Noam Chomsky<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je n’ai pas besoin de dire combien je suis ravi et reconnaissant pour cet honneur, qui offre également l’occasion de jeter un regard sur les années passées. Ce qui me vient à l’esprit le plus nettement ce sont les dernières années, peut-être parce-que j’y ai beaucoup pensé ces derniers temps, pour d’autres raisons. Elles ont été, bien-sûr, des années très formatrices pour moi personnellement, mais je crois que leur importance va malheureusement bien au-delà.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je suis juste assez vieux pour avoir des souvenirs des discours d’Hitler à la radio il y a 75 ans. Je ne comprenais pas les mots, mais je pouvais facilement saisir la menace du ton et les acclamations de la foule. J’ai écrit mon premier article politique en février 1939, juste après la chute de Barcelone. Je suis sûr qu’il n’avait rien de mémorable. Je m’en souviens beaucoup moins que de l’ambiance de peur et d'appréhension qui régnait. L’article commençait avec ces mots : “L’Autriche tombe, la Tchécoslovaquie tombe, et maintenant Barcelone tombe” – et l’Espagne avec, quelques mois après. Les mots me sont toujours restés à l’esprit, tout comme l’angoisse, la perception des nuages sombres du fascisme se rassemblant sur l’Allemagne, puis l’Europe et peut-être au-delà, une force grandissante d'une inimaginable horreur. Bien que personne ne pouvait prévoir la Shoah ("Holocauste"), la Nuit de Cristal (“Kristallnacht”) avait eu lieu juste quelques semaines auparavant et la fuite désespérée des réfugiés s’était accentuée au fil des ans, beaucoup d’entre eux incapables de croire ce qui était en train de se passer.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Au cours de ces années j’avais également eu ma première expérience avec des intellectuels radicaux – bien qu’ils ne seraient pas appelés “intellectuels” selon la définition standard, qui s’applique à des gens avec statut et privilège qui bénéficient d’une position leur permettant d’atteindre le public avec leurs réflexions sur les affaires humaines et leurs préoccupations. Et puisque le privilège confère une responsabilité, la question qui se pose toujours est de savoir comment utilisent-ils cette responsabilité sujets très vivants durant ces années à travers les travaux d’Erich Fromm, Russell et Dewey, Orwell, Dwight </span></b><b> </b><b><span style="font-family: Arial;">MacDonald, et d’autres que j’allais connaître bientôt. Mais les intellectuels radicaux de mon enfance étaient différents. C’étaient des personnes de ma famille, des travailleurs, à New York, pour la plupart au chômage pendant la dépression, bien qu’un oncle, qui était handicapé, avait un kiosque à journaux grâce aux mesures du New Deal et pouvait ainsi soutenir une grosse partie de la famille. Mes parents pouvaient aussi aider, à plus petite échelle. En tant que professeurs d'hébreu à Philadelphie, ils avaient cette chance rare de travailler, donc nous avions un flot constant de tantes et de cousins qui vivaient avec nous périodiquement.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les membres de ma famille de New York avaient une éducation scolaire limitée. Mon oncle, qui s’occupait du kiosque à journaux et qui a eu une énorme influence sur ma jeunesse, n’était pas allé au delà du CM1 (“fourth grade”). Mais ce fut l’un des cercles intellectuels les plus vivants dont j’ai pu faire partie, au moins en périphérie en tant qu’enfant. Il y avait des discussions sans fin à propos de la dernière représentation du Quatuor à Cordes de Budapest, les polémiques entre Stekel et Freud, les politiques radicales et l’activisme, qui atteignait alors des sommets impressionnants. Les sit-in étaient particulièrement importants, juste une étape avant la reprise des usines par les travailleurs et le changement radical de la société – des idées qui devraient être très vivantes aujourd’hui.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Tout en étant un facteur majeur des mesures du New Deal, l’activisme grandissant des travailleurs a fait naître une forte inquiétude dans le monde des affaires. Ses personnalités éminentes mettaient en garde contre “le risque auquel font face les industriels avec le soulèvement politique des masses,” et insistaient sur le besoin d’intensifier “l’éternelle bataille pour gagner l’esprit des hommes,” et d’instituer des programmes afin de venir à bout de cette menace à l’ordre et à la discipline, mis de côté pendant la guerre, mais repris ensuite avec un dévouement et une ampleur extrêmes. Les États-Unis se démarquent particulièrement des autres sociétés industrielles par l’existence d’une communauté d’affaires hautement consciente des différences de classes, combattant sans relâche dans une cruelle guerre de classes, avec des niveaux extraordinaires de violence durant dans les années précédentes, et plus récemment au travers d’offensives de propagande de masse.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Certains de mes parents étaient proches du Parti Communiste, d’autres étaient profondément anti-communiste et de gauche ; et certains, comme mon oncle, étaient anti-Bolchevique et bien plus à gauche. Parmi ceux proches du parti, alors qu’il y avait une obéissance rituelle à la Russie, j’avais le sentiment que l’essentiel du débat c’étaient les droits civiques et le mouvement de travailleurs, la réforme du système de protection sociale et un vrai désir de changement social. Le parti était une force qui n’anticipait pas de victoires rapides, mais qui était toujours présent, prêt, persévérant, dévoué à initier une nouvelle lutte après une défaite provisoire, quelque chose qu’il nous manque vraiment de nos jours. Le parti était aussi lié à un mouvement plus large d’éducation des travailleurs et d’associations et, de façon non négligeable, c’était une opportunité pour mes tantes couturières au chômage de passer une semaine à la campagne dans un camps de l’ILGWU (International Ladies' Garment Workers' Union) ou faire d’autres sorties pour échapper à ce qui aurait dû être une sinistre réalité, bien que je m’en souvienne depuis ma propre expérience personnelle – qui a bien-sûr ses limites – comme une époque qui était pleine d’espoir, bien au contraire d’aujourd’hui où les conditions sont de fait bien moins terribles.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En 1941, je passais autant de temps que je pouvais dans le centre de Manhattan, gravitant autour d’un autre groupe d’intellectuels radicaux dans les petites librairies sur la 4ème Avenue tenues par des réfugiés anarchistes de la révolution espagnole de 1936, ou au bureau du journal anarchiste Freie </span></b><b> </b><b><span style="font-family: Arial;">Arbeiter Stimme (“La Voix du travailleur libre”) près d’Union Square. Eux aussi ne correspondaient pas à la formule standard définissant les intellectuels. Mais si par ce terme on veut décrire des gens qui réfléchissent sérieusement à la vie et à la société, à leurs problèmes et les solutions possibles, sur un arrière plan de savoir et de compréhension, alors c’étaient en effet des intellectuels, et plutôt impressionnants. Ils étaient assez contents de passer du temps avec un gamin qui était fasciné par la révolution anarchiste de 1936, que je pensais alors, et que je pense toujours, avoir été l’un des sommets de la civilisation occidentale et quelque part un repère pour un avenir meilleur. J’ai recueilli beaucoup de documents que j’ai utilisés 30 ans plus tard quand j’écrivais sur le sujet, pour la plupart non publiés à l’époque.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Parmi ces archives remarquables, il y avait un recueil de documents traitant de la collectivisation, publié en 1937 par la CNT (“Confederación nacional del trabajo”) le syndicat anarchosyndicaliste qui célèbre son centenaire cette année (1910-2010). Il est une contribution qui me reste à l’esprit depuis, faite par des paysans du village de Membrilla. Je voudrais la citer en partie :<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">Dans les misérables huttes de Membrilla vivent les pauvres habitants d’une pauvre province ; huit mille personnes, mais les rues ne sont pas pavées, la ville n’a pas de journaux, pas de cinéma, ni même un café ou une librairie… La nourriture, les habits et les outils étaient distribués équitablement à la population entière. L’argent était aboli, le travail collectivisé, tous les biens passaient par la communauté, la consommation était socialisée. Ce n’était néanmoins pas la richesse qui était socialisée mais la pauvreté… La population entière vivait intégrée dans de grandes familles ; les fonctionnaires, les délégués, les secrétaires des syndicats, les membres du conseil municipal, tous élus, agissaient comme des chefs de famille. Mais ils étaient contrôlés, parce-que les privilèges ou la corruption n’étaient pas tolérés. Membrilla est peut-être le village le plus pauvre d’Espagne mais c’est le plus juste.<o:p></o:p></span></i></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ces mots, prononcés par un des plus pauvres paysans du pays, capte avec une rare éloquence les réalisations et les promesses de la révolution anarchiste. Les réalisations ne sont pas sorties de nulle part bien-sûr. C’était le résultat de plusieurs décennies de lutte, d’expérience, de répression brutale – et d’apprentissage. Le concept de savoir comment une société juste devrait être organisée était dans l’esprit de la population quand l’opportunité est arrivée. L’expérience de la création d’un monde de liberté et de justice a été écrasée bien trop tôt par les forces combinées du fascisme, du Stalinisme et de la démocratie libérale. Les centres majeurs de pouvoir avaient très bien compris qu’ils devaient s’unir afin de détruire cette menace dangereuse à la subordination et à la discipline avant de se tourner vers la tâche secondaire de démembrer les restes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Des années plus tard, j’ai pu parfois assister en première ligne à la vie de gens pauvres endurant une répression brutale et de la violence – dans les bidonvilles misérables de Haïti au sommet de la terreur dans le milieu des années 90, soutenue par Washington, bien que les faits soient toujours étouffés et hautement pertinents au regard des tragédies actuelles. Ou dans les camps de réfugiés au Laos, où des dizaines de milliers de gens étaient regroupés, jetés de leurs maisons par une armée de mercenaires de la CIA après des années à essayer de survivre dans des grottes sous un bombardement acharné qui n’avait rien à voir avec la guerre au Viêt Nam, une des plus graves atrocités de l’histoire moderne, encore largement inconnue et tuant toujours beaucoup de gens à cause d’un territoire saturé de munitions non-explosées. Ou en Palestine et en Turquie du sud-est et beaucoup d’autres endroits. Parmi ceux-là, la Colombie du sud est particulièrement importante à mes yeux pour des raisons personnelles, où des “campesinos” (ouvriers agricoles), des indigènes et des Afro-Colombiens sont expulsés de leurs terres dévastées par la terreur et la guerre chimique, appelée ici “fumigation”, comme si d’une certaine façon nous avions le droit de détruire d’autres pays sous des prétextes que nous fabriquons – des gens capables d’une sympathie et d’une humanité miraculeuses, malgré une souffrance atroce pour laquelle nous jouons un rôle majeur, pendant que nous regardons dans une autre direction – pas à Madison cependant, grâce au travail du groupe de soutien de la Colombie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une des choses que j’avais apprise dans les librairies et les bureaux anarchistes il y a 70 ans c’était que j’avais eu tort de croire que la chute de Barcelone en 1939 avait sonné la mort de la liberté en Espagne. Cela avait eu lieu deux ans auparavant, en mai 1937, quand la classe ouvrière industrielle avait été écrasée par la répression menée par les Communistes et les armées Communistes à travers toute la campagne détruisant les collectivités, avec l'aide des démocraties libérales et avec Hitler et Mussolini attendant en coulisse – une immense tragédie pour l’Espagne, même si cela n’a pas été la victoire que les prédateurs avaient anticipée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Quelques années après, je suis parti de la maison pour faire mes études à Harvard, où j’ai eu ma première expérience avec l’élite du monde intellectuel. En arrivant, je suis allé à la traditionnelle réception organisée par les professeurs pour les nouveaux étudiants et je suis tombé sur un philosophe éminent qui m’affirmait que la Dépression n’avait pas eu lieu. C’était une fabrication des libéraux. Il n’y avait pas eu de mendiants frappant en désespoir à nos portes au début des années 30, pas de femmes ouvrières battues par les forces de sécurité au cours d’une grève dans une usine de textile devant laquelle je passais en tramway avec ma mère à l’âge de cinq ans environ, mes parents de la classe ouvrière au chômage n’avaient pas existé non plus. Quelques hommes d’affaire avaient peut-être souffert, mais rien de plus que ça.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">J’ai appris ensuite que cela était loin d’être une exception, mais je ne veux pas suggérer que c’était typique des intellectuels de Harvard. La plupart étaient des libéraux du type Stevenson, des gens qui applaudissaient quand Stevenson disait aux Nations Unies que nous devions défendre le Viêt Nam contre une “agression interne”, un “assaut de l’intérieur”, comme le Président Kennedy le disait. Ce sont des phrases qu’on entend encore aujourd’hui, par exemple, dimanche dernier, dans le New York Times, où on lisait qu’après la conquête de Marja dans la province d’Helmand, les Marines s’étaient heurtés à une identité Talibane si dominante que le mouvement ressemble plus à la seule organisation politique dans une ville à parti unique, avec une influence qui touche tout le monde. “Nous devons réévaluer notre définition du mot 'ennemi’” a dit Brig. Gen. Larry Nicholson, commandant de la brigade expéditionnaire de Marines dans la Province de Helmand. “La plupart des gens s’identifient comme Talibans… Nous devons réajuster notre façon de penser de manière à ce que nous n’essayions pas de chasser les Talibans de Marja, mais que nous essayions de chasser l’ennemi,” a-t-il dit.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il est un problème qui a toujours tourmenté les conquérants, et qui est très familier aux États-Unis pendant la guerre du Viêt Nam, où l’éminent spécialiste du gouvernement des États-Unis, dans un ouvrage encensé de part et d’autre, déplorait que l’ennemi de l’intérieur était le seul “véritable parti politique de masse au Sud-Viêt Nam” et que tous nos efforts pour rentrer politiquement en compétition seraient perdus d’avances, donc nous devions vaincre cette force politique en utilisant notre avantage comparatif, la violence – ce que nous avons fait. D’autres ont dû faire face à des problèmes similaires : par exemple, les Russes en Afghanistan dans les années 80, une invasion qui a aussi provoqué le scandale que nous provoquons pour les crimes de nos ennemis. Le spécialiste du Moyen-Orient William Polk nous rappelle que les Russes “ont gagné de nombreuses victoires et au travers de leurs programmes d’action civique ils ont pu conquérir de nombreux villages” – et en fait, comme nous le savons de source fiable, ils ont créé une paix substantielle à Kaboul, particulièrement pour les femmes. Mais, pour continuer avec Polk, “tout au long de leur décennie d’engagement, les Russes ont gagné presque toutes les batailles et ont littéralement occupé à un point ou à un autre le moindre centimètre du pays, mais ils ont perdu… la guerre. Quand ils ont abandonné et sont partis, les Afghans ont repris leur mode de vie traditionnel.”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Les dilemmes auxquels font face Obama et McChrystal ne sont pas vraiment les mêmes. Les ennemis que les Marines essayent de chasser de leurs villages n’ont quasiment aucun soutien de l’extérieur. Les envahisseurs Russes, de façon très différente, faisaient face à une résistance qui recevaient le soutien vital des États-Unis, de l’Arabie Saoudite et du Pakistan, qui enrôlaient les fondamentalistes Islamiques radicaux les plus extrêmes qu’ils pouvaient trouver – incluant ceux qui terrorisaient les femmes à Kaboul – et les armaient avec des armes perfectionnées, tout en faisant avancer le programme d'islamisation radicale du Pakistan, encore un des cadeaux de Reagan au monde, comme les armes nucléaires du Pakistan. Le but de ces opérations américaines n’était pas de défendre l’Afghanistan. Cela a été clairement expliqué par le chef de la CIA à Islamabad, qui s’occupait des opérations. Le but était de “tuer des soldats Russes.” Il se vantait qu’il “aimait” ce “noble objectif,” rendant très clair, selon ses mots, que “la mission n’était pas de libérer l’Afghanistan,” qui ne nous intéressait pas en soi. Je suis sûr que vous connaissez les vantardises du même acabit proférées par Zbigniew Brzezinski.