Le bien, le mal et le « terrorisme »



                                Le bien, le mal et le « terrorisme »

Une abstraction conceptuelle... C’est ce que demeure le terrorisme, la « communauté internationale » n’ayant pas réussi à lui attribuer une définition.
 Dès 1937, la Société des nations (SDN) échoua à adopter une convention pour sa prévention et sa répression faute d’un accord entre les Etats membres. Pour la même raison, l’Organisation des Nations unies (ONU), malgré une multitude de débats qui se sont déroulés tout au long de ses soixante ans d’existence, n’a pu déterminer sa nature. Plus récemment, lors de sa création en 1998, la Cour pénale internationale (CPI) a dû exclure de ses compétences le terrorisme international bien qu’elle soit chargée de sanctionner un large éventail de crimes, y compris celui de génocide.

Il n’en demeure pas moins que le thème a envahi la presse écrite et audiovisuelle ; des systèmes répressifs ont été instaurés dans nombre d’Etats sous prétexte de résister à une menace jugée existentielle. Rarement dans l’histoire de l’édition autant de livres, érudits ou non, ont été consacrés à un phénomène qui a conduit à la « guerre » proclamée par le président George W. Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

Washington a de quoi se féliciter : d’innombrables Etats ont conclu avec les Etats-Unis des conventions de « coopération » que même la résistance au « communisme international » n’a pu susciter en son temps. Mieux, les Etats-Unis ont pu rallier à leur cause la Russie et l’Union européenne et renforcer avec elles leur collaboration dans la « guerre contre le terrorisme », même s’il s’agit là davantage d’une convergence d’intérêts que d’un véritable consensus.

Il n’y a pas si longtemps, aux Etats-Unis, un conférencier devait éviter d’analyser les causes politiques et sociales de la violence, de crainte d’être soupçonné de justifier le terrorisme. L’oukase officiel exigeait que l’on considère la planète comme menacée par la haine irrationnelle de la démocratie. Politologues et journalistes évitaient prudemment de s’engager à contre-courant. Cependant, la vague de contestation qui déferle, à la suite des scandales qui éclaboussent l’administration Bush, balaye progressivement les tabous et les idées reçues, comme en témoignent plusieurs œuvres parues récemment. Elles ne justifient pas le terrorisme, elles analysent ses causes et suggèrent des remèdes.

Auteur de plusieurs livres consacrés aux conflits mondiaux, Matthew Carr prend, avec son livre Unknown Soldiers, le contre-pied des néo-conservateurs en démontrant que le terrorisme n’est rien d’autre que la politique servie (ou desservie), exclusivement ou non, par la violence. Il banalise le phénomène en rappelant les attentats, les assassinats commis au XIXe siècle en Russie par des organisations qui se réclamaient de la révolution française de 1789, ainsi que par les anarchistes des deux côtés de l’Atlantique, en France notamment, en réponse au massacre des communards en 1870. Au siècle dernier, la folie meurtrière embrase les Balkans (1900-1913), l’Irlande du Nord à partir de 1919, les pays colonisés qui se soulèvent contre les puissances occupantes.

Ces dernières justifient le déchaînement de leurs sanglantes répressions en diabolisant des combattants de la liberté. Carr rappelle que ces « terroristes » ont été qualifiés par leurs oppresseurs de bandits, de criminels de droit commun, d’êtres malfaisants, de monstres, de serpents, de vermine... Un exemple parmi tant d’autres, les Mau-Mau au Kenya étaient présentés dans les années 1950 par l’administration et les colons britanniques comme des membres d’une « secte démoniaque », tandis que le très respectable New York Times expliquait doctement le soulèvement kenyan par « les frustrations d’un peuple de sauvages (...) incapable de s’adapter aux progrès de la civilisation ».
 Les chiffres officiels indiquèrent ultérieurement que ceux que l’on accusait d’être « assoiffés de sang » tuèrent en réalité, pendant les sept ans qu’a duré le soulèvement, trente-deux colons et cent soixante-sept membres des forces de l’ordre, dont cent un Africains ; en revanche, plus de vingt-mille Mau-Mau ont été massacrés par les forces de sécurité, et plusieurs centaines de milliers de Kenyans ont été blessés, mutilés, chassés de leurs foyers. Carr, qui évoque entre autres le cas algérien, rappelle que tous les conflits coloniaux ont trouvé leur épilogue par l’accession au pouvoir de leaders « terroristes » : Jomo Kenyatta au Kenya, M. Nelson Mandela en Afrique du Sud, M. Ahmed Ben Bella en Algérie, Menahem Begin en Israël, Anouar El-Sadate en Egypte, pour ne citer que ceux-là.