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Au début des années 60, j’étais fortement impliqué dans des activités anti-guerre. Je ne rentrerai pas dans les détails, bien qu’ils nous en disent beaucoup sur le climat intellectuel, notamment dans le monde libéral de Boston. En 1966, mon propre engagement était suffisamment important pour que ma femme retourne à l’université afin d’obtenir un diplôme supérieur 17 ans plus tard à cause de la probabilité d’une longue peine de prison – que j'ai évitée de justesse. Le jugement avait déjà été annoncé, mais annulé après l’offensive du Têt, qui avait convaincu le monde du business que la guerre devenait trop coûteuse et, de toute façon, que les objectifs majeurs de la guerre avaient été atteints – une autre histoire que je ne développerai pas. Après l’offensive du Têt et le changement dans la politique officielle, il se trouvait soudainement que tout le monde avait été un opposant de la première heure à la guerre – dans un profond silence. Les biographes de Kennedy ont réécrit leurs comptes-rendus afin de présenter leur héros comme une colombe – absolument pas dérangés par les révisions radicales ou par la multitude de documents et de preuves démontrant que JFK envisageait un retrait d’une guerre qu’il savait impopulaire à l’intérieur du pays, seulement après qu’une victoire eût été assurée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Même après l’offensive du Têt, les doutes allaient croissant dans ces cercles, non pas à propos des notions sentimentales de bien et de mal que nous réservons pour les crimes des ennemis, mais au sujet des chances de succès de repousser l’”assaut de l’intérieur”. Un paradigme pourrait être représenté par les réflexions d'Arthur Schlesinger lorsqu’il commençait à être préoccupé par le fait que la victoire ne soit finalement pas à portée de main. Comme il le dit, “nous prions tous” pour que les faucons aient raison et que la montée en puissance militaire apporte la victoire. Et si c’est le cas, nous honorerons la “sagesse et la qualité du pouvoir étatique” du gouvernement des États-Unis dans la victoire militaire, tout en laissant “le pays tragiquement ravagé et dévasté par les bombes, brûlé par le napalm, transformé en une terre à l’abandon par la défoliation chimique, une terre de ruines et de carcasses,” avec ses “structures politiques et institutionnelles” pulvérisées. Mais l’escalade militaire ne réussira probablement pas et se montrera trop coûteuse pour nous-mêmes, donc peut-être que la stratégie devrait être repensée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Très peu de choses ont changé aujourd’hui quand Obama est salué comme un opposant de premier plan à l’invasion de l’Irak parce-que c’était une “erreur stratégique”, des mots qu’on aurait également pu lire dans la Pravda dans le milieu des années 80. La mentalité impériale est profondément ancrée.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est triste à dire, mais pas faux, qu’au sein du spectre dominant les impérialistes libéraux sont “les gentils.” Une probable alternative est révélée par les plus récents sondages. Presque la moitié des votants disent que leurs opinions sont en moyenne plus proches du “Tea Party” que du président Obama, qu’une minorité préfère. Il y a une cassure intéressante. Quatre-vingt sept pour cent des membres de la soi-disant “Classe Politique” disent que leurs opinions sont plus proches de celles d’Obama. Soixante-trois pour cent de ce qu’on appelle “les Américains Moyens” disent que leurs opinions sont plus proches du “Tea Party”. Sur quasiment tous les problèmes, les électeurs font plus confiance aux Républicains qu’aux Démocrates, et ceci significativement. Une autre évidence c’est que ces sondages révèlent un déni de confiance plutôt qu’une marque de confiance. Le niveau de colère et de peur dans le pays n’est en rien comparable à ce dont je peux me souvenir dans ma vie entière. Et depuis que les Démocrates sont au pouvoir, le dégoût envers le monde social-économique-politique se rapporte à eux.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Malheureusement, ces attitudes sont compréhensibles. Pendant 30 ans, les revenus moyens ont stagné ou décliné pour la majorité de la population, les indicateurs sociaux se sont progressivement détériorés depuis le milieu des années 70 après avoir suivi de près la croissance durant les années précédentes, les heures de travail et la précarité ont augmenté avec l’endettement. La richesse s’est accumulée, mais dans très peu de poches, menant à une inégalité probablement record. Tout ceci est, en grande partie, la conséquence de la financiarisation de l’économie depuis les années 70 et de l’effondrement de la production intérieure. Ce que les gens voient se dérouler sous leurs yeux, c’est que les banquiers qui sont les premiers responsables de la crise actuelle et qui ont été sauvés de la banqueroute par l’argent public se réjouissent maintenant de profits records et d’énormes bonus, pendant que le chômage officiel reste à environ 10 pour cent et que dans l’industrie de la manufacture il atteint des niveaux de dépression, de 1 chômeur pour 6 actifs, avec de fortes probabilités de non-retour à un bon emploi. Les gens ont raison de demander des réponses et ils n’en obtiennent pas, sauf de la part de ceux qui racontent des fables qui ont une certaine cohérence interne, mais seulement si vous mettez de côté votre scepticisme et entrez dans leur monde d’irrationalité et de malhonnêteté. Tourner en ridicule les manigances du “Tea Party” est une grave erreur, je pense. Il serait bien plus pertinent de comprendre ce qu’il y a derrière elles et de se demander pourquoi des gens légitimement en colère sont mobilisés par l’extrême droite et non pas par des forces telles que celles qui faisaient ce travail dans ma jeunesse, au temps de la formation du CIO [“Congress of Industrial Organizations” – fédération de syndicats créée dans les années 30] et d’autres formes constructives d’activisme.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour prendre juste un exemple du fonctionnement réel de la démocratie des marchés, les institutions financières qui étaient le soutien majeur d’Obama, sont devenue si dominantes que leurs profits dans l’économie, représentant quelques pour-cent dans les années 70, atteignent aujourd’hui presque le tiers. Ils ont préféré Obama à McCain et ont ainsi acheté l'élection pour lui. Ils s’attendaient à être récompensés et ils l’ont été. Mais il y a quelques mois, en réagissant à la montée du mécontentement de la population, Obama a commencé à critiquer les “banquiers avares” qui avaient été sauvés par les forces publiques et a même proposé des mesures contraignantes. Cet écart a été puni très rapidement. Les grandes banques ont clairement annoncé qu’elles détourneraient leurs aides financières vers les Républicains si Obama s’obstinait dans sa rhétorique insultante.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Obama a entendu le message. En quelques jours, il a informé la presse des affaires que les banquiers sont des “types” biens. Il a rendu un hommage appuyé aux présidents de deux institutions importantes bénéficiaires des largesses publiques, JP Morgan Chase et Goldman Sachs et a garanti au monde des affaires que “comme la majorité des américains, je ne dénigre pas la réussite ou la richesse des gens” – telles que les bonus et les profits qui exaspèrent la population. “Cela fait parti du système du marché libre,” a continué Obama, de façon assez juste en somme, puisque le concept de “marché libre” est interprété dans la doctrine du capitalisme d'État.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ceci ne devrait pas être une grande surprise. Cet incorrigible radical Adam Smith, en parlant de l’Angleterre, observait que les principaux architectes du pouvoir étaient les propriétaires de la société, les marchands et les fabricants à son époque, et qu’ils s’assuraient que les politiques servaient scrupuleusement leurs intérêts, quelle que soit la “souffrance” infligée au peuple d’Angleterre, et, pire, aux victimes de “l’injustice sauvage des Européens” à l’étranger. Les crimes britanniques en Inde étaient une préoccupation majeure d’un conservateur bien-pensant avec des valeurs morales, une catégorie que Diogène pourrait chercher de nos jours.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une version moderne et plus sophistiquée de la maxime de Smith est “la théorie de l’investissement en politique” ("investment theory of politics"), de l’économiste politique Thomas Ferguson, qui considère les élections comme des occasions pour des groupes d’investisseurs de se rassembler pour le contrôle de l'État en sélectionnant les architectes des politiques qui serviront leurs intérêts. Il se trouve qu’il s’agit d’un très bon indice pour prédire les politiques sur de longues périodes. Cela ne devrait pas être surprenant. Les concentrations du pouvoir économique chercheront naturellement à étendre leur influence sur tout processus politique. C’est extrêmement développé aux États-Unis, comme je l’ai mentionné.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il y a ces jours-ci des discussions très animées pour savoir si, ou à quel moment, les États-Unis céderont leur position dominante dans les affaires à la Chine et à l’Inde, les puissances mondiales montantes. Il y a une part de vérité dans ses lamentations. Mais à part des idées fausses au sujet de la dette, des déficits et de l’état actuel de la Chine et de l’Inde, les débats se basent sur une sérieuse erreur de jugement à propos de la nature du pouvoir et de son exercice. Et dans les travaux académiques et les discours publics, il est courant de considérer que les acteurs des affaires internationales sont des États en quête d’un objectif mystérieux appelé “intérêt national”, indépendants de la distribution interne du pouvoir. Adam Smith avait un regard plus aiguisé et son truisme radical fournit un rectificatif très utile. En le gardant en tête, on peut voir qu’il y a en effet un déplacement global du pouvoir, mais pas celui qui occupe le devant de la scène: un déplacement plus poussé de la force de travail vers le capital transnational, s’intensifiant brusquement durant les années néolibérales. Le coût est considérable, incluant les travailleurs aux États-Unis, des paysans affamés en Inde et des millions de travailleurs protestataires en Chine, où la part du travail dans le revenu national décline encore plus rapidement que dans la plupart des autres pays du monde.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’économiste politique Martin Hart-Landsberg observe que la Chine joue en effet un rôle essentiel dans le déplacement global réel du pouvoir, en étant largement devenue une usine d’assemblage pour un système de production régionale. Le Japon, Taïwan et d’autres économies avancées d’Asie exportent des pièces détachées et des composants vers la Chine et fournissent la majeure partie de la technologie de pointe. La force de travail chinoise l’assemble et l’exporte. Par exemple, une étude de la “Sloan Foundation” a estimé que pour un iPod de 150 dollars exporté à partir de la Chine, environ 3 pour cent de sa valeur est ajoutée en Chine, mais cela est tout de même considéré comme une exportation chinoise. Une grande préoccupation est apparue au sujet de la hausse du déficit commercial des États-Unis avec la Chine, mais on remarque moins que le déficit commercial avec le Japon et le reste de l’Asie a fortement diminué, alors que le nouveau système de production régionale se met en place. Un communiqué du Wall Street Journal concluait que si la valeur ajoutée est correctement calculée, le véritable déficit commercial entre les États-Unis et la Chine se réduirait de 30 pour cent, alors que le déficit commercial des États-Unis avec le Japon augmenterait de 25 pour cent. Les fabricants américains suivent la même logique, ils fournissent des pièces détachées et des composants à la Chine pour qu’elle les assemble et les exporte, de retour vers les Etats-Unis pour la plupart. Pour les institutions financières, les géants de la grande distribution, les propriétaires et les équipes dirigeantes des industries manufacturières et les secteurs étroitement liés à ce réseau de pouvoir, tout ceci est divin. Pas pour les travailleurs Américains, mais comme Smith le faisait remarquer, leur destin n’est pas la préoccupation des “principaux architectes de la politique”.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est vrai qu’il n’y a rien de fondamentalement nouveau dans le processus de dés-industrialisation. Les propriétaires et les directeurs recherchent naturellement les coûts de main d'œuvre les plus bas ; les efforts pour faire autrement, de façon célèbre par Henry Ford, ayant été anéantis par les tribunaux, c’est désormais une obligation légale. Un moyen est le déplacement de la production. Auparavant, le déplacement était essentiellement interne, surtout vers les états du sud, où la main d'œuvre pouvait être durement réprimée. Les plus grosses sociétés, comme l’”US steel corporation” du philanthrope vénéré Andrew Carnegie, pouvaient aussi profiter de la nouvelle force de travail-esclave créée par la criminalisation des noirs après la fin de la reconstruction en 1877, une pièce maîtresse de la révolution industrielle Américaine, qui continua jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Cela a été reproduit en partie pendant la récente période néolibérale, avec la guerre contre la drogue utilisée comme un prétexte pour ramener la population superflue, majoritairement noire, dans les prisons, et en fournissant également une nouvelle source de main d'œuvre carcérale dans les prisons d’état ou privées, pour l’essentiel en violation des conventions internationales du travail. Pour beaucoup d'afro-Américains, puisqu’ils ont été exportés dans les colonies, la vie n’a pratiquement jamais quitté l’étau de l’esclavagisme, ou parfois pire. Plus récemment, le déplacement se fait majoritairement à l’étranger.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Pour en revenir aux accusations contre les “banquiers avares”, pour être juste, nous devrions admettre qu’ils ont une défense valable. Leur tâche est de maximiser les profits et les parts de marché ; en fait, c’est leur obligation légale. S’ils ne le font pas, ils seront remplacés par quelqu’un qui le fera. Ce sont des faits institutionnels, comme le sont les inefficacités inhérentes des marchés qui leur demandent d’ignorer le risque systémique : la probabilité que les transactions qu’ils effectuent vont faire du mal à l’économie en général. Ils savent très bien que ces politiques vont probablement asphyxier l’économie, mais ces externalités, comme on les appelle, ce ne sont pas leurs affaires, et elles ne peuvent pas l’être, non pas parce-que ce sont des gens méchants, mais pour des raisons institutionnelles. Il est également injuste de les accuser d’”exubérance irrationnelle,” pour emprunter à Allan Greenspan sa brève reconnaissance des réalités pendant le boom technologique artificiel de la fin des années 90. Leur exubérance et la prise de risque était plutôt rationnelle, lorsque l’on sait que quand tout s’écroule, ils ont la possibilité de se réfugier à l’abri de l’état-nounou, tout en se cramponnant à leurs copies d’Hayek, Friedman et Rand. La politique d’assurance du gouvernement est l’un des nombreux encouragements qui amplifient les inefficacités inhérentes du marché.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En résumé, ignorer le risque systémique est une propriété institutionnelle inhérente et les encouragements pervers sont une application de la maxime de Smith. Encore une fois, rien de très nouveau.