Pour les pouvoirs établis, les terroristes n’ont jamais des motivations légitimes ; leurs frustrations tout autant que leurs revendications politiques ou sociales ne sont pas dignes d’être prises en considération (sauf sous la contrainte), leur recours à la violence n’étant que l’expression de leur « fanatisme » ou de leur « folie ».
 Carr rapporte à ce sujet que, dans les années 1970, les autorités ouest-allemandes retiraient les cerveaux des cadavres de membres de la bande à Baader pour déterminer les origines génétiques de leur mentalité criminelle. Un psychiatre allemand avait même réussi à « découvrir » un dysfonctionnement pathologique dans l’un des organes qu’il avait examinés...

D’autres théories ont été répandues par des intellectuels américains de haut vol : Samuel Huntington, professeur de science politique à l’université Harvard, prédit dès 1993 un « choc de civilisations » entre l’« Occident » et l’islam, tandis que l’historien Bernard Lewis explique, dès 1964, que la confrontation israélo-arabe s’explique par l’incapacité de l’islam à s’adapter à la modernité. Rien d’étonnant dès lors que Lewis devienne l’un des mentors les plus appréciés des néoconservateurs et des ultrasionistes américains.

Les Palestiniens sont des résistants, comme les sionistes sous le mandat britannique (1922-1948)

Célèbre journaliste d’investigation récompensé par une douzaine de prix internationaux pour ses livres, ses documentaires, ses articles de presse, Phil Rees a écrit un ouvrage, Dining With Terrorists, qui paraît unique en son genre et qui contribue puissamment à démystifier les fantasmes entretenus sur les motivations des terroristes.
 Des années durant, il a sillonné la planète pour « dîner » avec les responsables d’organisations pratiquant la violence. Le tour de force consistait à s’introduire, voire à s’infiltrer, au cœur de mouvements clandestins dans des entités aussi différentes que la Colombie, l’Algérie, le Pays basque espagnol, l’Indonésie, le Cambodge, le Sri Lanka, l’Afghanistan, le Liban, l’Iran, l’Egypte, l’Irlande, la Yougoslavie, le Cachemire, le Pakistan, la Palestine. La moisson de ces enquêtes, photographies à l’appui, est jugée non sans raison « stupéfiante » par Noam Chomsky. Le visage humain des combattants qui émerge, la force de leurs convictions incitent à envisager d’autres moyens que la force pour venir à bout de leur violence, aussi atroce qu’elle puisse paraître.

Conteur hors pair, Rees nous livre des récits de ses aventures et mésaventures, des portraits saisissants de ses interlocuteurs. Aucun d’eux n’estime être un terroriste ; tous soutiennent qu’ils opposent la violence à la violence de leurs oppresseurs. Rares sont ceux qui espèrent une victoire militaire ; les uns souhaitent obliger l’ennemi à négocier un compromis, d’autres se contentent de diffuser un « message politique ». Ainsi, Carr situe dans la catégorie de la propagande certaines activités des Palestiniens dans les années 1970, notamment le détournement d’avions.

Pour Rees, les Palestiniens sont des résistants, au même titre que les sionistes sous le mandat britannique (1922-1948) et les Français sous occupation nazie. En 1997, il fait la connaissance de l’un des fondateurs du Hamas, un intellectuel diplômé des universités américaines, professeur d’ingénierie à l’université islamique de Gaza, auteur de plusieurs livres de technologie ou politiques. Ismaïl Abou Shanab lui confie qu’il se rallierait volontiers aux accords d’Oslo s’il pensait qu’Israël accepterait la création d’un Etat palestinien digne de ce nom.« Face aux obus des chars, aux bombardements des avions F-16, aux missiles des hélicoptères Apache de l’armée d’occupation, que pouvons nous faire d’autre qu’envoyer nos enfants se faire tuer en Israël ? », dit-il tristement à Rees. C’est aussi pour lui un moyen de lancer un appel de détresse à l’opinion mondiale.