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A la suite du dernier désastre, des économistes importants ont accepté l’idée qu’un “consensus émergent” s’était développé sur la base d’une “nécessité d’une supervision macro-prudentielle” des marchés financiers, c’est à dire “prêter attention à la stabilité du système financier comme un tout et pas juste par ses composantes individuelles” (Barry Eichengreen, un des analystes et historiens les plus respectés du système financier). Deux éminents économistes internationaux rajoutent ceci, “il y a une reconnaissance croissante que notre système financier court à sa perte. A chaque fois qu’il chute, nous comptons sur des rentrées d’argent et des politiques fiscales laxistes pour le sauver. Cette réponse enseigne ceci au secteur financier : prenez des paris insensés pour être grassement payés et ne vous occupez pas des coûts – ils seront pris en charge par les contribuables au travers de sauvetages et autres méthodes et le système financier “sera ainsi ressuscité pour, à nouveau, parier – et encore échouer.” Le système est un “cercle vicieux,” selon les paroles de l’officiel de la Banque d’Angleterre, responsable de la stabilité financière.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">D’une façon générale, la même logique s’applique ailleurs. Il y a un an, le monde des affaires a admis que les compagnies d’assurance et l’industrie pharmaceutique, au plus grand mépris du public, réussira ou plutôt a réussi à détruire la possibilité d’une réforme significative du système de santé – un sujet sérieux, pas seulement pour les gens qui souffrent du système de santé dysfonctionnel, mais également pour des raisons économiques précises. A peu près la moitié du déficit sur lequel on nous dit de nous lamenter est attribuable à des dépenses militaires sans précédents, en hausse sous Obama, et la plupart du reste aux coûts croissants d’un système de santé privatisé virtuellement non régulé, unique dans le monde industriel, unique aussi pour ses cadeaux aux compagnies pharmaceutiques – un système auquel un bon 85 pour-cent de la population est opposé. En août dernier, la couverture de Business Week célébrait la victoire de l’industrie des assurances santé. Bien-sûr, il n’y pas de victoire suffisante, donc ils ont poursuivi la lutte, gagnant plus, toujours contre la volonté d’une large majorité du public, une autre histoire intéressante que je dois mettre de côté.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En observant cette victoire, l’American Petroleum Institute, soutenu par la Chambre du Commerce et les autres grands lobbies, ont annoncé qu’ils utiliseraient le modèle des campagnes de l’industrie de la santé pour intensifier leurs efforts massifs de propagande afin de convaincre le public de mettre de côté leurs préoccupations à propos du réchauffement climatique anthropogénique. Cela a été réalisé avec grand succès ; ceux qui croient en ce canular libéral se sont réduits à à peine un tiers de la population. Les dirigeants qui se dédient à cette tâche savent aussi bien que le reste d’entre nous que le canular libéral est vrai et que les perspectives sont moroses. Mais ils remplissent leur rôle institutionnel. Le destin de l’espèce est une externalité qu’ils doivent ignorer, dans la mesure où les systèmes de marchés dominent.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Une des plus claires et émouvantes manifestations de l’humeur du public que j’ai vues a été écrite par Joseph Andrew Stack, qui a écrasé sont petit avion dans un immeuble de bureaux à Austin, Texas, il y a quelques semaines, en se suicidant. Il a laissé un manifeste expliquant ses actions. Cela a été surtout tourné en ridicule, mais mérite bien mieux, je pense.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le manifeste de Stack retrace l’histoire d’une vie qui l’a mené à cet acte désespéré. L’histoire débute quand il était étudiant adolescent, avec trois fois rien pour vivre à Harrisburg, PA (Pennsylvanie), près du cœur de ce qui avait été un grand centre industriel. Sa voisine était une femme de plus de 80 ans, survivant grâce à de la nourriture pour chat, la veuve d’un travailleur métallurgiste retraité. Son mari avait travaillé toute sa vie dans les aciéries du centre de la Pennsylvanie avec des promesses du monde des affaires et du syndicat que, pour ses 30 années de service, il toucherait une pension et des soins médicaux à sa retraite. A la place, il a fait parti des milliers de personnes qui n’ont rien eu parce-que l’équipe dirigeante incompétente de l’aciérie et le syndicat corrompu (sans parler du gouvernement) ont raflé leurs fonds de pensions et ont volé leur retraites. “Tout ce qu’elle avait pour vivre c’était la sécurité sociale” (Citation) ; et Stack aurait pu ajouter qu’il y a eu des efforts continus et concertés par les super riches et leurs alliés politiques pour que même cela soit retiré par des moyens frauduleux. Stack décida alors qu’il ne pouvait pas faire confiance au milieu des affaires et qu’il deviendrait indépendant, seulement pour découvrir qu’il ne pouvait pas faire confiance à un gouvernement qui ne se préoccupait absolument pas des gens comme lui mais uniquement des riches et des privilégiés, ou d’un système légal dans lequel, selon ses mots, “il y a deux ‘interprétations’ pour chaque loi, une pour les très riches et une pour le reste d’entre nous.” Ou d’un gouvernement qui nous laisse avec “la plaisanterie que nous appelons le système médical Américain, incluant les compagnies pharmaceutiques et d’assurance [qui] assassinent des dizaines de milliers de gens par an,” avec des soins largement rationnés en fonction de la richesse, pas du besoin. Tout cela dans un ordre social dans lequel “une poignée de voyous et de malfrats peuvent commettre des atrocités impensables… et lorsque vient le moment ou leur poule aux œufs d’or s’écrase sous le poids de leur gloutonnerie et leur accablante stupidité, la force de l’ensemble du gouvernement fédéral n’a aucune difficulté à leur venir en aide en quelques heures, si ce n’est en quelques minutes.” Et bien plus encore.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Stack nous dit que son acte final désespéré représentait un effort pour montrer qu’il y a des gens prêts à mourir pour leur liberté, dans l’espoir de tirer les autres de leur torpeur. Cela ne me surprendrait pas s’il avait à l’esprit la mort prématurée du métallurgiste qui l’avait instruit sur le monde réel lorsqu’il était adolescent. Ce travailleur ne s’était pas véritablement suicidé après avoir été jeté au dépotoir, mais c’est loin d’être un cas isolé; on peut ajouter son cas et de nombreux autres cas similaires au coût colossal des crimes institutionnels du capitalisme d’état.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il y a des études poignantes sur l’indignation et la rage de ceux qui ont été dépouillés lorsque les programmes état-entreprise de financiarisation et de désindustrialisation ont fermé des usines et détruit des familles et des communautés. Elles révèlent le sentiment de profonde trahison éprouvé par des travailleurs qui croyaient avoir rempli leur devoir envers la société dans le cadre d’un pacte avec le monde des affaires et le gouvernement, pour découvrir qu’en fait ils avaient été instrumentalisés pour le profit et le pouvoir, des truismes dont ils ont été soigneusement protégés par les institutions doctrinales.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En lisant le manifeste de Joe Stack et de nombreux autres témoignages comme celui-ci, je me surprends à me remémorer des souvenirs d’enfance et bien plus que je ne comprenais pas à l’époque. La République de Weimar était le sommet de la civilisation occidentale dans les sciences et les arts, et aussi un modèle de démocratie. Pendant les années 1920, les partis libéraux et conservateurs traditionnels entrèrent dans une inexorable phase de déclin, bien avant que le processus ne soit accentué par la Grande Dépression. La coalition qui élut le Général Hindenburg en 1925 n’était pas très différente de la base qui a poussé Hitler au pouvoir huit ans après, obligeant l’aristocratique Hindenburg à choisir comme chancelier le “petit caporal” qu’il méprisait. En 1928, les Nazis avaient moins de 3 pour-cent des votes. Deux ans plus tard, la presse la plus respectable de Berlin se lamentait à la vue des ces millions de personnes dans ce “pays hautement civilisé” qui avaient “donné leur vote au plus commun, au plus faux, au plus vulgaire charlatanisme.” Le public était écœuré de l’incessant marchandage des politiques de Weimar, des services rendus par les partis traditionnels aux intérêts puissants et leur échec face aux réclamations du peuple. Ils étaient amenés à devenir des forces dédiées au maintien de la grandeur de la nation et à sa défense contre des menaces inventées dans un état revitalisé, armé et unifié, marchant vers un futur glorieux, mené par la figure charismatique qui mettait en œuvre “la volonté de l’éternelle Providence, le Créateur de l’univers,” comme il le clamait devant des foules hypnotisées. En mai 1933, les Nazis avaient non seulement largement détruit les partis traditionnels au pouvoir, mais aussi les énormes partis des travailleurs, les Sociaux Démocrates et les Communistes, ainsi que leurs très puissantes associations. Les Nazis déclarèrent en 1933 que le premier mai serait un jour férié pour les travailleurs, ce que les partis de gauche n’avaient jamais réussi à réaliser. De nombreux travailleurs participèrent aux immenses démonstrations patriotiques, avec plus d’un million de personnes au cœur du Berlin Rouge (“Red Berlin”), rejoignant des fermiers, des artisans, des boutiquiers, des forces paramilitaires, des organisations Chrétiennes, des clubs de sport et de tirs, et le reste de la coalition qui prenait forme alors que le centre s’effondrait. Au commencement de la guerre, 90 pour cent peut-être des Allemands marchaient en chemise verte.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Comme je l’ai mentionné, je suis juste assez vieux pour me souvenir de ces jours effrayants et menaçants lors de la chute de l’Allemagne de la décence vers le barbarisme Nazi, pour emprunter ces mots au distingué spécialiste d’histoire Allemande Fritz Stern. Il nous dit qu’il a à l’esprit l’histoire des États-Unis quand il analyse “un processus historique dans lequel le ressentiment contre un monde séculier désenchanté a trouvé une délivrance dans la fuite extatique de la déraison.”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le monde est trop complexe pour que l’histoire se répète, mais il y a cependant des leçons dont il faut se souvenir. Les tâches ne manquent pas pour ceux qui ont choisi la vocation d’intellectuel critique, quelle que soit leur situation dans la vie. Ils peuvent chercher à chasser le brouillard des illusions artificielles soigneusement construites et révéler la réalité crue. Ils peuvent s’engager directement dans des luttes populaires, aider à l’organisation des innombrables Joe Stacks qui se détruisent eux-mêmes et le monde avec peut-être, et se joindre à eux pour montrer la voie vers un avenir meilleur.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-68058066375691457922012-02-01T16:41:00.000+01:002012-02-01T16:41:50.492+01:00L'humanisme arabe à l’IVe/Xe siècle<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEidaYCZQpxJjm6zffwWZiiZ2DJi9TRWRrIJ4cn7mpF1FskjdpFwPtmv0SM223oqzegOZtyU381JppN5mKLBeakw4GMczhrBrW3GcJELg4PVdRtFq7pIokX_-C7Ox0QcuHq8Bo0Vi8pFzio/s1600/IMG_0378.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEidaYCZQpxJjm6zffwWZiiZ2DJi9TRWRrIJ4cn7mpF1FskjdpFwPtmv0SM223oqzegOZtyU381JppN5mKLBeakw4GMczhrBrW3GcJELg4PVdRtFq7pIokX_-C7Ox0QcuHq8Bo0Vi8pFzio/s400/IMG_0378.JPG" width="400" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">L'humanisme arabe à l’IVe/Xe siècle<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial;">Mohammed Arkoun</span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><i><span style="font-family: Arial;">L’IVe/Xe siècle de l'islam a été qualifié par plusieurs orientalistes, dont Louis Massignon, de siècle ismaélien de l'Islam. Ce siècle est aussi celui de la période humaniste dans le monde musulman. Mohammed Arkoun qui a longuement étudié cet humanisme [1] nous détaille, dans le texte ci-dessous, ses caractéristiques et le contexte historique qui a permis son épanouissement. D'après Mohammed Arkoun, c'est essentiellement le morcellement politique ainsi que le pluralisme et la diversité qui, en instaurant un esprit de compétition entre les différents groupes, ont permis l'émergence d'une civilisation humaniste.</span></i></b><b><span style="font-family: Arial;"><br />
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"Le lecteur reconnaîtra maintenant la légitimité historique qu’il y a à parler d’un humanisme arabe au IV/Xe siècle. A Bagdad, à Ispahan, à Shiraz, à Damas, au Caire, à Kairouan, à Mahdia, à Fès, à Cordoue, tous les intellectuels, les écrivains, les hommes de science utilisent la langue arabe pour diffuser une pensée et des savoirs qui débordent largement les limites de ce qu’on nommait les sciences religieuses par opposition aux sciences profanes dites rationnelles : al-‘ulum al-naqliyya al-diniyya vs. al-ulum al-aqliyya, dites aussi intruses, dakhila, par les opposants. L’expansion de la littérature et des savoirs profanes est assurée par la conjonction de plusieurs facteurs : politiques, économiques, social, culturel.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
</span></b><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">Politiquement</span></b><b><span style="font-family: Arial;">, une famille iranienne, les Banû Buwayh, venue du Daylam, prend le pouvoir à Bagdad en 945[2]. Le Califat censé détenir la légitimité islamique n’est maintenu que pour éviter des troubles sociaux graves ; la réalité du pouvoir est passée aux émirs Bûyides qui s’appuient sur des élites cosmopolites, multiconfessionnelles, mais unies dans l’adhésion à l’idéal philosophico-littéraire d’une sagesse éternelle (al-Hikma al-Khalida) recueillie dans de nombreuses anthologies, des œuvres encyclopédiques, des manuels pratiques où l’ "honnête homme", l’adîb vient puiser toutes les connaissances nécessaires à l’exercice de son métier (secrétaire de l’administration centrale, magistrat, conseiller des princes ou des mécènes, écrivain, poète, juriste, théologien, et surtout philosophe). Non seulement le Califat disparaît comme référence politique centralisatrice, mais les trois frères bûyides – Mu’izz al-Dawla à Bagdad, Rukn al-Dawla à Rayy, Mu’ayyad al-Dawla à Shiraz – décentralisent le pouvoir et favorisent la compétition intellectuelle, le pluralisme doctrinal et culturel dans l’espace irano-irakien jusqu’à l’avènement des Saljoukieds, qui favorisent l’ "orthodoxie" sunnite à partir de 1038. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Installée à Mahdiyya (Tunisie) en 909, puis au Caire à partir de 969, la dynastie fatimide incarne une théologie politique concurrente de la théologie sunnite, mais renforce la tendance humaniste, pluraliste de la culture telle qu’elle s’exprime dans la fameuse encyclopédie philosophico-scientifique des Frères sincères (Ikwân al-Safa). Le dynamisme politique et culturel en Orient (Iran-Irak), mais guère dans le bloc occidental du Sunnisme (Espagne musulman et Maroc) où le califat de Cordoue (912-1031) favorise l’éclosion de la fameuse civilisation andalouse dont on admire encore aujourd’hui des restes prestigieux.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
</span></b><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">Economiquement</span></b><b><span style="font-family: Arial;">, la classe marchande connaît au IV/Xe siècle un épanouissement exceptionnel puis elle commencera à déchoir à partir du Ve/XIe siècle et ne cessera de s’affaiblir face à la montée corrélative de l’hégémonie européenne avec l’entrée en scène de Bruges, Troyes, Gênes, Venise, puis l’Espagne (Reconquista), le Portugal, l’Angleterre, la France jusqu’à la colonisation au XIXe siècle. Les marchands contrôlent les routes maritimes (Méditerranée et Océan indien) et les routes terrestres (Sahara) ainsi qu’en témoigne la riche littérature géographique où les voyageurs humanistes ont consigné des connaissances précises, variées, étendues sur des peuples, des cultures, des civilisations très éloignés de l’islam arabe qui demeure le centre politique, le modèle obligé de référence, mais qui n’empêche pas l’élargissement des horizons dans le temps et dans l’espace. Dans les centres urbains, ces marchands enrichis constituent les cadres sociaux d’accueil d’une culture à dominante profane et rationnelle. C’est alors que se dessinent des lignes de clivage entre un humanisme théologique contrôlé par les ‘ulama – les gestionnaires du sacré – et un humanisme philosophique centré sur la formation de l’homme raisonnable capable d’initiative intellectuelle, d’exercice critique et responsable de la raison. On pense irrésistiblement au rôle évidemment plus décisif que jouera la bourgeoisie capitaliste en Europe à partir des XVIIe-XVIIIe siècles dans le triomphe de la Raison des Lumières.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
</span></b><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">Socialement</span></b><b><span style="font-family: Arial;">, la classe des secrétaires d’administration – Kuttâb – des intellectuels, des lettrés tous formés dans les disciplines de l’adab, soutenus par des mécènes riches et puissants, renforcent l’impact de l’humanisme séculier dans le milieux urbains. Il faut bien souligner que tous les courants de pensée, tous les cadres sociaux, toutes les œuvres de civilisation dont il est question ici sont liés à la civilisation urbaine. En dehors des centres urbains, nous devons parler de sociétés paysannes, montagnarde ou de civilisation du désert dont les caractéristiques sociales, économiques et culturelles sont dédaignées, jugées négativement par les élites savantes qui parlent de masses (‘awâmm) ignorantes, dangereuses. La division sociale existe dans les villes elles-mêmes entres les classes cultivées, savantes, participant aux idéaux de l’humanisme (adab) et les classes dangereuses, irrédentistes, nécessaires au bien-être des élites, mais abandonnées aux cultures que nous nommons aujourd’hui populaires, avec leurs croyances et rituels « superstitieux », leurs codes coutumiers et leurs pratiques fortement censurées par les élites aussi bien religieuses que profanes. Il est donc nécessaire de corriger par une sociologie de la culture et de la pensée tout ce qui s’écrit et se dit habituellement sous les titres glorifiants et globalisants de civilisation ou culture arabes, d’islam classique, de pensée, d’architecture, d’arts islamiques.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"><br />
</span></b><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">Culturellement</span></b><b><span style="font-family: Arial;">, c’est l’avancée de la philosophie et de la science grecques qui permet le renforcement de l’humanisme laïcisant à l’Ive/Xe siècle. Au III/IXe siècle déjà, un écrivain très en vue comme Ibn Qutayba (m. 889) dénonçait l’emprise très forte d’Aristote, de la philosophie grecque sur la pensée islamique. Le retour à un politique sunnite antimu’tazilite après 848 avec le calife Mutawwakil, n’a pas empêché la philosophie de progresser, de gagner un public plus large en s’introduisant dans les ouvrages de culture générale (adaba), alors qu’elle a été longtemps confinée dans les traités spécialisés (Al-Kindi, m. 870, Farabi, m. 950)[3]. Dans une abondante littérature que j’ai appelée l’adab philosophique, on peut relever plusieurs signes annonciateurs de la naissance d’un sujet humain soucieux d’autonomie, de discernement libre dans l’exercice des responsabilités morales, civiques, intellectuelles. Des chrétiens comme Yahya Ibn Adi (m. 974), Ibn Zur’a (m. 1008), des juifs comme Ishaq Isra’ili (m. 932), Ibn Gabirol (c. 1058), Maïmonide (m. 1204) participent à ce mouvement d’une société, certes réduite en nombre, mais dont le rayonnement a atteint, de proche en proche, l’Europe et la Sicile, l’Andalousie, le Midi de la France et de l’Italie."<br />
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[1] Voir en particulier son "Humanisme arabe au IVe/Xe siècle, Miskawayh philosophe et historien", Vrin, 1982<br />
[2] Rappelons que la dynastie des Bûyides (Banu Buwayh) était chiite. Elle était origninaire du Daylam, région montagneuse située dans le nord de l'Iran réputée pour ses rudes montagnards et ses farouches guerriers. Le Daylam fut l'une des principales régions d'implantation de l'Ismaélisme aux XIIe et XIIIe siècles avec notamment la forteresse d'Alamut qui fut le quartier général du gouvernement ismaélien.<br />
[3] Rappelons que les grands philosophes al-Kindi et al-Farabi étaient chiites, et Avicenne était né et avait grandi dans une famille chiite ismaélienne.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Référence</span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Mohammed Arkoun, Humanisme et islam. Combats et propositions.<o:p></o:p></span></b></div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-57748641908084106372012-01-22T14:04:00.000+01:002012-01-22T14:04:30.128+01:00Quatre heures à Chatila<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjASl9cxzmct3G0RXoRXMw9rDzhvu_X9DiELfaEIhpOLGn4LerlmnF3trcwFD6ftQpNA-xscFj4Jc6OqwOBYhy-cbGXjoLc1nL6Qe6pcjA4OgHTQ7ObD52hWnxrh61kPp9_pSDrS79jSZo/s1600/316372_1854785707643_1780854344_1293070_659524735_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="300" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjASl9cxzmct3G0RXoRXMw9rDzhvu_X9DiELfaEIhpOLGn4LerlmnF3trcwFD6ftQpNA-xscFj4Jc6OqwOBYhy-cbGXjoLc1nL6Qe6pcjA4OgHTQ7ObD52hWnxrh61kPp9_pSDrS79jSZo/s400/316372_1854785707643_1780854344_1293070_659524735_n.jpg" width="400" /></a></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;"><br />
</span></b></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 20.0pt;">Quatre heures à Chatila<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"> Par JEAN GENET<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« A Chatila, à Sabra, des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ? » Menahem Begin (à la Knesset).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Personne, ni rien, aucune technique du récit, ne dira ce que furent les six mois passés par les feddayin dans les montagnes de Jerash et d’Ajloun en Jordanie, ni surtout leurs premières semaines. Donner un compte rendu des événements, établir la chronologie, les réussites et les erreurs de l’OLP, d’autres l’ont fait. L’air du temps, la couleur du ciel, de la terre et des arbres, on pourra les dire, mais ne jamais faire sentir la légère ébriété, la démarche au-dessus de la poussière, l’éclat des yeux, la transparence des rapports non seulement entre feddayin, mais entre eux et les chefs. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Tout, tous, sous les arbres, étaient frémissants, rieurs, émerveillés par une vie si nouvelle pour tous, et dans ces frémissements quelque chose d’étrangement fixe, aux aguets, réservé, protégé comme quelqu’un qui prie sans rien dire. Tout était à tous. Chacun en lui-même était seul. Et peut-être non. En somme souriants et hagards. La région jordanienne où ils s’étaient repliés, selon un choix politique, était un périmètre allant de la frontière syrienne à Salt, pour la longueur, délimitée par le Jourdain et par la route de Jerash à Irbid. Cette grande longueur était d’environ soixante kilomètres, sa profondeur vingt d’une région très montagneuse couverte de chênes verts, de petits villages jordaniens et d’une culture assez maigre. Sous les bois et sous les tentes camouflées les feddayin avaient disposé des unités de combattants et des armes légères et semi-lourdes. Une fois sur place, l’artillerie, dirigée surtout contre d’éventuelles opérations jordaniennes, les jeunes soldats entretenaient les armes, les démontaient pour les nettoyer, les graisser, et les remontaient à toute vitesse. Quelques-uns réussissaient l’exploit de démonter et remonter les armes les yeux bandés afin de pouvoir le réussir la nuit. Entre chaque soldat et son arme s’était établi un rapport amoureux et magique. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Comme les feddayin avaient quitté depuis peu l’adolescence, le fusil en tant qu’arme était le signe de la virilité triomphante, et apportait la certitude d’être. L’agressivité disparaissait : le sourire montrait les dents. Pour le reste du temps, les feddayin buvaient du thé, critiquaient leurs chefs et les gens riches, palestiniens et autres, insultaient Israël, mais parlaient surtout de la révolution, de celle qu’ils menaient et de celle qu’ils allaient entreprendre. Pour moi, qu’il soit placé dans le titre, dans le corps d’un article, sur un tract, le mot « Palestiniens » évoque immédiatement des feddayin dans un lieu précis – la Jordanie – et à une époque que l’on peut dater facilement : octobre, novembre, décembre 70, janvier, février, mars, avril 1971. C’est à ce moment-là et c’est là que je connus la Révolution palestinienne. L’extraordinaire évidence de ce qui avait lieu, la force de ce bonheur d’être se nomme aussi la beauté. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il se passa dix ans et je ne sus rien d’eux, sauf que les feddayin étaient au Liban. La presse européenne parlait du peuple palestinien avec désinvolture, dédain même. Et soudain, Beyrouth-Ouest. * * * Une photographie a deux dimensions, l’écran du téléviseur aussi, ni l’un ni l’autre ne peuvent être parcourus. D’un mur à l’autre d’une rue, arqués ou arc-boutés, les pieds poussant un mur et la tête s’appuyant à l’autre, les cadavres, noirs et gonflés, que je devais enjamber étaient tous palestiniens et libanais. Pour moi comme pour ce qui restait de la population, la circulation à Chatila et à Sabra ressembla à un jeu de saute-mouton. Un enfant mort peut quelquefois bloquer les rues, elles sont si étroites, presque minces et les morts si nombreux. Leur odeur est sans doute familière aux vieillards : elle ne m’incommodait pas. Mais que de mouches. Si je soulevais le mouchoir ou le journal arabe posé sur une tête, je les dérangeais. Rendues furieuses par mon geste, elles venaient en essaim sur le dos de ma main et essayaient de s’y nourrir. Le premier cadavre que je vis était celui d’un homme de cinquante ou soixante ans. Il aurait eu une couronne de cheveux blancs si une blessure (un coup de hache, il m’a semblé) n’avait ouvert le crâne. Une partie de la cervelle noircie était à terre, à côté de la tête. Tout le corps était couché sur une mare de sang, noir et coagulé. La ceinture n’était pas bouclée, le pantalon tenait par un seul bouton. Les pieds et les jambes du mort étaient nus, noirs, violets et mauves : peut-être avait-il été surpris la nuit ou à l’aurore ? Il se sauvait ? Il était couché dans une petite ruelle à droite immédiatement de cette entrée du camp de Chatila qui est en face de l’Ambassade du Koweït. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le massacre de Chatila se fit-il dans les murmures ou dans un silence total, si les Israéliens, soldats et officiers, prétendent n’avoir rien entendu, ne s’être doutés de rien alors qu’ils occupaient ce bâtiment, depuis le mercredi après-midi ? La photographie ne saisit pas les mouches ni l’odeur blanche et épaisse de la mort. Elle ne dit pas non plus les sauts qu’il faut faire quand on va d’un cadavre à l’autre. Si l’on regarde attentivement un mort, il se passe un phénomène curieux : l’absence de vie dans ce corps équivaut à une absence totale du corps ou plutôt à son recul ininterrompu. Même si on s’en approche, croit-on, on ne le touchera jamais. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Cela si on le contemple. Mais un geste fait en sa direction, qu’on se baisse près de lui, qu’on déplace un bras, un doigt, il est soudain très présent et presque amical. L’amour et la mort. Ces deux termes s’associent très vite quand l’un est écrit. Il m’a fallu aller à Chatila pour percevoir l’obscénité de l’amour et l’obscénité de la mort. Les corps, dans les deux cas, n’ont plus rien à cacher : postures, contorsions, gestes, signes, silences mêmes appartiennent à un monde et à l’autre. Le corps d’un homme de trente à trente-cinq ans était couché sur le ventre. Comme si tout le corps n’était qu’une vessie en forme d’homme, il avait gonflé sous le soleil et par la chimie de décomposition jusqu’à tendre le pantalon qui risquait d’éclater aux fesses et aux cuisses. La seule partie du visage que je pus voir était violette et noire. Un peu plus haut que le genou, la cuisse repliée montrait une plaie, sous l’étoffe déchirée. Origine de la plaie : une baïonnette, un couteau, un poignard ? Des mouches sur la plaie et autour d’elle. La tête plus grosse qu’une pastèque — une pastèque noire. Je demandai son nom, il était musulman. — Qui est-ce ? — Palestinien, me répondit en français un homme d’une quarantaine d’années. Voyez ce qu’ils ont fait. Il tira sur la couverture qui couvrait les pieds et une partie des jambes. Les mollets étaient nus, noirs et gonflés. Les pieds, chaussés de brodequins noirs, non lacés, et les chevilles des deux pieds étaient serrées, et très fortement, par le nœud d’une corde solide — sa solidité était visible — d’environ trois mètres de long, que je disposai afin que madame S. (américaine) puisse photographier avec précision. Je demandai à l’homme de quarante ans si je pouvais voir le visage. — Si vous voulez, mais voyez-le vous-même. — Vous voulez m’aider à tourner sa tête ? — Non. — L’a-t-on tiré à travers les rues avec cette corde ? — Je ne sais pas, monsieur. — Qui l’a lié ? — Je ne sais pas, monsieur. — Les gens du commandant Haddad ? — Je ne sais pas. — Les Israéliens ? — Je ne sais pas. — Les Kataèb ? — Je ne sais pas. — Vous le connaissiez ? — Oui. — Vous l’avez vu mourir ? — Oui. — Qui l’a tué ? — Je ne sais pas. Il s’éloigna du mort et de moi assez vite. De loin il me regarda et il disparut dans une ruelle de traverse. Quelle ruelle prendre maintenant ? <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">J’étais tiraillé par des hommes de cinquante ans, par des jeunes gens de vingt, par deux vieilles femmes arabes, et j’avais l’impression d’être au centre d’une rose des vents, dont les rayons contiendraient des centaines de morts. Je note ceci maintenant, sans bien savoir pourquoi en ce point de mon récit : « Les Français ont l’habitude d’employer cette expression fade "le sale boulot", eh bien, comme l’armée israélienne a commandé le "sale boulot" aux Kataèb, ou aux Haddadistes, les travaillistes ont fait accomplir le "sale boulot" par le Likoud, Begin, Sharon, Shamir. » Je viens de citer R., journaliste palestinien, encore à Beyrouth, le dimanche 19 septembre. Au milieu, auprès d’elles, de toutes les victimes torturées, mon esprit ne peut se défaire de cette « vision invisible » : le tortionnaire comment était-il ? Qui était-il ? Je le vois et je ne le vois pas. Il me crève les yeux et il n’aura jamais d’autre forme que celle que dessinent les poses, postures, gestes grotesques des morts travaillés au soleil par des nuées de mouches. S’ils sont partis si vite (les Italiens, arrivés en bateau avec deux jours de retard, s’enfuirent avec des avions Hercules !), les marines américains, les paras français, les bersaglieri italiens qui formaient une force de séparation au Liban, un jour ou trente-six heures avant leur départ officiel, comme s’ils se sauvaient, et la veille de l’assassinat de Béchir Gemayel, les Palestiniens ont-ils vraiment tort de se demander si Américains, Français, Italiens n’avaient pas été prévenus qu’il faille déguerpir à toutes pompes pour ne pas paraître mêlés à l’explosion de la maison des Kataèb ? —<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"> C’est qu’ils sont partis bien vite et bien tôt. Israël se vante et vante son efficacité au combat, la préparation de ses engagements, son habileté à mettre à profit les circonstances, à faire naître ces circonstances. Voyons : I’OLP quitte Beyrouth en gloire, sur un navire grec, avec une escorte navale. Béchir, en se cachant comme il peut, rend visite à Begin en Israël. L’intervention des trois armées (américaine, française, italienne) cesse le lundi. Mardi Béchir est assassiné. Tsahal entre à Beyrouth-Ouest le mercredi matin. Comme s’ils venaient du port, les soldats israéliens montaient vers Beyrouth le matin de l’enterrement de Béchir. Du huitième étage de ma maison, avec une jumelle, je les vis arriver en file indienne : une seule file. Je m’étonnais que rien d’autre ne se passe car un bon fusil à lunette aurait dû les descendre tous. Leur férocité les précédait. Et les chars derrière eux. Puis les jeeps. Fatigués par une si longue et matinale marche, ils s’arrêtèrent près de l’Ambassade de France, laissant les tanks avancer devant eux, entrant carrément dans Hamra. Les soldats, de dix mètres en dix mètres, s’assirent sur le trottoir, le fusil pointé devant eux, le dos appuyé au mur de l’ambassade. Le torse assez grand, ils me semblaient des boas qui auraient eu deux jambes allongées devant eux. " Israël s’était engagé devant le représentant américain, Habib, à ne pas mettre les pieds à Beyrouth-Ouest et surtout à respecter les populations civiles des camps palestiniens. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Arafat a encore la lettre par laquelle Reagan lui fait la même promesse. Habib aurait promis à Arafat la libération de neuf mille prisonniers en Israël. Jeudi les massacres de Chatila et Sabra commencent. Le ’’bain de sang’’ qu’Israël prétendait éviter en apportant l’ordre dans les camps !... " me dit un écrivain libanais. " Il sera très facile à Israël de se dégager de toutes les accusations. Des journalistes dans tous les journaux européens s’emploient déjà à les innocenter : aucun ne dira que pendant les nuits de jeudi à vendredi et vendredi à samedi on parlait hébreu à Chatila. " C’est ce que me dit un autre Libanais. La femme palestinienne – car je ne pouvais pas sortir de Chatila sans aller d’un cadavre à l’autre et ce jeu de l’oie aboutirait fatalement à ce prodige : Chatila et Sabra rasés avec batailles de l’immobilier afin de reconstruire sur ce cimetière très plat – la femme palestinienne était probablement âgée car elle avait des cheveux gris. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Elle était étendue sur le dos, déposée ou laissée là sur des moellons, des briques, des barres de fer tordues, sans confort. D’abord j’ai été étonné par une étrange torsade de corde et d’étoffe qui allait d’un poignet à l’autre, tenant ainsi les deux bras écartés horizontaux, comme crucifiés. Le visage noir et gonflé, tourné vers le ciel, montrait une bouche ouverte, noire de mouches, avec des dents qui me semblèrent très blanches, visage qui paraissait, sans qu’un muscle ne bougeât, soit grimacer soit sourire ou hurler d’un hurlement silencieux et ininterrompu. Ses bas étaient en laine noire, la robe à fleurs roses et grises, légèrement retroussée ou trop courte, je ne sais pas, laissait voir le haut des mollets noirs et gonflés, toujours avec de délicates teintes mauves auxquelles répondaient un mauve et un violet semblable aux joues. Étaient-ce des ecchymoses ou le naturel effet du pourrissement au soleil ? — Est-ce qu’on l’a frappée à coups de crosse ? — Regardez, monsieur, regardez ses mains. Je n’avais pas remarqué. Les doigts des deux mains étaient en éventail et les dix doigts étaient coupés comme avec une cisaille de jardinier. Des soldats, en riant comme des gosses et en chantant joyeusement, s’étaient probablement amusés en découvrant cette cisaille et en l’utilisant. — Regardez, monsieur. Les bouts des doigts, les phalangettes, avec l’ongle, étaient dans la poussière. Le jeune homme qui me montrait, avec naturel, sans aucune emphase, le supplice des morts, remit tranquillement une étoffe sur le visage et sur les mains de la femme palestinienne, et un carton rugueux sur ses jambes. Je ne distinguai plus qu’un amas d’étoffe rose et grise, survolé de mouches. Trois jeunes gens m’entraînaient dans une ruelle. — Entrez, monsieur, nous on vous attend dehors. La première pièce était ce qui restait d’une maison de deux étages. Pièce assez calme, accueillante même, un essai de bonheur, peut-être un bonheur réussi avait été fait avec des restes, avec ce qui survit d’une mousse dans un pan de mur détruit, avec ce que je crus d’abord être trois fauteuils, en fait trois sièges d’une voiture (peut-être d’une Mercédès au rebut), un canapé avec des coussins taillés dans une étoffe à fleurs de couleurs criardes et de dessins stylisés, un petit poste de radio silencieux, deux candélabres éteints. Pièce assez calme, même avec le tapis de douilles... Une porte battit comme s’il y avait un courant d’air. J’avançais sur les douilles et je poussai la porte qui s’ouvrait dans le sens de l’autre pièce, mais il me fallut forcer : le talon d’un soulier à tige l’empêchait de me laisser le passage, talon d’un cadavre couché sur le dos, près de deux autres cadavres d’hommes couchés sur le ventre, et reposant tous sur un autre tapis de douilles de cuivre. Je faillis plusieurs fois tomber à cause d’elles. Au fond de cette pièce, une autre porte était ouverte, sans serrure, sans loquet. J’enjambai les morts comme on franchit des gouffres. La pièce contenait, entassés sur un seul lit, quatre cadavres d’hommes, l’un sur l’autre, comme si chacun d’eux avait eu la précaution de protéger celui qui était sous lui ou qu’ils aient été saisis par un rut érotique en décomposition. Cet amas de boucliers sentait fort, il ne sentait pas mauvais. L’odeur et les mouches avaient, me semblait-il, l’habitude de moi. Je ne dérangeais plus rien de ces ruines et de ce calme. — Dans la nuit de jeudi à vendredi, durant celles de vendredi à samedi et samedi à dimanche, personne ne les a veillés, pensai-je. Et pourtant il me semblait que quelqu’un était passé avant moi près de ces morts et après leur mort. Les trois jeunes gens m’attendaient assez loin de la maison, un mouchoir sur les narines. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est alors, en sortant de la maison, que j’eus comme un accès de soudaine et légère folie qui me fit presque sourire. Je me dis qu’on n’aurait jamais assez de planches ni de menuisiers pour faire des cercueils. Et puis, pourquoi des cercueils ? Les morts et les mortes étaient tous musulmans qu’on coud dans des linceuls. Quels métrages il faudrait pour ensevelir tant de morts ? Et combien de prières. Ce qui manquait en ce lieu, je m’en rendis compte, c’était la scansion des prières. — Venez, monsieur, venez vite. Il est temps d’écrire que cette soudaine et très momentanée folie qui me fit compter des mètres de tissu blanc donna à ma démarche une vivacité presque allègre, et qu’elle fut peut-être causée par la réflexion, entendue la veille, d’une amie palestinienne. — J’attendais qu’on m’apporte mes clés (quelles clés : de sa voiture, de sa maison, je ne sais plus que le mot clés), un vieil homme est passé en courant. – Où vas-tu ? – Chercher de l’aide. Je suis le fossoyeur. Ils ont bombardé le cimetière. Tous les os des morts sont à l’air. Il faut m’aider à ramasser les os. Cette amie est, je crois, chrétienne. Elle me dit encore : <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">"Quand la bombe à vide – dite à implosion – a tué deux cent cinquante personnes, nous n’avions qu’une seule caisse. Les hommes ont creusé une fosse commune dans le cimetière de l’église orthodoxe. On remplissait la caisse et on allait la vider. On a fait le va-et-vient sous les bombes, en dégageant les corps et les membres comme on pouvait." Depuis trois mois les mains avaient une double fonction : le jour, saisir et toucher, la nuit, voir. Les coupures d’électricité obligeaient à cette éducation d’aveugles, comme à l’escalade, bi ou triquotidienne de la falaise de marbre blanc, les huit étages de l’escalier. On avait dû remplir d’eau tous les récipients de la maison. Le téléphone fut coupé quand entrèrent à Beyrouth-Ouest, les soldats israéliens et avec eux les inscriptions hébraïques. Les routes le furent aussi autour de Beyrouth. Les chars Merkeba toujours en mouvement indiquaient qu’ils surveillaient toute la ville et en même temps on devinait leurs occupants effrayés que les chars ne deviennent une cible fixe. Certainement ils redoutaient l’activité de Mourabitounes et celle des feddayin qui avaient pu rester dans les secteurs de Beyrouth-Ouest. Le lendemain de l’entrée de l’armée israélienne nous étions prisonniers, or il m’a semble que les envahisseurs étaient moins craints que méprisés, ils causaient moins d’effroi que de dégoût. Aucun soldat ne riait ni ne souriait. Le temps ici n’était certainement pas aux jets de riz ni de fleurs Le père de Béchir, Pierre Gemayel, parut à la télévision libanaise, visage maigre aux arcades sourcilières très creuses et pleines d’ombre, aux lèvres très minces. Une seule expression : la cruauté nue. Depuis que les routes étaient coupées, le téléphone silencieux, privé de communication avec le reste du monde, pour la première fois de ma vie je me sentis devenir palestinien et haïr Israël. A la Cité sportive, près de la route Beyrouth-Damas, stade déjà presque détruit par les pilonnages des avions, les Libanais livrent aux officiers israéliens des amas d’armes, paraît-il, toutes détériorées volontairement. Dans l’appartement que j’occupe, chacun a son poste de radio. On écoute Radio-Kataèb, Radio-Mourabitounes, Radio-Amman, Radio-Jérusalem (en français), Radio-Liban. On fait sans doute la même chose dans chaque appartement. " Nous sommes reliés à Israël par de nombreux courants qui nous apportent des bombes, des chars, des soldats, des fruits, des légumes ; ils emportent en Palestine nos soldats, nos enfants... en un va-et-vient continu qui ne cesse plus, comme, disent-ils, nous sommes reliés à eux depuis Abraham, dans sa descendance, dans sa langue, dans la même origine... " (un feda’i palestinien). " Bref, ajoute-t-il, ils nous envahissent, ils nous gavent, ils nous étouffent et voudraient nous embrasser. Ils disent qu’ils sont nos cousins. Ils sont très attristés de voir qu’on se détourne d’eux. Ils doivent être furieux contre nous et contre eux-mêmes. "<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">* * * L’affirmation d’une beauté propre aux révolutionnaires pose pas mal de difficultés. On sait – on suppose – que les enfants jeunes ou des adolescents vivant dans des milieux anciens et sévères, ont une beauté de visage, de corps, de mouvements, de regards, assez proche de la beauté des feddayin. L’explication est peut-être celle-ci : brisant les ordres archaïques, une liberté neuve se fraye à travers les peaux mortes, et les pères et les grands-pères auront du mal à éteindre l’éclat des yeux, le voltage des tempes, l’allégresse du sang dans les veines. Sur les bases palestiniennes, au printemps de 1971, la beauté était subtilement diffuse dans une forêt animée par la liberté des feddayin. Dans les camps c’était une beauté encore différente, un peu plus étouffée, qui s’établissait par le règne des femmes et des enfants. Les camps recevaient une sorte de lumière venue des bases de combat et quant aux femmes, l’explication de leur éclat nécessiterait un long et complexe débat. Plus encore que les hommes, plus que les feddayin au combat, les femmes palestiniennes paraissaient assez forts pour soutenir la résistance et accepter les nouveautés d’une révolution. Elles avaient déjà désobéi aux coutumes : regard direct soutenant le regard des hommes, refus du voile, cheveux visibles quelquefois complètement nus, voix sans fêlure. La plus courte et la plus prosaïque de leurs démarches était le fragment d’une avancée très sure vers un ordre nouveau, donc inconnu d’elles, mais où elles pressentaient pour elles-mêmes la libération comme un bain et pour les hommes une fierté lumineuse. Elles étaient prêtes à devenir à la fois l’épouse et la mère des héros comme elles l’étaient déjà de leurs hommes. Dans les bois d’Ajloun, les feddayin rêvaient peut-être à des filles, il semble plutôt que chacun dessinât sur lui-même — ou modelât par ses gestes — une fille collée contre lui, d’où cette grâce et cette force — avec leurs rires amusés — des feddayin en armes. Nous n’étions pas seulement dans l’orée d’une pré-révolution mais dans une indistincte sensualité. Un givre raidissant chaque geste lui donnait sa douceur.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;"> Toujours, et tous les jours pendant un mois, à Ajloun toujours, j’ai vu une femme maigre mais forte, accroupie dans le froid, mais accroupie comme les Indiens des Andes, certains Africains noirs, les Intouchables de Tokyo, les Tziganes sur un marche, en position de départ soudain, s’il y a danger, sous les arbres, devant le poste de garde — une petite maison en dur, maçonnée très vite. Elle attendait, pieds nus, dans sa robe noire, galonnée à son rebord et au rebord des manches. Son visage était sévère mais non hargneux, fatigué mais non lassé. Le responsable du commando préparait une pièce à peu près nue, puis il lui faisait signe. Elle entrait dans la pièce. Refermait la porte, mais non à clé. Puis elle sortait, sans dire un mot, sans sourire, sur ses deux pieds nus elle retournait, très droite, jusqu’à Jerash, et au camp de Baq’a. Dans la chambre, réservée pour elle dans le poste de garde, j’ai su qu’elle enlevait ses deux jupes noires, détachait toutes les enveloppes et les lettres qui y étaient cousues, en faisait un paquet, cognait un petit coup à la porte. Remettait les lettres au responsable, sortait, partait sans avoir dit un mot. Elle revenait le lendemain. D’autres femmes, plus âgées que celle-là, riaient de n’avoir pour foyer que trois pierres noircies qu’elles nommaient en riant, à Djebel Hussein (Amman) : " notre maison ". Avec quelle voix enfantine elles me montraient les trois pierres, et quelquefois la braise allumée en disant, rieuses : &laqno; Dârna. » Ces vieilles femmes ne faisaient partie ni de la révolution, ni de la résistance palestiniennes : elles étaient la gaieté qui n’espère plus. Le soleil sur elles, continuait sa courbe. Un bras ou un doigt tendu proposait une ombre toujours plus maigre. Mais quel sol ? Jordanien par l’effet d’une fiction administrative et politique décidée par la France, l’Angleterre, la Turquie, l’Amérique... " La gaieté qui n’espère plus ", la plus joyeuse car la plus désespérée. Elles voyaient encore une Palestine qui n’existait plus quand elles avaient seize ans, mais enfin elles avaient un sol. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Elles n’étaient ni dessous ni dessus, dans un espace inquiétant ou le moindre mouvement serait un faux mouvement. Sous les pieds nus de ces tragédiennes octogénaires et suprêmement élégantes, la terre était ferme ? C’était de moins en moins vrai. Quand elles avaient fui Hebron sous les menaces israéliennes, la terre ici paraissait solide, chacun s’y faisait léger et s’y mouvait sensuellement dans la langue arabe. Les temps passant, il semblait que cette terre éprouvât ceci : les Palestiniens étaient de moins en moins supportables en même temps que ces Palestiniens, ces paysans, découvraient la mobilité, la marche, la course, le jeu des idées redistribuées presque chaque jour comme des cartes à jouer, les armes, montées, démontées, utilisées. Chacune des femmes, à tour de rôle, prend la parole. Elles rient. On rapporte de l’une d’elles une phrase : — Des héros ! Quelle blague. J’en ai fait et fessé cinq ou six qui sont au djebel. Je les ai torchés. Je sais ce qu’ils valent, et je peux en faire d’autres. Dans le ciel toujours bleu le soleil a poursuivi sa courbe, mais il est encore chaud. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ces tragédiennes à la fois se souviennent et imaginent. Afin d’être plus expressives, elles pointent l’index à la fin d’une période et elles accentuent les consonnes emphatiques. Si un soldat jordanien venait à passer, il serait ravi : dans le rythme des phrases il retrouverait le rythme des danses bédouines. Sans phrases, un soldat israélien, s’il voyait ces déesses, leur lâcherait dans le crâne une rafale de mitraillette. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">* * * Ici, dans ces ruines de Chatila, il n’y a plus rien. Quelques vieilles femmes, muettes, vite refermées sur une porte où un chiffon blanc est cloué. Des feddayin, très jeunes, j’en rencontrerai quelques-uns à Damas. Le choix que l’on fait d’une communauté privilégiée, en dehors de la naissance alors que l’appartenance à ce peuple est native, ce choix s’opère par la grâce d’une adhésion non raisonnée, non que la justice n’y ait sa part, mais cette justice et toute la défense de cette communauté se font en vertu d’un attrait sentimental, peut-être même sensible, sensuel ; je suis français, mais entièrement, sans jugement, je défends les Palestiniens. Ils ont le droit pour eux puisque je les aime. Mais les aimerais-je si l’injustice n’en faisait pas un peuple vagabond ? Les immeubles de Beyrouth sont à peu près tous touchés, dans ce qu’on appelle encore Beyrouth-Ouest. Ils s’affaissent de différentes façons : comme un mille feuilles serré par les doigts d’un King-Kong géant, indifférent et vorace, d’autres fois les trois ou quatre derniers étages s’inclinent délicieusement selon un plissé très élégant, une sorte de drapé libanais de l’immeuble. Si une façade est intacte, faites le tour de la maison, les autres façades sont canardées. Si les quatre façades restent sans fissures, la bombe lâchée de l’avion est tombée au centre et a fait un puits de ce qui était la cage d’escalier et de l’ascenseur. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A Beyrouth-Ouest, après l’arrivée des Israéliens, S. me dit : " La nuit était tombée, il devait être dix-neuf heures. Tout à coup un grand bruit de ferrailles, de ferrailles, de ferrailles. Tout le monde, ma sœur, mon beau-frère et moi, nous courons au balcon. Nuit très noire. Et de temps en temps, comme des éclairs à moins de cent mètres. Tu sais que presque en face de chez nous il y a une sorte de P.C. israélien : quatre chars, une maison occupée par des soldats et des officiers, et des sentinelles. La nuit. Et le bruit de ferrailles qui se rapproche. Les éclairs : quelques torches lumineuses. Et quarante ou cinquante gamins d’environ douze à treize ans qui frappaient en cadence des petits jerricans de fer, soit avec des pierres, soit avec des marteaux ou autre chose. Ils criaient, en le rythmant très fort : Lâ ilâh illâ Allah, Lâ Kataèb wa lâ yahoud. (Il n’est point de Dieu que Dieu, Non aux Kataèb, non aux juifs.) " H. me dit : " Quand tu es venu à Beyrouth et à Damas en 1928, Damas était détruit. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le général Gouraud et ses troupes, tirailleurs marocains et tunisiens, avaient tiré et nettoyé Damas. Qui la population syrienne accusait-elle ? Moi : Les Syriens accusaient la France des massacres et des ruines de Damas. Lui : Nous accusons Israël des massacres de Chatila et de Sabra. Qu’on ne mette pas ces crimes sur le seul dos de leurs supplétifs Kataèb. Israël est coupable d’avoir fait entrer dans les camps deux compagnies de Kataèb, de leur avoir donné des ordres, de les avoir encouragé durant trois jours et trois nuits, de leur avoir apporté à boire et à manger, d’avoir éclairé les camps de la nuit. " Encore H., professeur d’histoire. Il me dit : " En 1917 le coup d’Abraham est réédité, ou, si tu veux, Dieu était déjà la préfiguration de lord Balfour. Dieu, disaient et disent encore les juifs, avait promis une terre de miel et de lait à Abraham et à sa descendance, or cette contrée, qui n’appartenait pas au dieu des juifs (ces terres étaient pleines de dieux), cette contrée était peuplée des Cananéens, qui avaient aussi leurs dieux, et qui se battirent contre les troupes de Josué jusqu’à leur voler cette fameuse arche d’alliance sans laquelle les juifs n’auraient pas eu de victoire. L’Angleterre qui, en 1917, ne possédait pas encore la Palestine (cette terre de miel et de lait) puisque le traité qui lui en accorde le mandat n’avait pas encore été signé. — Begin prétend qu’il est venu dans le pays... — C’est le titre d’un film : " Une si longue absence ". Ce Polonais, vous le voyez en héritier du roi Salomon ? " Dans les camps, après vingt ans d’exil, les réfugiés rêvaient de leur Palestine, personne n’osait savoir ni n’osait dire qu’Israël l’avait de fond en comble ravagée qu’à la place du champ d’orge il y avait la banque, la centrale électrique au lieu d’une vigne rampante. — On changera la barrière du champ ? — Il faudra refaire une partie du mur près du figuier. — Toutes les casseroles doivent être rouillées : toile émeri à acheter. — Pourquoi ne pas faire mettre aussi l’électricité dans l’écurie ? — Ah non, les robes brodées à la main c’est fini : tu me donneras une machine à coudre et une à broder. La population âgée des camps était misérable, elle le fut peut-être aussi en Palestine mais la nostalgie y fonctionnait d’une façon magique. Elle risque de rester prisonnière des charmes malheureux des camps. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il n’est pas sûr que cette fraction palestinienne les quitte avec regret. C’est en ce sens qu’un extrême dénuement est passéiste. L’homme qui l’aura connu, en même temps que l’amertume aura connu une joie extrême, solitaire, non communicable. Les camps de Jordanie, accrochés à des pentes pierreuses sont nus, mais à leur périphérie il y a des nudités plus désolées : baraquements, tentes trouées, habitées de familles dont l’orgueil est lumineux. C’est ne rien comprendre au cœur humain que nier que des hommes peuvent s’attacher et s’enorgueillir de misères visibles et cet orgueil est possible car la misère visible à pour contrepoids une gloire cachée. La solitude des morts, dans le camp de Chatila, était encore plus sensible parce qu’ils avaient des gestes et des poses dont ils ne s’étaient pas occupés. Morts n’importe comment. Morts laissés à l’abandon. Cependant, dans le camp, autour de nous, toutes les affections, les tendresses, les amours flottaient, à la recherche des Palestiniens qui n’y répondraient plus. — Comment dire à leurs parents, qui sont partis avec Arafat, confiants dans les promesses de Reagan, de Mitterrand, de Pertini, qui les avaient assurés qu’on ne toucherait pas à la population civile des camps ? Comment dire qu’on à laissé massacrer les enfants, les vieillards, les femmes, et qu’on abandonne leurs cadavres sans prières ? Comment leur apprendre qu’on ignore ou ils sont enterrés ? Les massacres n’eurent pas lieu en silence et dans l’obscurité. Éclairées par les fusées lumineuses israéliennes, les oreilles israéliennes étaient, dès le jeudi soir, à l’écoute de Chatila. Quelles fêtes, quelles bombances se sont déroulées là où la mort semblait participer aux joyeusetés des soldats ivres de vin, ivres de haine, et sans doute ivres de la joie de plaire à l’armée israélienne qui écoutait, regardait, encourageait, tançait. Je n’ai pas vu cette armée israélienne à l’écoute et à l’il. J’ai vu ce qu’elle a fait.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A l’argument : " Que gagnait Israël à assassiner Béchir : à entrer à Beyrouth, rétablir l’ordre et éviter le bain de sang. " — Que gagnait Israël à massacrer Chatila ? Réponse : " Que gagnait-il à entrer au Liban ? Que gagnait-il à bombarder pendant deux mois la population civile : à chasser et détruire les Palestiniens. Que voulait-il gagner à Chatila : détruire les Palestiniens. " Il tue des hommes, il tue des morts. Il rase Chatila. Il n’est pas absent de la spéculation immobilière sur le terrain aménagé : c’est cinq millions anciens le mètre carré encore ravagé. Mais " propre " ce sera ?... Je l’écris à Beyrouth où, peut-être à cause du voisinage de la mort, encore à fleur de terre, tout est plus vrai qu’en France : tout semble se passer comme si, lassé, accablé d’être un exemple, d’être intouchable, d’exploiter ce qu’il croit être devenu : la sainte inquisitoriale et vengeresse, Israël avait décidé de se laisser juger froidement. " Le peuple juif, bien loin d’être le plus malheureux de la terre, - les Indiens des Andes vont plus au fond dans la misère et l’abandon - comme il a fait croire au génocide alors qu’en Amérique, des Juifs, riches ou pauvres, étaient en réserve de sperme pour la procréation, pour la continuité du peuple " élu ", enfin grâce à une métamorphose savante mais prévisible, le voilà tel qu’il se préparait depuis longtemps : un pouvoir temporel exécrable, colonisateur comme on ne l’ose plus guère, devenu l’Instance Définitive qu’il doit à sa longue malédiction autant qu’à son élection. Dans ce pouvoir exécrable il s’enfonce tellement loin qu’on peut se demander, une fois de plus dans son histoire, s’il ne veut pas, méritant l’unanime condamnation, retrouver son destin de peuple errant, humilié, au pouvoir souterrain. Il s’est, cette fois, trop exposé dans la lumière terrible des massacres qu’il a cessé de subir mais qu’il inflige, et il veut retrouver l’ombre d’autrefois pour redevenir, supposant l’avoir été, le " sel de la terre ". Mais alors quelle démarche ! L’Union soviétique, les pays arabes, aussi veules soient-ils, en refusant d’intervenir dans cette guerre, auraient donc permis à Israël d’apparaître enfin aux yeux du monde et en plein soleil, comme un dément parmi les nations ? ». De nombreuses questions restent posées : Si les Israéliens n’ont fait qu’éclairer le camp, l’écouter, entendre les coups de feu tirés par tant de munitions dont j’ai foulé les douilles (des dizaines de milliers), qui tirait réellement ? Qui, en tuant, risquait sa peau ? Phalangistes ? Haddadistes ? Qui ? Et combien ? Où sont passées les armes qui ont fait toutes ces morts ? Et où les armes de ceux qui se sont défendus ? Dans la partie du camp que j’ai visitée, je n’ai vu que deux armes antichar non employées. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Comment sont entrés les assassins dans les camps ? Les Israéliens étaient-ils à toutes les issues commandant Chatila ? En tout cas, le jeudi ils étaient déjà à l’hôpital de Acca, face à une ouverture du camp. On a écrit, dans les journaux, que les Israéliens sont entrés dans le camp de Chatila dès qu’ils ont connu les massacres, et qu’ils les ont fait cesser aussitôt, donc le samedi. Mais qu’ont-ils fait des massacreurs, qui sont partis où ? Après l’assassinat de Béchir Gemayel et de vingt de ses camarades, après les massacres, quand elle sut que je revenais de Chatila, madame B., de la haute bourgeoisie de Beyrouth, vint me voir. Elle monta – pas d’électricité – les huit étages de l’immeuble – je la suppose âgée, élégante mais âgée. — Avant la mort de Béchir, avant les massacres, vous aviez raison de me dire que le pire était en marche. Je l’ai vu. — Ne me dites surtout pas ce que vous avez vu à Chatila, je vous en prie. Mes nerfs sont trop fragiles, je dois les ménager afin de supporter le pire qui n’est pas encore arrivé. Elle vit, seule avec son mari (soixante-dix ans) et sa bonne dans un grand appartement à Ras Beyrouth. Elle est très élégante. Très soignée. Ses meubles sont de style, je crois Louis XVI. — Nous savions que Béchir était allé en Israël. Il a eu tort. Quand on est chef d’état élu, on ne fréquente pas ces gens là. J’étais sure qu’il lui arriverait malheur. Mais je ne veux rien savoir. Je dois ménager mes nerfs pour supporter les coups terribles qui ne sont pas encore venus. Béchir devait retourner cette lettre où monsieur Begin l’appelait son cher ami. La haute bourgeoisie, avec ses serviteurs muets, à sa façon à elle de résister. Madame B. et son mari ne " croient pas tout à fait à la métempsychose ". Que se passera-t-il s’ils renaissent en forme d’Israéliens ? Le jour de l’enterrement de Béchir est aussi le jour de l’entrée à Beyrouth-Ouest de l’armée israélienne. Les explosions se rapprochent de l’immeuble où nous sommes ; finalement, tout le monde descend à l’abri, dans une cave. Des ambassadeurs, des médecins, leurs femmes, les filles, un représentant de l’ONU au Liban, leurs domestiques. — Carlos, apportez-moi un coussin. — Carlos, mes lunettes. — Carlos, un peu d’eau. Les domestiques, car eux aussi parlent français, sont acceptés dans l’abri. Il faut peut-être aussi les sauvegarder, leurs blessures, leur transport à l’hôpital ou au cimetière, quelle affaire ! Il faut bien savoir que les camps palestiniens de Chatila et de Sabra, c’est des kilomètres et des kilomètres de ruelles très étroites – car, ici, même les ruelles sont si maigres, si squelettiques parfois que deux personnes ne peuvent avancer que si l’une marche de profil – encombrées de gravats, de parpaings, de briques, de guenilles multicolores et sales, et la nuit, sous la lumière des fusées israéliennes qui éclairaient les camps, quinze ou vingt tireurs, même bien armés, n’auraient pas réussi à faire cette boucherie. Les tueurs ont opéré, mais nombreux, et probablement des escouades de tortionnaires qui ouvraient des crânes, tailladaient des cuisses, coupaient des bras, des mains et des doigts, tramaient au bout d’une corde des agonisants entravés, des hommes et des femmes vivant encore puisque le sang a longtemps coulé des corps, à tel point que je ne pus savoir qui, dans le couloir d’une maison, avait laissé ce ruisseau de sang séché, du fond du couloir où était la mare jusqu’au seuil ou il se perdait dans la poussière. Était-ce un Palestinien ? Une femme ? Un phalangiste dont on avait évacué le corps ? De Paris, surtout si l’on ignore la topographie des camps, on peut en effet douter de tout. On peut laisser Israël affirmer que les journalistes de Jérusalem furent les premiers à annoncer le massacre. En direction des pays arabes et en langue arabe comment le dirent-ils ? En langue anglaise et en français, comment ? Et précisément quand ? Quand on songe aux précautions dont on s’entoure en Occident dès qu’on constate un décès suspect, les empreintes, l’impact des balles, les autopsies et contre-expertises ! A Beyrouth, à peine connu le massacre, l’armée libanaise officiellement prenait en charge les camps et les effaçait aussitôt, les ruines des maisons comme celles des corps. Qui ordonna cette précipitation ? Après pourtant cette affirmation qui courut le monde : chrétiens et musulmans se sont entretués, et après que les caméras eurent enregistré la férocité de la tuerie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’hôpital de Acca occupé par les Israéliens, en face d’une entrée de Chatila, n’est pas à deux cents mètres du camp, mais à quarante mètres. Rien vu, rien entendu, rien compris ? Car c’est bien ce que déclare Begin à la Knesset : " Des non-juifs ont massacré des non-juifs, en quoi cela nous concerne-t-il ? " Interrompue un moment ma description de Chatila doit se terminer. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Voici les morts que je vis en dernier, le dimanche, vers deux heures de l’après-midi, quand la Croix-Rouge internationale entrait avec ses bulldozers. L’odeur cadavérique ne sortait ni d’une maison ni d’un supplicié : mon corps, mon être semblaient l’émettre. Dans une rue étroite, dans un redan de mur en arête, j’ai cru voir un boxeur noir assis par terre, rieur, étonné d’être K.O. Personne n’avait eu le courage de lui fermer les paupières, ses yeux exorbités, de faïence très blanche, me regardaient. Il paraissait déconfit, le bras levé, adossé à cet angle du mur. C’était un Palestinien, mort depuis deux ou trois jours. Si je l’ai pris d’abord pour un boxeur nègre, c’est que sa tête était énorme, enflée et noire, comme toutes les têtes et tous les corps, qu’ils soient au soleil ou à l’ombre des maisons. Je passai près de ses pieds. Je ramassai dans la poussière un dentier de mâchoire supérieure que je posai sur ce qui restait des montants d’une fenêtre. Le creux de sa main tendue vers le ciel, sa bouche ouverte, l’ouverture de son pantalon ou manquait la ceinture : autant de ruches ou les mouches se nourrissaient. Je franchis un autre cadavre, puis un autre. Dans cet espace de poussière, entre les deux morts, il y avait enfin un objet très vivant, intact dans ce carnage, d’un rose translucide, qui pouvait encore servir : la jambe artificielle, apparemment en matière plastique, et chaussée d’un soulier noir et d’une chaussette grise. En regardant mieux, il était clair qu’on l’avait arrachée brutalement à la jambe amputée, car les courroies qui habituellement la maintenaient à la cuisse, toutes étaient rompues. Cette jambe artificielle appartenait au deuxième mort. Celui de qui je n’avais vu qu’une jambe et un pied chaussé d’un soulier noir et d’une chaussette grise. Dans la rue perpendiculaire à celle ou j’ai laissé les trois morts, il y en avait un autre. Il ne bouchait pas complètement le passage, mais il se trouvait couché au début de la rue, de sorte que je dus le dépasser et me retourner pour voir ce spectacle : assis sur une chaise, entourée de femmes et d’hommes encore jeunes qui se taisaient, sanglotait une femme – vêtements de femme arabe – qui me parut avoir seize ou soixante ans. Elle pleurait son frère dont le corps barrait presque la rue. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Je vins près d’elle. Je regardai mieux. Elle avait une écharpe nouée sous le cou. Elle pleurait, elle se lamentait sur la mort de son frère, à côté d’elle. Son visage était rose – un rose d’enfant, à peu près uniforme, très doux, tendre – mais sans cils ni sourcils, et ce que je croyais rose n’était pas l’épiderme mais le derme bordé par un peu de peau grise. Tout le visage était brûlé. Je ne puis savoir par quoi, mais je compris par qui. Aux premiers morts, je m’étais efforcé de les compter. Arrivé à douze ou quinze, enveloppé par l’odeur, par le soleil, butant dans chaque ruine, je ne pouvais plus, tout s’embrouillait. Des maisons éventrées et d’ou sortent des édredons, des immeubles effondrés, j’en ai vu beaucoup, avec indifférence, en regardant ceux de Beyrouth-Ouest, ceux de Chatila je voyais l’épouvante. Les morts, qui me sont généralement très vite familiers, amicaux même, en voyant ceux des camps je ne distinguais que la haine et la joie de ceux qui les ont tués. Une fête barbare s’était déroulée là : rage, ivresse, danses, chants, jurons, plaintes, gémissements, en l’honneur des voyeurs qui riaient au dernier étage de l’hôpital de Acca. Avant la guerre d’Algérie, en France, les Arabes n’étaient pas beaux, leur dégaine était lourde, traînassante, leur gueule de travers, et presque soudainement la victoire les embellit, mais déjà, un peu avant qu’elle soit aveuglante, quand plus d’un demi-million de soldats français s’éreintaient et crevaient dans les Aurès et dans toute l’Algérie un curieux phénomène était perceptible, à l’œuvre sur le visage et dans le corps des ouvriers arabes : quelque chose comme l’approche, le pressentiment d’une beauté encore fragile mais qui allait nous éblouir quand les écailles seraient enfin tombées de leur peau et de nos yeux. Il fallait accepter l’évidence : ils s’étaient libérés politiquement pour apparaître tels qu’il fallait les voir, très beaux. De la même façon, échappés des camps de réfugiés, échappés à la morale et à l’ordre des camps, à une morale imposée par la nécessité de survivre, échappés du même coup à la honte, les feddayin étaient très beaux ; et comme cette beauté était nouvelle, c’est-à-dire neuve, c’est-à-dire naïve, elle était fraîche, si vive qu’elle découvrait immédiatement ce qui la mettait en accord avec toutes les beautés du monde s’arrachant à la honte. Beaucoup de macs algériens, qui traversaient la nuit de Pigalle, utilisaient leurs atouts au profit de la révolution algérienne. La vertu était là aussi. C’est, je crois, Hannah Arendt qui distingue les révolutions selon qu’elles envisagent la liberté ou la vertu – donc le travail. Il faudrait peut-être reconnaître que les révolutions ou les libérations se donnent – obscurément – pour fin de trouver ou retrouver la beauté, c’est-à-dire l’impalpable, innommable autrement que par ce vocable. Ou plutôt non : par la beauté entendons une insolence rieuse que narguent la misère passée, les systèmes et les hommes responsables de la misère et de la honte, mais insolence rieuse qui s’aperçoit que l’éclatement, hors de la honte, était facile. Mais, dans cette page, il devait être question surtout de ceci : une révolution en est-elle une quand elle n’a pas fait tomber des visages et des corps la peau morte qui les avachissait. Je ne parle pas d’une beauté académique, mais de l’impalpable – innommable – joie des corps, des visages, des cris, des paroles qui cessent d’être mornes, je veux dire une joie sensuelle et si forte qu’elle veut chasser tout érotisme. * * * Me revoici à Ajloun, en Jordanie, puis à Irbid. Je retire ce que je crois être un de mes cheveux blancs tombé sur mon chandail et je le pose sur un genou de Hamza, assis près de moi. Il le prend entre le pouce, le majeur, le regarde sourit, le met dans la poche de son blouson noir, y appuie sa main en disant : — Un poil de la barbe du Prophète vaut moins que ça. Il respire un peu plus large et reprend : — Un poil de la barbe du Prophète ne vaut pas plus que ça. Il n’avait que vingt-deux ans, sa pensée bondissait à l’aise très au-dessus des Palestiniens de quarante ans, mais il avait déjà sur lui les signes – sur lui : sur son corps, dans ses gestes – qui le rattachaient aux anciens. Autrefois les laboureurs se mouchaient dans leurs doigts. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Un claquement envoyait la morve dans les ronces. Ils se passaient sous le nez leurs manches de velours côtelé qui, au bout d’un mois, était recouverte d’une légère nacre. Ainsi les feddayin. Ils se mouchaient comme les marquis, les prélats prisaient : un peu voûtés. J’ai fait la même chose qu’eux, qu’ils m’ont apprise sans s’en douter. Et les femmes ? Jour et nuit broder les sept robes (une par jour de la semaine) du trousseau de fiançailles offert par un époux généralement âgé choisi par la famille, éveil affligeant. Les jeunes Palestiniennes devinrent très belles quand elles se révoltèrent contre le père et cassèrent leurs aiguilles et les ciseaux à broder. C’est sur les montagnes d’Ajloun, de Salt et d’lrbid, sur les forêts elles-mêmes que s’était déposée toute la sensualité libérée par la révolte et les fusils, n’oublions pas les fusils : cela suffisait, chacun était comblé. Les feddayin sans s’en rendre compte – est-ce vrai ? – mettaient au point une beauté neuve : la vivacité des gestes et leur lassitude visible, la rapidité de l’il et sa brillance, le timbre de la voix plus claire s’alliaient à la promptitude de la réplique et à sa brièveté. A sa précision aussi. Les phrases longues, la rhétorique savante et volubile, ils les avaient tuées. A Chatila, beaucoup sont morts et mon amitié, mon affection pour leurs cadavres pourrissants était grande aussi parce que je les avais connus. Noircis, gonflés, pourris par le soleil et la mort, ils restaient des feddayin. Vers les deux heures de l’après-midi, dimanche, trois soldats de l’armée libanaise, fusil pointé, me conduisirent à une jeep ou somnolait un officier. Je lui demandai : — Vous parlez français ? — English. La voix était sèche, peut-être parce que je venais de la réveiller en sursaut. Il regarda mon passeport. Il dit, en français : — Vous venez de là-bas ? (Son doigt montrait Chatila.) — Oui. — Et vous avez vu ? — Oui. — Vous allez l’écrire ? — Oui.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il me rendit le passeport. Il me fit signe de partir. Les trois fusils s’abaissèrent. J’avais passé quatre heures à Chatila. Il restait dans ma mémoire environ quarante cadavres. Tous – je dis bien tous – avaient été torturés, probablement dans l’ivresse, dans les chants, les rires, l’odeur de la poudre et déjà de la charogne. Sans doute j’étais seul, je veux dire seul Européen (avec quelques vieilles femmes palestiniennes s’accrochant encore à un chiffon blanc déchiré ; avec quelques jeunes feddayin sans armes) mais si ces cinq ou six êtres humains n’avaient pas été là et que j’aie découvert cette ville abattue, les Palestiniens horizontaux, noirs et gonflés, je serais devenu fou. Ou l’ai-je été ? Cette ville en miettes et par terre que j’ai vue ou cru voir, parcourue, soulevée, portée par la puissante odeur de la mort, tout cela avait-il eu lieu ? Je n’avais exploré, et mal, que le vingtième de Chatila et de Sabra, rien de Bir Hassan, et rien de Bourj el-Barajne. * * * Ce n’est pas à mes inclinaisons que je dois d’avoir vécu la période jordanienne comme une féerie. Des Européens et des Arabes d’Afrique du Nord m’ont parlé du sortilège qui les avait tenus là-bas. En vivant cette longue poussée de six mois, à peine teintée de nuit pendant douze ou treize heures, j’ai connu la légèreté de l’événement, l’exceptionnelle qualité des feddayin, mais je pressentais la fragilité de l’édifice. Partout, où l’armée palestinienne en Jordanie s’était regroupée – près du Jourdain – il y avait des postes de contrôle où les feddayin étaient si sûrs de leurs droits et de leur pouvoir que l’arrivée d’un visiteur, de jour ou de nuit, à l’un des postes de contrôle, était l’occasion de préparer du thé, de parler avec des éclats de rire et de fraternels baisers (celui qu’on embrassait partait cette nuit, traversait le Jourdain pour poser des bombes en Palestine, et souvent ne revenait pas). Les seuls îlots de silence étaient les villages jordaniens : ils la bouclaient. Tous les feddayin paraissaient légèrement soulevés du sol comme par un très subtil verre de vin ou la goulée d’un peu de hachich. C’était quoi ? <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La jeunesse insoucieuse de la mort et qui possédait, pour tirer en l’air, des armes tchèques et chinoises. Protégés par des armes qui pétaient si haut, les feddayin ne craignaient rien. Si quelque lecteur a vu une carte géographique de la Palestine et de la Jordanie, il sait que le terrain n’est pas une feuille de papier. Le terrain, au bord du Jourdain, est très en relief. Toute cette équipée aurait dû porter en sous-titre " Songe d’une nuit d’été " malgré les coups de gueule des responsables de quarante ans. Tout cela était possible à cause de la jeunesse, du plaisir d’être sous les arbres, de jouer avec des armes, d’être éloigné des femmes, c’est-à-dire d’escamoter un problème difficile, d’être le point le plus lumineux parce que le plus aigu de la révolution, d’avoir l’accord de la population des camps, d’être photogénique quoi qu’on fasse, et peut-être de pressentir que cette féerie à contenu révolutionnaire serait d’ici peu saccagée : les feddayin ne voulaient pas le pouvoir, ils avaient la liberté. Au retour de Beyrouth, à l’aéroport de Damas, j’ai rencontré de jeunes feddayin, échappés de l’enfer israélien. Ils avaient seize ou dix-sept ans : ils riaient, ils étaient semblables à ceux d’Ajloun. <o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ils mourront comme eux. Le combat pour un pays peut remplir une vie très riche, mais courte. C’est le choix, on s’en souvient, d’Achille dans l’lliade.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-36401993644776706782012-01-22T14:02:00.000+01:002012-01-22T14:02:29.943+01:00Frantz Fanon, l’indépendance dans la chair<div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjaZipZ_PNhVssy75CylMNLuX_98b915bbF7xuFwAk3YZzT6XVfQVu44wUAGXXWmdn1PkeX6yOFYZY3cHd556Hm4hdvCOs-6a8uCMuJl4PjaVFDpaJ-PB3Cl5psXJ-VVfP8So4zo3VSP5Y/s1600/Fanon2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjaZipZ_PNhVssy75CylMNLuX_98b915bbF7xuFwAk3YZzT6XVfQVu44wUAGXXWmdn1PkeX6yOFYZY3cHd556Hm4hdvCOs-6a8uCMuJl4PjaVFDpaJ-PB3Cl5psXJ-VVfP8So4zo3VSP5Y/s400/Fanon2.jpg" width="311" /></a></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 16.0pt;">Frantz Fanon, l’indépendance dans la chair<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par Juliette Cerf<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Né aux Antilles, psychiatre et militant aux côtés du FLN algérien, Frantz Fanon a décrypté dès les années 1950 les effets de la colonisation. Son œuvre, cinquante ans après sa mort, se révèle d’une troublante actualité.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La mère patrie a trahi son fils noir. Celui-ci la trahira en retour. Frantz Fanon, né antillais en 1925, est mort algérien le 6 décembre 1961, à l’âge encore tendre de 36 ans. Une courte vie qui lui aura laissé le temps de combattre le nazisme au sein des Forces françaises libres, d’étudier la médecine à Lyon – et de suivre les cours du philosophe Maurice Merleau-Ponty –, puis d’exercer, à partir de 1953, son métier de psychiatre en Algérie. Expulsé en 1956 car engagé aux côtés du FLN, il rejoint la Tunisie et sillonne l’Afrique noire à son tour lancée sur la voie de l’indépendance, en tant qu’ambassadeur du gouvernement provisoire algérien, chantre d’une solidarité panafricaine. « Il a choisi. Il est devenu algérien. Il n’est pas facile de se souvenir d’un homme comme celui-là en France », résumait sobrement Aimé Césaire il y a tous justes cinquante ans.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Longtemps occulté, Fanon refait aujourd’hui surface dans l’Hexagone à travers un volume d’œuvres complètes et la traduction de la biographie de référence de David Macey. « Il était temps de proposer une vision globale de sa trajectoire intellectuelle et politique, note François Gèze, qui dirige les éditions La Découverte. Nous avons voulu répondre à la demande des lecteurs, et notamment des jeunes issus de l’immigration qui se retrouvent spontanément dans certaines pages de Fanon, stupéfiantes d’actualité. » Cette œuvre incandescente est devant nous. Vive et vivante.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« Fanon est dans l’air du temps et pas seulement dans les banlieues. Sa voix, souffle inépuisable, a l’éclat du métal. Sa pensée, une arme de silex, est animée par une indestructible volonté de vie, une poétique et une pratique de la vie », s’enflamme Achille Mbembe, politologue camerounais, préfacier de ses œuvres.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Son dernier souffle vital, Frantz Fanon l’a employé à dicter Les Damnés de la terre, son ouvrage le plus célèbre, préfacé par Jean-Paul Sartre. Le médecin, alors atteint d’une leucémie myéloïde, soigné entre Moscou et Washington, savait qu’il ne lui restait plus que quelques semaines à vivre. Dans ce testament publié en France en 1961 par François Maspero, en pleine guerre d’Algérie – et aussitôt interdit pour atteinte à la sécurité de l’Etat –, Frantz Fanon voulait « mettre sur pied un homme neuf » qui devrait naître une fois que la paysannerie aurait renversé le colonialisme et la bourgeoisie locale, toujours prête à récupérer les forces de libération nationale.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Adoré aux Etats-Unis par les Black Panthers, cet essai fut condamné par beaucoup, vu comme une apologie antieuropéenne de la violence – attisée par la préface de Sartre. « L’homme colonisé se libère dans et par la violence », écrit en effet Fanon sans détour. Mais cette violence-ci, révolutionnaire, ne peut être comprise que si on la relie à la violence du racisme. La première le libère, le désintoxique de la seconde, qui l’a rendu malade. La perspective de la révolution lui a fait faire « peau neuve », après avoir toute sa vie souffert de sa peau noire.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">Le Noir n’existe que dans le regard du Blanc : “Je suis un nègre – mais naturellement, je ne le sais pas, puisque je le suis.”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">A l’orée de la mort, Fanon, aguerri mais apaisé, ne craignait plus le regard du colon : « Son regard ne me foudroie plus, ne m’immobilise plus, sa voix ne me pétrifie plus. Je ne me trouble plus en sa présence. » Cet échange de regards, « expérience vécue du Noir », était déjà au cœur de Peau noire, masques blancs, son premier livre, publié en 1952, époustouflant « essai de compréhension du rapport Noir-Blanc », tout à la fois confession philosophique et étude clinique. De même que c’est l’antisémite qui fait le Juif (Sartre), de même le Noir n’existe que dans le regard du Blanc : « Je suis un nègre – mais naturellement, je ne le sais pas, puisque je le suis. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’intensité contemporaine de Fanon émane peut-être davantage de cette féroce description du racisme très étudiée par les post-coloniaux studies anglo-saxonnes que des Damnés de la terre, bible tiers-mondiste de la praxis révolutionnaire. Ces Damnés, ancrés dans la lutte anticoloniale, ne risquent-ils pas de nous paraître prisonniers de leur époque, loin de nous ? Le best-seller du psychiatre est peut-être aussi sa camisole de force. Celui qui a lutté pour humaniser la psychiatrie mérite à son tour qu’on l’en libère un peu. En vue de découvrir d’autres textes.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">« L’enjeu est aujourd’hui de sortir de la division entre le Fanon anticolonial et (dé)passé des Damnés de la terre et le Fanon précurseur, postcolonial avant l’heure, de Peau noire, masques blancs, propose le jeune philosophe Matthieu Renault. Faire de Fanon notre contemporain, lui redonner un présent, c’est retrouver une continuité théorique, dialectique, qui manque souvent aux biographies. » Dans son essai, Frantz Fanon, De l’anticolonialisme à la critique postcoloniale, Renault remarque à juste titre que cette pensée francophone a tout de suite voyagé sans trouver d’attaches sur son propre sol. « Pour les Noirs américains, Fanon parle d’eux, précise la philosophe Magali Bessone, qui signe l’introduction aux œuvres. Il a tout de suite fonctionné aux Etats-Unis comme un auteur local, théoricien majeur de la lutte contre la ségrégation raciale. Son unité est bien plus évidente là-bas. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">“Un pays colonial est un pays raciste […] il n’est pas possible d’asservir des hommes sans logiquement les inférioriser de part en part.”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">De part et d’autre de l’Atlantique, que nous révèle Fanon ? Que le racisme n’est pas une tare psychologique individuelle mais une vaste machinerie culturelle, sociale, politique. Deux équations sans appel en composent les rouages : « un pays colonial est un pays raciste » et « il n’est pas possible d’asservir des hommes sans logiquement les inférioriser de part en part », écrit l’auteur dans sa conférence, « Racisme et culture », donnée à Paris en 1956 au Congrès des écrivains et artistes noirs.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">C’est cette implacable mécanique raciste, clé de voûte de la colonisation, qui, la même année, le décide à couper le dernier cordon qui le liait à la France, en quittant son poste de chef de service à l’hôpital psychiatrique de Blida. Dans sa lettre de démission adressée au ministre résident Robert Lacoste, il expose son cas de conscience : ne plus pouvoir continuer à soigner des hommes deux fois aliénés – « l’Arabe, aliéné permanent dans son pays, vit dans un état de dépersonnalisation absolue ».<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">“Ils n’ont qu’à rester chez eux ! Eh oui ! Voici le drame : ils n’ont qu’à rester chez eux. Seulement on leur a dit qu’ils étaient français.”