Abou Shanab, à 47 ans, demeurait un militant malgré les huit ans d’internement qu’il venait de subir dans les geôles israéliennes, dont deux d’isolement dans une minuscule cellule souterraine. Six ans plus tard, en 2003, tandis qu’il conduisait sa voiture, la fusée d’un hélicoptère israélien le décapite et déchiquette son corps, un spectacle auquel assiste, atterré, Rees en regardant par hasard le reportage diffusé par une chaîne de télévision satellitaire.

Abou Shanab n’est, après tout, que la cent trente-huitième victime, en deux ans, de la politique israélienne dite d’« assassinats ciblés », note l’enquêteur sans autre commentaire. Il aurait pu ajouter que les assassinats ciblés (exécutions extrajudiciaires) sont des crimes de guerre aux yeux des lois internationales, tandis que le Hamas – qui est aussi et surtout un influent parti politique, majoritaire dans un Parlement démocratiquement élu – est sévèrement sanctionné en tant qu’« organisation terroriste » tant par les Etats-Unis que par l’Union européenne, qui ont même coupé l’aide au gouvernement palestinien au lendemain de la victoire du Hamas à des élections pourtant démocratiques.

L’islamophobie tend à confondre islam,islamisme, fondamentalisme,djihadisme et terrorisme 

Rees ne craint pas de traverser la Colombie d’un bout à l’autre, visitant successivement les maquis marxistes des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et ceux des milices contre-révolutionnaires, les uns et les autres pratiquant couramment les enlèvements et les assassinats, non seulement de concitoyens soupçonnés de sympathies pour l’un ou l’autre camp, mais aussi d’étrangers de passage. Il en est bouleversé, mais estime qu’il est contre-productif de les affubler du qualificatif infamant de « terroristes ». Pour pacifier, soutient-il, on devrait exclure l’injure et prendre en compte les intérêts des parties en conflit et les enjeux. D’ailleurs, ajoute-t-il en citant d’anciens ambassadeurs américains en Amérique latine, la politique de Washington dans cette arrière-cour des Etats-Unis serait-elle moins « terroriste » (1) ?

Au Pays basque, Rees n’occulte pas les crimes commis par le mouvement indépendantiste Euskadi ta Askatasuna (ETA), tout en reprochant au gouvernement de Madrid (et accessoirement aux Etats-Unis et à l’Union européenne) de dénoncer ce « terrorisme » tout en s’abstenant d’engager un dialogue sérieux avec ceux qui se réclament de l’histoire, de la culture, de l’identité basques.
 Il rappelle qu’en Irlande du Nord un conflit vieux de plusieurs décennies et que l’on présentait complaisamment comme d’essence religieuse, donc irréductible, a pu être réglé grâce, il est vrai, à de longues et fastidieuses négociations avec l’Armée républicaine irlandaise (Irish Republican Army, IRA).

Il en va tout autrement pour Al-Qaida, qui, en parfaite harmonie avec le président Bush, juge que la confrontation entre l’Occident « judéo-chrétien » et l’islam est d’ordre existentiel. Aucune négociation, aucun compromis, aucune coexistence pacifique, que l’on pouvait instaurer par exemple avec l’« empire du Mal » soviétique, n’est envisageable dans le cas d’espèce. La « guerre sainte » – le djihad – de M. Oussama Ben Laden est tout autant intransigeante que la « croisade » menée par le président Bush depuis les attentats du 11-Septembre. Comment d’ailleurs composer avec une nébuleuse nichée dans les montagnes afghano-pakistanaises, sans structures globales, sans racines nationales, qui se contente d’inciter ses partisans à la violence contre l’empire américain et ses suppôts locaux ?
 Comment traiter avec des cellules de militants disséminées à travers le monde qui fonctionnent d’une manière autonome comme des électrons libres, avec des motivations différentes d’un pays à l’autre ?
Les réponses à ces questions et à bien d’autres sont fournies par une œuvre consacrée à Al-Qaida, sans doute l’une des plus riches parues à ce jour, The Looming Tower, de Lawrence Wright, qui vient d’obtenir le prix Pulitzer. Wright, universitaire, chroniqueur à la revue The New Yorker, dont les travaux ont été primés à plusieurs reprises, se fonde sur des renseignements de première main, des documents inédits rédigés par des dirigeants d’Al-Qaida, des interviews qu’il a conduites avec quatre cent quatre-vingt-trois acteurs ou témoins (dont il fournit la liste), comprenant des proches de M. Ben Laden, des terroristes repentis, des spécialistes de l’islam, d’anciens membres de la Central Intelligence Agency (CIA) et du Federal Bureau of Investigation (FBI). Son enquête l’a conduit, en cinq ans, en Arabie saoudite, en Egypte, en Afghanistan, au Pakistan, au Soudan, au Yémen, mais aussi dans plusieurs pays occidentaux. Il décrit dans le détail les origines de l’organisation transnationale, son idéologie, ses luttes intestines, ses illusions et désillusions.