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce parallèle entre aliénation psychiatrique et aliénation coloniale est l’un des fondements de sa pensée. Quelques années auparavant, à Lyon, le médecin avait su identifier les maux de ses patients nord-africains discriminés. Hier comme aujourd’hui, Fanon rappelle à ceux qui auraient tendance à l’oublier que le racisme n’est pas une idée abstraite, il est physique, ronge le corps, est affaire de peau, de mélanine, de sang, de tension musculaire – « C’est le cœur qui voltige là-dedans. C’est la tête qui éclate », écrit-il magnifiquement dans « Le syndrome nord-africain », paru dans la revue Esprit en 1952, mais qui, en ces temps de reconduites à la frontière, n’a rien perdu de son ironie tranchante. « Ils n’ont qu’à rester chez eux ! Eh oui ! Voici le drame : ils n’ont qu’à rester chez eux. Seulement on leur a dit qu’ils étaient français. Ils l’ont appris à l’école. Dans la rue. Dans les casernes. Sur les champs de bataille. On leur a introduit la France partout où, dans leur corps et dans leur “âme”, il y avait place pour quelque chose d’apparemment grand. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Fils d’un inspecteur des douanes et d’une commerçante qui lui disait de ne pas « faire le nègre » quand il faisait des bêtises, biberonné au culte de la grandeur française, le Martiniquais a vécu la même déconvenue que ses malades. « Convaincu qu’être français consistait à défendre une certaine idée de la vie, de l’égalité entre les êtres humains, de la liberté et du droit, Fanon a pris part, à l’âge de 19 ans, à la guerre contre le nazisme, nous raconte Achille Mbembe. Au cours de cette épreuve, il découvrit qu’aux yeux de la France il était avant tout un Noir. Il en éprouva un terrible sentiment de trahison. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Un traumatisme que met en perspective l’historien de la colonisation Nicolas Bancel, auteur de La Fracture coloniale : « Fanon est un pur produit de la politique coloniale qui consistait à former des élites. Celles-ci devaient intégrer le système pour le faire durer, en faisant un lien, une interface, entre la société colonisée et le pouvoir colonial. Mais cet entre-deux culturel fut pour Fanon la source d’une immense souffrance quand il s’est rendu compte qu’il demeurait dans une position subalterne. La promesse de l’idéal républicain s’est alors violemment brisée. »<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La République prétendue une et indivisible, Fanon l’a vécue dans sa chair sous la forme d’une abominable division – il parle même de « scissiparité ». L’intégration promise devint violente désintégration. La Seconde Guerre mondiale fut un siège intérieur. Une lettre envoyée à ses parents depuis le front alsacien, un an après son départ de Fort-de-France, jette aux orties cet « idéal obsolète » : « Cette fausse idéologie ne doit plus nous illuminer. Je me suis trompé ! » Un hurlement : « Si je ne retournais pas, si vous appreniez un jour ma mort face à l’ennemi, consolez-vous, mais ne dites jamais : il est mort pour la belle cause... » S’il rejette une telle « erreur blanche », Fanon ne veut pas non plus tomber dans ce qu’il nomme le « mirage noir » ; il refuse d’être dépositaire de valeurs spécifiques, de se laisser figer dans une négritude qui deviendrait une essence inamovible – le « Nègre je suis, nègre je resterai » de Césaire. Ni livrée noire, ni masque blanc.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sans égale, l’œuvre de Fanon pénètre les méandres psychiques et culturels de la colonisation, ses mécanismes d’hybridation, de mimétisme. Ainsi, ses pages sur le désir de « lactification » éclairent de mille feux un phénomène social préoccupant, problème de santé publique : ces femmes noires prêtes à tout pour blanchir leur peau, pour revêtir le fameux déguisement blanc. On n’exerce ni ne subit jamais une domination sans que cela ait des conséquences, écrit Fanon en substance.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">“C’est le Blanc qui crée le nègre. Mais c’est le nègre qui crée la négritude. A l’offensive colonialiste autour du voile, le colonisé oppose le culte du voile.”<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 14.0pt;">A lire<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Œuvres, de Frantz Fanon, éd. La Découverte, préface d’Achille Mbembe, introduction de Magali Bessone, 896 p., 27 €.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Frantz Fanon, Une vie, de David Macey, trad. de l’anglais par Christophe Jaquet et Marc Saint-Upéry, éd. La Découverte, 600 p., 28 €.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Frantz Fanon, De l’anticolonialisme à la critique postcoloniale, de Matthieu Renault, éd. Amsterdam, 224 p., 14 €.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4141617958964006448.post-85717901358968016042012-01-18T00:46:00.000+01:002012-01-18T00:46:06.514+01:00Comment l’Orient et les Arabes ont découvert l’Europe<div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgnZo5EO6emDbPuT_8bbBaa8AZ5dJ5ILbBU2ZuziOS_d-av-7ID4IHLLAHnXKBDcTfL9aCTi9MgESasF6A-kO6OjDfLzV6DfiCYAujGo54_M9z0oYEZOKLTiD24Ojnxqum4Oes3z1URM9A/s1600/Claire4.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgnZo5EO6emDbPuT_8bbBaa8AZ5dJ5ILbBU2ZuziOS_d-av-7ID4IHLLAHnXKBDcTfL9aCTi9MgESasF6A-kO6OjDfLzV6DfiCYAujGo54_M9z0oYEZOKLTiD24Ojnxqum4Oes3z1URM9A/s400/Claire4.jpg" width="266" /></a></div><div class="MsoNormal"><span style="font-family: Arial;"><o:p><b> </b><i>Photo/Claire Lafargue</i></o:p></span></div><div class="MsoNormal"><span style="font-family: Arial;"><o:p><i><br />
</i></o:p></span></div><div align="center" class="MsoNormal" style="text-align: center;"><b><span style="font-family: Arial; font-size: 18.0pt;">Comment l’Orient et les Arabes ont découvert l’Europe<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Par Alain Gresh<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Imaginons deux figures aux deux bouts du spectre Orient-Occident, un empereur romain et un calife arabe. Rien ne semble plus différent. Et pourtant, le premier était le fils d’un cheikh arabe d’une ville syrienne jouxtant le désert, le second avait les yeux bleus et les cheveux blonds. Le premier était l’empereur romain Philippe, dit l’Arabe, qui régna au IIIe siècle et célébra le millénaire de Rome, le second le calife Abderrahman III, souverain de l’Andalousie à son apogée, au Xe siècle.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ainsi commence le livre de Warwick Ball, Out of Arabia. Phoenicians, Arabs and the Discovery of Europe (Olive Branch Press, 2010), premier volume d’une série de quatre ouvrages qui se fixe comme objectif d’étudier l’influence des cultures qui se situent en dehors du Vieux Continent sur l’histoire et la culture européenne. Le second volume, One World, Persian Civilisation and the West, sort cet été. L’auteur est un archéologue et les découvertes archéologiques tiennent une grande place dans ses démonstrations.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Ce travail est important au moment où quelques historiens mettent leur savoir au service de l’islamophobie et tentent de dresser une ligne de fracture quasi-philosophique entre Orient et Occident. Heureusement, ils sont combattus par nombre de leurs collègues. Il ne s’agit pas pour Ball de montrer que l’Occident doit tout à l’Orient, mais que l’histoire de ces régions du monde ne peut être vue que dans leurs relations et leurs influences réciproques.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Warwick Ball commence en étudiant l’émergence de l’empire phénicien.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Comme on le sait, le terme « Europe » fait référence à une princesse phénicienne enlevée par Zeus et violée. C’est bien sûr un mythe, mais ce qui ne l’est pas, c’est la colonisation de l’Europe par les Phéniciens et les origines phéniciennes de l’alphabet grec. Et aussi bien les Grecs que les Romains étaient conscients de cette origine asiatique (Rome aurait été fondée par Enée fuyant Troie). Les Phéniciens ont créé le premier grand empire colonial en Méditerranée et sur les rives de l’Atlantique.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La patrie originelle des Phéniciens est le littoral du Levant, correspondant au Liban et en partie à la Syrie et Israël. Ils ont inventé la science de la navigation et de l’astronomie. C’est vers 1050 avant J.-C. qu’émergent de nouvelles cités, Byblos, Sidon, Tyr, Arvad, qui vont lancer la colonisation vers l’ouest. Des expéditions de Tyr atteignent l’Espagne et les rivages atlantiques de ce qui sera le Maroc ; une deuxième vague de colonisation autour du IX-Xe siècle, avec la fondation de Carthage. Au VIIe siècle, ils s’aventurent au-delà du détroit de Gibraltar, ils fondent Lixus (l’actuelle Larache, au Maroc) sur la côté atlantique. Ils vont atteindre les Açores et les îles Canaries. En 596, les Phéniciens réalisent la circumnavigation de l’Afrique. La Méditerranée devient un lac phénicien et leur avance préfigure celle des Arabes avec l’expansion de l’islam.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La destruction de Carthage par Rome date de 146, et elle marqua la fin de la domination phénicienne, qui avait duré un demi-millénaire. Mais cette domination avait déjà profondément modifié le paysage européen. Et ce sont les Phéniciens qui ont ainsi déplacé le centre de la civilisation de l’Est à l’Ouest. C’est en poursuivant Hannibal que, pour la première fois, une armée romaine puissante conduite par Scipion s’engagea en Asie. D’autre part, durant la fin du IIe siècle de notre ère, une nouvelle dynastie s’imposa à Rome, celle de Septime Severe, un membre d’une famille phénicienne.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">La politique coloniale de Tyr ne fut dictée par aucun projet particulier, ne fut jamais « centralisée ». Mais, pendant près de mille ans, les Phéniciens ont colonisé l’Europe et la Méditerranée. Ils ont civilisé en premier lieu l’Espagne, une terre développée (ce que n’étaient ni la Gaule ni la Grande-Bretagne) quand elle sera conquise par les Romains ; c’est à cette tradition que l’Espagne devra son expansion ultérieure vers l’Ouest et la découverte des Amériques. Ce sont aussi les Phéniciens qui sont les inventeurs, bien avant les Grecs, des cités « planifiées ». L’héritage intellectuel n’est pas moins important et les historiens et géographes de Grèce ou d’Alexandrie ont reconnu leur dette envers les travaux phéniciens (qui ne nous sont pas parvenus, car consignés sur papyrus). La création par Septimus Severe d’une école de loi à Beyrouth doit beaucoup à l’héritage phénicien ; elle est à l’origine de la jurisprudence romaine, donc européenne – traité de Justinien. Enfin, les Phéniciens ont légué le premier alphabet en 1600, abandonnant le système de « hiéroglyphes » qui mêlait signes, sons, symboles. Et c’est des Phéniciens que les Grecs ont tiré leur alphabet.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">L’auteur s’intéresse ensuite à l’émergence des Arabes en Méditerranée, qui date de bien avant l’islam et comprend une part de civilisation urbaine (elle ne se réduit donc pas aux Bédouins). Sans même évoquer les royaumes de l’Arabie du Sud, ceux du nord, Emesa (la Homs moderne), Nabatea et Palmyre sont incontestablement des royaumes arabes. Leur origine remonte à la période hellénique. L’effondrement de Palmyre au IIIe siècle met fin aux Etats arabes indépendants. Mais, dans les siècles qui suivent, se créent des grandes confédérations tribales arabes sous l’égide de Rome (puis Byzance) ou de la Perse dans les zones-tampons et les Ghassanides, la plus importante confédération arabe, se mettra au service de Constantinople, face à l’empire perse. Les Ghassan seront soumis aux musulmans à la bataille de Yarmouk en 637. Dès le temps des Ghassanides, les Arabes sont devenus un facteur important de l’histoire du Proche-Orient et le monothéisme un élément important de leur culture.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Il évoque ensuite la dynastie romaine des Severe, la dynastie qui connut la plus grande réussite depuis celle des Julio-Claudius ; son fondateur était né en Afrique du Nord, dans une colonie phénicienne Leptis, plus tournée vers Tyr que vers Rome. Il devint officier envoyé en Syrie en 180. Il se maria en 183 à Julia Domna dont on dit qu’elle était une princesse d’Emesa (Homs) et liée aux grandes familles d’origine phénicienne. Il deviendra empereur en 193 et règnera avec sa femme (et puis son fils Caracalla). Ce fut elle sans doute plutôt que Caracalla qui fut à l’origine du décret de 212 étendant la citoyenneté romaine à tous les libres citoyens de l’empire. Elle jouera un rôle central et les preuves abondent que les femmes occupaient une place plus grande en Arabie qu’à Rome ou en Grèce.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Un autre empereur arabe fut Philippe l’Arabe, originaire d’une ville du sud de la Syrie, qui régna à partir de 244 pendant cinq ans. Ce fut un règne court mais important : il célébra le millénaire de la fondation de Rome ; d’autre part, il fut le premier empereur chrétien avant Constantin. On comptait, avant la conquête musulmane, des colonies arabes jusqu’en Espagne, mais aussi en France.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Sans développer tous les thèmes de l’auteur, il en est un qui semble particulièrement nouveau : l’impact des religions arabes d’avant l’islam sur le christianisme. Selon Ball, cette religion non seulement n’est pas européenne, mais elle est complètement étrangère à l’esprit occidental. D’abord, l’idée de « ville sainte » était une partie de la réalité en Orient, les villes s’identifiant au culte d’un dieu dominant (on n’est pas loin du monothéisme) ; elles étaient aussi des lieux de pèlerinage régulier (comme La Mecque). Une des contributions majeures du christianisme fut la notion de « congrégation » (« the most revolutionary concept that Christianity brought to the West after the concept of monotheism », p. 88), l’idée que la communauté se réunissait certains jours dans son ensemble pour célébrer le culte, alors qu’à Rome le culte païen se faisait pour l’essentiel chez soi. Et les temples étaient bâtis pour répondre à cet objectif. A cela s’ajoute une conception « abstraite » de la déité. Les pierres (baetyls) étaient souvent l’objet du culte (pierre noire à Emesse ou dans certains temples phéniciens). Quand les Romains pénétrèrent dans les temples orientaux, ils furent souvent étonnés par l’absence de représentations, eux qui donnaient figure à chacun de leurs dieux. On peut trouver ainsi des motifs cubiques à Pétra et les cubes abstraits et sacrés pouvaient faire l’objet d’un culte, comme à La Mecque.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Autre idée orientale, celle de la renaissance et de la résurrection, particulièrement prégnante dans la religion phénicienne. Un culte pratiqué dans la cité d’Edesse, et qui devint largement répandu dans la Syrie du Nord, était celui de la vierge mère et de l’enfant. « Thus, long before Christianity had supplanted paganism in the Semitic Near East, many of the elements of Christian belief were already in place. » (p. 90). De nombreux éléments de ces cultes pénétrèrent à Rome, bien avant le christianisme, notamment à travers Septimus Severe et sa dynastie.<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">Le christianisme, bien qu’il ait un arrière-plan oriental, sera dominé par un peuple de tradition intellectuelle très différente, les Grecs. Pour eux, tout devait être expliqué, et notamment la nature du Christ. D’où les schismes et les persécutions contre les Arabes chrétiens par Byzance, sous prétexte qu’ils étaient monophysites (qu’ils ne croyaient qu’à la nature divine du Christ).<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal"><b><span style="font-family: Arial;">En conclusion, écrit l’auteur, et contrairement à l’idée reçue selon laquelle le monde musulman n’a jamais regardé vers l’extérieur, c’est un des commandements de l’islam de voyager, notamment à travers le hajj (pèlerinages). Mais, jusqu’à la Renaissance, l’Europe n’est pour l’essentiel (à part l’Espagne) pas un lieu de destination, elle est une terre plutôt à l’écart de la civilisation. « Perhaps the idea that the Arabs contributed most was the idea of universalism, of universal inquiry. » (p. 188)<o:p></o:p></span></b></div><div class="MsoNormal"><br />
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</div>IFMA-ALFARABIhttp://www.blogger.com/profile/12501022269895313150noreply@blogger.com