Les portraits qu’il nous livre de ses dirigeants, de leur environnement social et familial, nous révèlent les ressorts psychologiques de leur comportement. La personnalité de M. Ben Laden, décrite par ceux qui l’ont bien connu, détonne : marginal au sein d’une famille de milliardaires, d’une extrême modestie, il mène une vie monacale au fond de cavernes ; il est attentionné à l’égard de ses quatre épouses, dont deux détentrices de doctorat, l’une en psychologie enfantine, l’autre en linguistique, et le père irréprochable d’une quinzaine d’enfants. nationaliste saoudien avant de devenir globalement antiaméricain, il passe pour avoir des capacités intellectuelles limitées, d’où l’influence qu’exerce sur lui l’Egyptien Ayman Al-Zawahiri, son adjoint et tête pensante d’Al-Qaida.


 Leur credo commun est celui de leur maître à penser, l’idéologue égyptien Sayyed Qutb, pendu sous le régime de Gamal Abdel Nasser, selon lequel « l’homme blanc des Etats-Unis et d’Europe écrase les peuples colonisés ». Le monde pour Qutb se divise en deux camps antagonistes, celui de l’islam et celui de la jahiliyyah(période préislamique païenne et décadente), référence aux régimes « apostats » soumis à l’impérialisme.

Ce n’est sans doute pas le fait du hasard si l’organisation transnationale a pris son envol au milieu des années 1990 tandis que la plupart des mouvements islamistes (nationaux) renonçaient à la violence (dont ils constataient les conséquences négatives) pour s’intégrer dans la vie politique de leurs pays respectifs. Le gouffre entre les deux courants se manifesta au grand jour lors de l’attentat contre les tours de New York et le Pentagone.
 La quasi-totalité des mouvements islamistes, légaux ou clandestins, toutes les autorités religieuses musulmanes condamnèrent les crimes aveugles des djihadistes, tout comme leur idéologie, dénoncée comme contraire aux enseignements du Coran. Le schisme ayant été largement occulté par les médias, l’événement n’empêcha pas l’islamophobie de se répandre dans l’opinion occidentale ; celle-ci tend à confondre – le vocabulaire des médias et d’anciens préjugés aidant – islam, islamisme, fondamentalisme, djihadisme et terrorisme.

La caricature parue dans un journal danois du prophète Mahomet coiffé d’une bombe n’est que l’expression éloquente de cet amalgame. Les débats légitimes qui suivirent sur le « droit de critiquer l’islam (2) » occultèrent celui qui aurait dû normalement se dérouler sur les causes multiples du terrorisme ; sur les frustrations et les colères suscitées par l’hégémonie américaine, par les régimes dictatoriaux qui interdisent toute libre expression, par la corruption et les injustices sociales, par la crise identitaire chez les immigrés.
 Les élites « judéo-chrétiennes » savent bien que l’islam, comme toutes les autres religions, comporte des ingrédients qui peuvent être exploités politiquement pour justifier tout autant le bien que le mal.

Pour l’administration Bush,sont à condamner les mouvements qui résistent à l’hégémonie américaine

Des stratèges américains avaient bien prédit que, dans l’ère postsoviétique, l’islam remplacerait le communisme en tant que menace existentielle. La dimension géopolitique de l’événement est mesurée par Adrian Guelke, professeur au Centre pour l’étude des conflits ethniques, à Belfast, dans son livre Terrorism and Global Disorder.
 Il soutient que l’administration américaine, suivie par nombre de politologues, a tort de considérer les attentats contre les tours de New York et contre le Pentagone comme un tournant dans l’histoire contemporaine. Pour lui, c’est l’effondrement de l’Union soviétique qui ouvre la voie à une nouvelle forme de résistance à l’hégémonie toute-puissante des Etats-Unis, à savoir le terrorisme transnational. L’importance politique des événements du 11-Septembre a-t-elle été grossie pour justifier les « guerres » du président Bush ? Celui-ci, on s’en souvient, accusa Al-Qaida de chercher à « établir un empire islamique de l’Espagne à l’Indonésie ».

Les attentats du 11-Septembre constituèrent une « divine surprise » pour les néoconservateurs. Ils permirent la mise en œuvre de leur programme impérial : occupation de l’Afghanistan et de l’Irak, qui devait précéder celle de l’Iran ; renforcement de la présence militaire en Asie centrale et dans le Golfe ; mise sous tutelle des ressources pétrolières ; « démocratisation » ou remplacement des régimes récalcitrants au « nouvel ordre international ». Le tout au nom de la « guerre contre le terrorisme », planétaire, totale et de durée illimitée, de l’aveu du président Bush.

Prenant, enfin, conscience des implications négatives de cette appellation, le Foreign Office a, dans une circulaire diffusée en avril, recommandé aux diplomates britanniques de ne plus l’utiliser. Sans doute l’audace inouïe des pirates de l’air, l’ampleur épouvantable du nombre de leurs victimes, l’émotion suscitée à travers le monde ont-elle contribué à pousser – du moins initialement – la « communauté internationale » sur la planche glissante sur laquelle s’étaient engagés les Etats-Unis. Les conséquences, on les connaît.

L’implosion de l’Etat irakien, l’anarchie allant de pair avec les succès militaires des talibans en Afghanistan, la mise en échec dans les deux pays des armées américaines ne sont que les résultats les plus spectaculaires de l’aventurisme néoconservateur. Le bilan réel est plus lourd encore. 
L’administration Bush profite de la conjoncture pour multiplier des lois répressives rappelant le climat de l’époque maccarthyste. Elle approuve le comportement d’Etats policiers quand ceux-ci répriment leur opposition ou des minorités opprimées. Aux yeux de Washington, sont terroristes les mouvements qui résistent à l’hégémonie américaine ; ne le sont pas ceux qui acceptent cette hégémonie. Le terrorisme d’Etat est toléré, voire encouragé, s’il est exercé dans l’intérêt des Etats-Unis.
 Autant de facteurs qui favorisent les partisans de la violence. Les émules d’Al-Qaida (qui comptait moins d’une centaine de membres actifs il y a dix ans) se sont implantés en force en Irak, et se sont multipliés dans nombre de pays, notamment en Afrique du Nord et en Europe.

On pourrait conclure à la lecture des ouvrages cités que, dans un monde unipolaire, le terrorisme demeure l’unique arme dont disposent les faibles pour harceler les puissants dans des conflits asymétriques. Seul un traitement politique du phénomène est susceptible d’atténuer sa portée.

ERIC ROULEAU

(1) Dernier exemple en date : la libération sous caution, le 11 avril, aux Etats-Unis, de M. Luis Posada Carriles. Cubain anticastriste ayant participé à la tentative d’invasion de la baie des Cochons (16 avril 1961), longtemps agent de la Central Intelligence Agency, celui-ci est, entre autres, l’auteur intellectuel de l’attentat à la bombe qui, en 1976, a détruit en vol un avion de la Cubana de Aviación, causant la mort de soixante-treize passagers. Rentré illégalement aux Etats-Unis en 2005, il n’est poursuivi que pour avoir violé les lois d’immigration, ce qui le met à l’abri des demandes d’extradition déposées par Cuba et le Venezuela (d’où avait décollé le vol en question).
(2) Lire Agnès Callamard, « A-t-on le droit de tout dire ? », Le Monde diplomatique, avril 2007.